Une injustice enfin réparée sur votre webzine préféré ? Oui, je le crois bien, car ceci est notre première chronique d’un album de PHILM, un groupe sud-californien aussi alternatif que rare ; mais un groupe qui tombe parfaitement dans notre cible tant musicale qu’éditoriale. PHILM, ce sont trois albums entre 2012 et 2021. PHILM c’est un trio, au plus simple, guitare-basse-batterie. PHILM c’est aussi trois axes musicaux et trois individus. Le guitariste et chanteur, Gerry Nestler, également leader du groupe prog avant-gardiste Civil Defiance, qui apporte l’axe progressif ; Le bassiste Pancho Tomaselli (WAR, Ultraphonix), qui amène le groove ; et enfin c’est un batteur. Et là il y aura débat. Alors que le membre fondateur était l’ex-Slayer, Dave Lombardo (mais aussi entre autres Suicidal Tendencies, Mr. Bungle ou encore Misfits), celui-ci a officiellement rendu son tablier en 2016, deux ans après la sortie du second LP, Fire From The Evening Sun. D’aucuns diront qu’il est difficile de remplacer quelqu’un avec un tel profile. Ce n’est pas faux (sans blague c’est « profile » que vous comprenez pas ?).
Mais si l’apport metal de Lombardo était perceptible autant dans Harmonic (sorti en 2012) que dans l’excellent Fire From The Evening Sun, l’approche musicale du groupe, prog et avant-gardiste, le rendait peut-être moins indispensable à sa survie. Je crois donc qu’il est nécessaire de se pencher sur le travail effectué par son remplaçant, le vénézuélien Anderson Quintero. Celui-ci vient avec un CV intéressant, notamment auréolé par un Grammy Award reçu en 2011. Surtout, il apporte au groupe une face jazz et renforce la teinte latino que PHILM n’avait pas hésité à déjà expérimenter dans le passé (si vous en doutez, écoutez Corner Girl de Fire From The Evening Sun). Bref, je pense que cela serait une erreur d’enterrer le groupe, même si Lombardo avait dit à son départ «… qu’il ne quittait pas PHILM, mais qu’il y mettait une fin ».
Time Burner reste dans la veine de ce qui avait été produit durant l’ère Lombardo. Le groupe explore différents univers ; saute d’un doom lourd à un jazz fusion, ou encore d’une ballade prog mélancolique à un blues rock sudiste. L’enveloppe globale reste toutefois très avant-gardiste, fusion, voir même franchement expérimentale. Les titres étant relativement courts (entre deux et cinq minutes, à l’exception du titre éponyme de conclusion), l’accès à l’univers n’est pas trop exigeant. Toutefois, même si l’écoute n’est pas trop difficile, elle doit d’abord s’apprivoiser et reste exigeant pour l’auditeur ; donc, si vous ne souhaitez que passer un bon moment sans prise de tête avec simplement de la musique en bruit de fond, vous ne trouverez peut-être pas votre bonheur avec Time Burner.
Je partagerai le LP en deux parties distinctes ; les titres rock progressifs avant-gardiste ou le travail tant musical que vocal est cohérent avec la certaine violence qui peut être perçue par l’auditeur. Le second cluster est clairement fusion et expérimental. Ces titres plus pointus sont généralement musicaux et soutenus par un partie rythmique complexe et, assez souvent, par un clavier. Mais revenons aux quatre titres rock, dont le titre d’ouverture Cries of the Century. Ce titre, comme Steamroller, 1942 et The Seven Sun, fait le lien avec l’ancien PHILM. Moins post-punk que Harmonic, mais aussi moins blues que Fire From The Evening Sun, ces quatre morceaux possèdent cependant encore une veine metal qui nous montre d’où viennent les musiciens du groupe. Les titres sont dissonants et arythmiques en plus d’être soutenus par le chant parfois hurlé de Gerry Nestler ; ce qui souligne, comme je l’ai dit plus haut, ce côté assez violent et dur qu’ils semblent émettre. Finalement. Que ce soit prog (Cries Of The Century), doom (Steamroller), blues (1942) ou encore hard (The Seven Sun), ils sont également tous imprégnés de rock ; ce qui les fera peut-être plus facilement aimer d’un plus large public. Pour ma part, et même si j’en apprécie la rupture régulière qu’ils offrent tout au long de Time Burner, ces quatre titres n’ont pas ma préférence. J’ai personnellement encore plus aimé les six autres morceaux, les plus expérimentaux, qui nous montrent peut-être ou le groupe veut, ou peut, aller.
Ceux-ci offrent en effet un univers fusion absolument remarquable. Teintés de Young Gods (Like Gold), mélancoliques et langoureux comme certains vieux titres de King Crimson (Spanish Flower), prog funk jouissifs (Wonka Vision) ou alors totalement modern jazz expérimental (Wade Through Water et Evening Star), ils ne proposent pas ou peu de compromis à l’auditeur. C’est éclectique et permet de repousser certaines limites que l’on pourrait (injustement) s’imposer. En plus, ces titres ont l’énorme avantage de mettre en valeur les qualités fondamentales des musiciens. Si Gerry Nestler fait le job à la guitare, il faut absolument prendre le temps d’écouter son travail au clavier. Mais aussi d’apprécier le jeu puissant et fin de Tomaselli à la basse et finalement de se réjouir d’avoir Quintero comme batteur-percussionniste. S’il n’est pas Dave Lombardo, il apporte grâce à ses propres qualités, son jeu et ses influences quelque chose de personnel qui nous prouve que personne n’est irremplaçable. Et le meilleur moyen pour comprendre ce que cette nouvelle mouture de PHILM est capable de produire, c’est simplement de se pencher sur Time Burner, le dernier titre de l’album. Onze minutes prog expérimentales qui ne pourront pas vous laisser insensible.
Time Burner est un très bel album pour ouvrir mon année. Et même si j’ai eu du plaisir à (ré)écouter les sorties de l’ancienne mouture du groupe, j’en ai eu encore plus à me pencher sur le travail avant-gardiste du nouveau trio.