Un soir trop frais, un bol de thé brûlant, tout ça après une soirée à écrire des chroniques ... et ce mail menaçant que je ressasse en boucle. Pas tout à fait n’importe quel mail, que l’on pourrait se permettre de balancer aisément en direction de la poubelle déjà pleine de messages collants, puants, non, un mail des services du Grand Ordonnateur.
"Les chroniqueurs, vous m’irritez, et plus particulièrement vous le Diable Bleu ! Vous imaginez peut-être que je passe mon temps à contrôler, à organiser et à corriger votre boulot, pour que vous usiez de facilités et d’expressions qui me feront perdre un temps précieux. Diable Bleu, nous en avons plus que marre de vos facilités d’écriture. De plus, vous saturez de manière incommensurable mes équipes correctives armées de leurs Hellpens (stylos rouges). Et pire, pour finir, vous polluez notre belle et noble langue française. Je vous demande de vous ressaisir, et ce de manière définitive. Ainsi dans un premier temps, voici votre objectif numéro 1, plus de pléonasmes, j’espère ainsi retrouver ce temps rare pour nettoyer le chantier innommable de ce monde que vous avez abandonné par ailleurs en vous perchant tout là haut dans vos montagnes. Nous vous sommons de reprendre une écriture simple et efficiente. Vous appuyant sur votre ridicule niveau d’étude, vous devriez pouvoir composer des chroniques toutes simples, bien suffisantes. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples ineptes, que nous avons glanés dans vos chroniques :
«Au fur et à mesure» ... à mesure suffira, car au fur signifie déjà à mesure «Orthographe correcte» ... orthographe indique «la manière correcte d’écrire un mot», donc on écrit bonne maîtrise de l’orthographe ! «Crier fort» ... hurler «Petit résumé» ... résumé se suffit, car par essence il est petit «Assez satisfaisant» ... bien ou pas satisfaisant, pas d’assez, car il se trouve déjà inclus dans satisfaisant «Principale priorité» ... absolue priorité «Faux prétexte» ... le prétexte est par définition faux, donc prétexte seul «Au jour d’aujourd’hui» ... dire «au jour d’aujourd’hui» revient à dire «au jour au jour de ce jour». ... Trop, c’est trop ! Vous l’avez compris ! À mettre en place tout de suite !
C’est très simple, au moindre-micro minuscule pléonasme, je vous mute de votre place de médiocre chroniqueur à tenter d’émerveiller vos plus ou moins fidèles lectrices et lecteurs, en direction de mes équipes correctrices parmi lesquelles vous apprendrez enfin l’humilité. Alors équipé de votre Hellpen à la pointe acérée, vous aurez alors à votre tour, tout loisir de découvrir le job immonde de mes équipes.
Le ton, la réputation, le passé du Grand Ordonnateur ne souffre aucun commentaire... il m’a déjà fait descendre du vélo (chronique du dernier Civil War) et n’est pas genre à menacer gratuitement... Je me retrouve ainsi, mal disposé à entreprendre cette satanée soirée. Tout bleu pâle ... alors que je venais d’attaquer la chronique de Pale Existence d’Ocean Of Grief, une galette enthousiasmante aux bons œufs frais. Bon, pas le choix, je vais m’employer à bosser propre, tout modestement, user de prudences narratives, resté plat donc : Amies lectrices, amis lecteurs, voici Pale Existence d’Ocean Of Grief (OOG). Un excellent album qui déchire, qui flinguera vos enceintes, vos casques, vos écouteurs et vos tympans.
Pale Existence marque le retour sur le devant de la scène de OOG. Le guitariste Filippos Koliopanos et le bassiste Giannis Koskinas ont tous deux joué dans une autre formation au moment de la pandémie, et ils semblent avoir ramené une énergie renouvelée dans leur groupe principal. La clarté du son ainsi que la maestria de la guitare étaient des caractéristiques majeures de Nightfall’s Lament, leur précédent album. Le même traitement impressionnant a été appliqué à ce nouveau Pale Existence. La production finale fonctionne à merveille. Le niveau général s’est élevé.
Je me permets de vous recommander Dale Of Haunted Shades assez représentatif du groupe pour l’ambiance et finalement assez différent des autres compositions. Très varié, il sonne comme l’assemblage de plusieurs compositions. Et le tout forme un morceau profond, surprenant (un petit passage "Jazzy" inclus), très bien lié et dense. C’est sans aucun doute le morceau exceptionnel de ce Pale Existence, frais il claque comme une rafale de vent.
J’ai également été ravi de découvrir une collaboration avec un grand nom de la guitare, le Suédois Jari Lindholm, sur Unspoken Actions. Cet homme est un brillant guitariste musicien, il apporte ici son propre son dont il découle une intensité particulière.
Imprisoned Between Worlds est une autre pièce maitresse, toujours en mouvement, toujours fluide, et qui rappelle le génie de Saturnus. C’est mon morceau préféré.
En découvrant l’intégralité de l’album, vous ne devriez pas être déçus par cette galette, car chacune des compositions est comparable à ces exemples. Le rendu global est extrêmement impressionnant. Pour être précis : Ça claque, fort selon une production soignée Ça rentre en tête, vite, et s’enchaine sans ennui. Ça tourne à fond et en boucle sur l’ampli.
Fans deSaturnus, de Draconian ou du côté sombre de Swallow The Sun, attention, Ocean Of Grief est définitivement là pour vous faire découvrir leur capacité à évoquer le désespoir à travers de belles mélodies superposées à une atmosphère sombre. Une sorte de pont entre Draconian et Enshine. L’accent mis sur le son de la guitare est hypnotique donc captivant. Le niveau de créativité affiché dans les limites d’un genre bien défini est une fois de plus décroché. Pale Existence est un album extrêmement solide. Nous ne sommes qu’en mars, pourtant je ne vois pas comment celui-ci ne ferait pas partie de ma liste des meilleurs albums de 2023.
Voilà job fait, tout en suivant les consignes strictement flippantes du Grand Ordonnateur ...
... ding ding ding, vous venez de recevoir un mail des services du Grand Ordonnateur ...
Pfff, l’avez-vous trouvé ce pu**in de pléonasme vicieux ?
Tracklist de Pale Existence :
01. Poetry For The Dead 02. Dale Of Haunted Shades 03. Unspoken Actions 04. Imprisoned Between Worlds 05. Cryptic Constellations 06. Pale Wisdom 07. Undeserving