PAIN OF SALVATION

Artiste/Groupe

Pain Of Salvation

Album

Scarsick

Date de sortie

05/02/2007

Style

Metal Progressif

Chroniqueur

RV

Note

18/20

Site Officiel

http://www.painofsalvation.com/

C H R O N I Q U E

Magnifique, sombre, risqué, dansant, avant-gardiste, extrême, génial, audacieux, conceptuel, riche, varié, énorme, ... autant de qualificatifs qui conviennent à la dernière sortie des suédois de Pain of Salvation. S'il est un album que j'attendais en ce début d'année, c'était bien celui-ci et comme d'habitude, Sir Gildenlow et ses compères ne déçoivent pas. Avant d'aller plus loin, il faut que je vous avoue que j'ai laissé toute impartialité au garage. Bonne lecture !

Récemment, je promenais mes yeux sur une revue du dernier Wastefall ("Self Exile", excellent album aussi, soit dit en passant). Le chroniqueur y qualifiait POS de "mou du genou" et de décevant avec leur précédent effort ("Be"). Je profiterai donc de ces quelques lignes pour rectifier ces dires : "Be" est un album magnifique que je qualifierai d'élitiste car il ne peut s'appréhender en quelques écoutes et la puissance de l'oeuvre se dégage au fur et à mesure de la compréhension que l'on en tire. Quant au fait que les suédois jouent mollement, je vous laisse le loisir d'écouter, ne serait-ce qu'un extrait du morceau "Flame to the Moth" pour vous en convaincre...

Le CD inséré dans la platine, une chose saute aux oreilles imméédiatement : le son, la production est énorme et l'ambiance digne du fameux "Perfect Element, part. 1". Et pour cause, "Scarsick" en est la suite, la seconde et dernière partie. On aurait pu imaginer des clins d'oeil musicaux, des reprises de mélodie ou de riff et bien on se serait mis le doigt dans l'oeil. Certes il y a bien des passages qui auraient eu leur place, intercalés sur l'autre galette ("Spitfall" ou "Kingdom of loss" par exemple), mais les références sont minimes.

Au niveau du concept, on est encore gâté. L'histoire commence logiquement là où se termine "The perfect element part 1". Globalement, l'album parle de la société et de sa façon de traiter les personnes, de les mettre au rebus alors que c'est elle qui les façonne et les conditionne. Une personne se retrouve en marge ou exclue simplement parce qu'elle fonctionne différemment. La différence fait peur, il ne faut pas sortir du moule sous peine d'être jeté au rebus. J'ai raccourci, mais l'essentiel est de vous donner la ligne directrice...

Vous l'aurez compris la musique est indissociable des paroles. D'ailleurs, ces dernières donnent vie à l'ensemble. Il faut dire que le chant de Daniel est particulièrement travaillé. Selon les passages des textes, il parle, façon réflexion ("Kingdom of loss") ou aussi façon rap ("Spitfall". Le chant est tantôt calme ("Cribcaged") mais toujours expressif ("Scarsick", "Idiocracy") et devient même rageur comme jamais ("Flame to the Moth"). Les choeurs, parfois féminins ("Scarsick","Disco queen") sont excellents également et rajoutent à l'ambiance faite de dualité ou de questions / réponses.

Et l'ambiance, parlons en un petit peu également. Chaque titre est réellement différent du précédent et est construit pour nous faire ressentir un sentiment, une émotion particulière. Daniel et ses potes ne se contentent pas de nous reservir la même soupe jusqu'à plus soif, bien au contraire, ils n'hésitent pas à aller puiser dans tous les styles et influences qui peuvent servir leur intérêt (du funk, du disco, du rap et du métal à toutes les sauces). La musique a ceci de génial qu'elle ne souffre pas de barrière pour un peu que son géniteur soit suffisament inspiré et créatif.

Mais revenons aux 10 titres qui composent l'album. Dès les premières notes, le ton est donné. Pas d'intro, pas de longueur inutile, "Scarsick" va droit à l'essentiel, la basse (jouée par Daniel sur l'album) claque tout comme les premières mesures et paroles. L'ambiance plutôt funk du départ s'oriente vers quelque chose de plus oriental avant de se durcir à nouveau et de finir de façon plus expérimentale et rageuse. Une entrée en matière plutôt tripante !

Ce n'est pas la piste suivante ("Spitfall") qui fait retomber la chape de plomb. Le refrain est celui qui rappelle le plus The perfect Element. Daniel chante façon rapeur et déblatère ses phrases à un rythme (très) soutenu la plupart du temps. Décidément, ce type sait à peu près tout faire avec sa voix. Ce morceau est divisé en 4 parties qui font monter la tension crescendo jusqu'à "you're a man of the masses" et son refrain final nerveux à souhait.

"Cribcaged" est un titre plus conventionnel, très basé sur les émotions et le feeling, dans la lignée de ce que le groupe a pu faire sur "Remedy lane" mais de façon plus engagée, plus enragée aussi. Là encore, le morceau monte en puissance progressivement pour finir bien plus fort que ce qu'il avait commencé.

Et c'est maintenant que la première grosse surprise intervient car "America" s'écarte des sentiers battus et propose sur un rythme d'enfer une version swinguée d'une pop thrash country. Une basse omniprésente et un refrain energique. Un titre engagé, la démocratie à l'américaine en prend pour son grade au passage ("A simpler democracy where every flaw and failure is called a "right" A new form of freedom based on your income, your colour or creed..."). Le morceau parait presque léger en rapport aux paroles...

Et là attention, deuxième baffe d'affilée. A la façon d'un Kiss dans les années 80, POS délivre un morceau typé disco avec le titre qui va bien "Disco Queen". Mais il serait réducteur de penser que cette piste n'est que disco, car en dehors du refrain, la musique se fait plutôt sombre et assez expérimentale. Qui a dit que métal et disco ne pouvait pas aller de pair ? Ce titre est une bombe instantannée, qui vous fera bouger, danser, chanter, hurler, headbanger, sauter ou alors désolé, je ne peux plus rien pour vous !

On plonge ensuite dans un titre en rupture avec le début de l'album : "Kingdom of loss". Sous un faux air d'interlude, les paroles sont encore une fois acerbes envers la société de consommation. Une sorte de voix "off" introspectives que nous connaissons tous et qui délivre des vérités si vraies que nous ne les voyons même plus la plupart du temps. Ce titre est plus intimiste, contient un solo tout en finesse et finit, encore une fois plus intensément que ce qu'il a commencé. Il sert bien son rôle de transition entre les deux parties de l'album.

Le morceau suivant "Mrs. Modern Mother Mary" est encore une fois surprenant au niveau des arrangements. Ce titre ne dépareillerait pas, en dehors du chant, au sein d'un album d'OSI ou des dernières productions de Fates Warning. C'est donc un métal moderne comme dans le titre et comme dans la foi toute neuve trouvée par le personnage de l'histoire...

"Idiocracy" dégage une ambiance industrielle incontestable, une sorte de noiceur et de chape de plomb étouffante. Le chant est plus discret, murmuré sur la première partie du titre, encore une fois à la façon d'une voix intérieure qui gagne de plus en plus d'intérêt de la part de son hôte. Petit à petit, la voix fait son chemin et les yeux s'ouvrent sur toute la misère environnante. Mais est-il finalement meilleur et souhaitable de voir toute ça plutôt que de l'occulter ? A noter les parties acoustiques de toute beauté et le final plus puissant et émouvant.

C'est avec la rage au ventre que déboule "Flame to the Moth". De mémoire, jamais Daniel n'avait chanté, non hurlé, de la sorte sur un titre auparavant. Alors, toujours "mous du genou" les POS ? Ce morceau prend vraiment aux tripes, et encore une fois les paroles ne sont pas en reste... ("We all know how to cry then we learn how to smile... We're all telling the truth ... then we learn how to lie... and yes ... now we lie")

Et l'album se conclut sur le titre le plus long mais aussi le plus doux musicalement parlant : "Enter rain". C'est une conclusion tragique et mélancolique pour l'histoire de ce personnage imaginé par Daniel il y a quelques années déjà. A mesure que le temps passe, les sentiments nobles (l'amour, la compassion, ...) semblent quitter l'humanité. Mais il reste un peu d'espoir et tant que l'on peut laver ses pêchers et ses blessures...

S'il est un jugement qui ressort de l'écoute, des nombreuses écoutes de ce "Scarsick", c'est que POS n'a rien laissé au hasard une fois de plus. Chaque note jouée, chaque mot prononcé, chaque arrangement a été savament pensé, subtilement inséré. Le résultat est époustouflant. On sent l'implication totale du groupe, Daniel Gildenlow notament est époustouflant au chant, à la basse et aussi à la gratte (c'est aussi le compositeur principal, ce gars est un génie je vous avais prévenu). Les suédois arrivent encore à nous surprendre là où on ne les attendait pas forcément. Ils prouvent une fois de plus qu'ils n'ont aucune limite quant à leur inspiration et créativité, qu'ils arrivent à digérer toute ce qui peut les influencer pour le ressortir à leur sauce. Pour les détracteurs du groupe, aux déçus du très (trop) avant-gardiste et ambitieux "Be", ce "Scarsick" est bien plus orienté métal et va faire date. En quelques albums, les suédois sont passés du statut de révélation à celui de référence incontestée du genre, au même titre que l'est Dream Theater. C'est peu dire. Cet album est une pure merveille, de la première écoute à la 100ème (je pense même avoir dépassé les 100 écoutes d'ores et déjà) on n'en éprouve aucune lassitude, bien au contraire, on découvre toujours un nouveau petit truc qiu accroche l'oreille.

Vous savez ce qu'il vous reste à faire...