En 1985, les Mötley Crüe, qui ont déjà sorti deux albums,
sont au bord de l’implosion. Déjà… Suite au succès de Shout At The Devil et de la tournée qui a suivi, notamment celle
de tous les excès en première partie d’Ozzy Osbourne, Vince, Tommy,
Mick et Nikki ont plongé encore plus profondément dans
les drogues, l’alcool et toutes les débauches possibles et imaginables. Le tout
aboutissant fin 1984 à un final explosif avec d'une part l’accident de voiture de
Vince Neil dans lequel le batteur de Hanoi Rocks,
Razzle, a trouvé la mort et d'autre part la tentative de suicide de
Mick Mars. A partir de là, les membres du groupe se perdent chacun dans leur
coin et repartir pour un nouvel album semble bien compliqué. Vince doit faire
une cure de désintox et attend son procès, Mick Mars sombre un peu plus
profondément dans l'alcool, Nikki Sixx et Tommy Lee essayent
toutes les drogues possibles... Et pourtant, malgré tout ça, le troisième album
du groupe voit le jour en juin 1985.
Theatre Of Pain apparaît comme
l’album du changement. Déjà, au niveau du look, les Mötley
Crüe ont laissé tomber le côté bad boys tout en cuir (celui des
deux albums précédents) pour le côté paillettes et fanfreluches (foulards,
spandex et toute la panoplie propre au Glam – les permanentes et le maquillage étant
déjà d’actualité sur l’album précédent). La pochette
montre aussi ce virage iconographique, plus dans l'air du temps (on passe tout de même d'un
pentacle sur fond noir à ces deux masques de carnaval sur fond rouge/rosé. On remarquera
que le pentacle est toujours là, mais plus discret...) Pourtant, côté
musique, pas de grands bouleversements finalement. Nikki Sixx est toujours le
compositeur principal du groupe et n’a pas franchement changé son fusil
d’épaule, même s’il a eu beaucoup de mal à composer pour cet album,
car trop défoncé pour arriver à produire un travail satisfaisant.
D’ailleurs, au moment d’entrer en studio, il n’y avait que cinq titres de
prêts. Il a donc fallu compléter avec de vieux titres qui étaient restés
à l’état de démo comme Home Sweet Home, Louder Than Hell,
Save Our Souls et Keep Your Eyes On The Money ainsi qu’avec une reprise de
Brownsville Station, Smokin’ in the Boys Room, que le groupe de
Vince Neil jouait régulièrement avant que celui-ci ne rejoigne
Mötley. Un Vince qui trouvait cet album mauvais, à part
la reprise justement, et qui fut bien surpris de découvrir que celui-ci se vendait
excessivement bien à la remise du disque de platine au groupe. Pour comprendre le
succès de cet album, il faut le remettre dans son contexte. Aux USA, les nouveaux groupes de
Hard Rock (mouvement que l’on appelle maintenant Hair Metal, appellation complètement
ridicule) marchent très fort, si bien que les anciens comme Kiss ou
Ozzy Osbourne se mettent à les copier pour avoir eux aussi leur part du
gâteau. A ce jeu, les Mötley Crüe ont à l’époque
une longueur d’avance. C’est le groupe le plus dangereux, le plus infréquentable et
donc évidemment le groupe à suivre et la sortie de son nouvel album est forcément
un événement.
Que trouve-t-on sur ce nouvel album des
Crüe ? Du riff simpliste mais efficace dans la grande tradition du groupe
(Louder Than Hell, Keep Your Eyes On The Money), parfois bien heavy (Save our
Souls), du refrain bien étudié (Tonight), de la ballade qui tue pour
assurer le tube et le passage en boucle sur MTV (Home Sweet Home), de la reprise
calibrée radio également (Smokin’ in the Boys Room) avec vidéos
à l'appui bien sûr. Ces deux titres vont d'ailleurs toucher leur cible car ils vont
cartonner comme il faut ! Home Sweet Home devenant même l’un de leur plus gros
succès et une référence en terme de power ballade pour tous les groupes
américains du style. Selon Mick Mars qui n’apprécie pas trop cet
album non plus, cette ballade est le seul titre à sauver de ce disque.
Alors, même
si certains verront dans ce Theatre of Pain un changement de style musical, on n'est pas si
éloigné que ça des titres des deux premiers albums. Car si l'on compare par
exemple Tonight (we need a lover) à Looks That Kill (sur Shout at the
Devil), on y trouve pas mal de similitudes. Le fait que quasiment la moitié des morceaux
datent de l'époque du premier et du second album va évidemment dans ce sens. Theatre
Of Pain est dans la continuité de Shout At The Devil avec un côté
mainstream assumé en plus. Mötley Crüe n'a jamais joué du
Heavy Metal avec des gros riffs bien gras. Certes, on trouve sur cet album un ensemble de titres
taillés pour passer en radio/télé mais le tout reste bien rock n'roll.
Vince Neil s'égosille toujours autant et si Mick Mars n'est
pas un soliste hors-pair, il sait tout de même glisser le petit solo qui va bien quand il le
faut.
C’est clair, avec cet album, Mötley était devenu
une grosse machine, comme la tournée en tête d’affiche dans les "arenas"
américaines allait le prouver. Theatre Of Pain n’est certainement pas le
meilleur album du Crüe, de l’avis même de ses géniteurs, ce
n'est pas le plus inspiré mais c’est un album important pour le groupe et pour tout le
mouvement Hard US en ce milieu de décennie.
Tracklist de Theatre of Pain :
01. City
Boy Blues 02. Smokin' in the Boys Room 03. Louder Than
Hell 04. Keep your Eyes on the Money 05. Home Sweet
Home 06. Tonight (we need a lover) 07. Use it or Lose
it 08. Save Our Souls 09. Raise your Hands to Rock 10.
Fight for Your Rights