Killing Joke

Artiste/Groupe

Killing Joke

CD

MMXII

Date de sortie

Avril 2012

Label

Spinefarm

Style

Post Punk Metal

Chroniqueur

scum

Note scum

19/20

Site Officiel Artiste

Myspace Artiste

C H R O N I Q U E

La sortie d'un nouveau Killing Joke avec pour thème la fin d'un monde, c'est forcément quelque chose d'hors du commun. Le commun justement, cela fait bien longtemps que Jaz Coleman et ses sbires l'ont quitté, au profit de cieux dégagés de toute pollution intellectuelle et nuisances humaines. C'est que Coleman vit sur une île à l'autre bout du monde. Et musicalement le groupe n'a jamais semblé vouloir se rapprocher de ses semblables, prêchant une musique tout le temps différente mais avec toujours un discours profond et une âme que peu ont. Depuis le premier album éponyme en 1980 -trente deux ans de carrière, pas la moindre faute, total respect-, les anglais ont toujours évolué en marge des réalités de leur monde. Et ce n'est pas ce très justement nommé MMXII, soit 2012 pour ceux qui ne s'appellent pas Romain, qui va les ramener à plus de banalités. Les derniers exploits du groupe ? Un Absolut Dissent il y a deux ans à peine digéré, un Hosannas From The Basement Of Hell devenu culte. Et bien ce quinzième vrai album ne sonne ni comme l'un ni comme l'autre, ni comme aucun des autres disques de la discographie de la blague qui tue. Fidèles à leurs habitudes, ils nous ont concocté un son encore nouveau, basé sur une puissance sourde et lancinante, réhaussé d'un artwork totalement dans l'esprit de ce crû. Allez, oubliez votre routine, vos tracas quotidiens, attachez vos ceintures, Killing Joke vous emmène faire un voyage au fond de la conscience humaine. Et le voyage commence par une évidence, quelque chose qui est au fond de nous depuis la fin des temps mais que l'on commence tout juste à découvrir : on sait tous que nous sommes condamnés à disparaitre.

L'inversion des Pôles y contribuera. Pole Shift, nous présente cela, l'inversion des Pôles Nord et Sud, provoquant catastrophes et changements irrémédiables dans la vie de la planète. Fléau donc ? Non, événement régulier et nécessaire, connu de quelques scientifiques qui préférent le cacher à la connaissance du monde pour éviter la panique générale. Mais qui peut se produire dès la fin de cette chronique, ou demain matin, ou dans cinq ans. Réel donc. Et pour matérialiser cela, Jaz nous promène d'une face à l'autre de la catastrophe, entre ambiance magique et sursaut de colère maitrisé, symbolisant le Nord et le Sud, le ying et le yang, la dualité de notre monde entre physique et spirituel. Et oui, Killing Joke n'écrit pas pour nous chanter sa liste de courses, il y a un vrai discours derrière. Et musicalement, ça laisse émerveillé. Comment un groupe qui a trente ans de carrière peut encore se réinventer avec un tel génie ? Non parce que là, rien que cette première partie fait quasiment neuf minutes. Pas de notre monde qu'on vous disait. Ensuite Jaz nous informe sur les camps de la FEMA, organisation américaine qui a pour but d'intervenir lors de catastrophes majeures pour secourir les victimes et rétablir l'ordre. Ces camps, disséminés un peu partout au pays de l'oncle Sam sont, sous couvert de sauver le monde, en fait rien de moins que des camps d'extermination. Oui, cela valait quand même le coup de vous en informer non ? L'administration Bush les a construits, et en cherchant un peu vous apprendrez qu'ils contiennent des milliers de cercueils en plastique noir. Funeste ? Terrifiant ? Parano ? Allez savoir. Le support musical est lourd, menaçant, répétitif, notre orateur semble vouloir nous faire prendre conscience que tout cela, au fond de nous, on le sait.

Bon, 2012, vous vous en doutiez, ça n'allait pas être la fête à tous les étages. Délaissons un peu ces informations capitales et effarantes pour laisser s'abattre sur nous un orage metallique constitué par Rapture. Dense mais compact, lourd, voici un classique immédiat. La production est monstrueuse, forcément. L'humanité et la sincérité transpirent de chaque note, le groupe suscite admiration, respect et même idolâtrie discrète. Le synthétique et sautillant Colony Collapse est un petit bijou à part entière. La tension est omniprésente, Coleman varie un peu plus ses intonations, pour un résultat innovant et qui ne sonne que comme du Killing Joke version 2012. Corporate Elect nous rappelle le monstrueux Extremities [...], sorti après dix ans de carrière. Toujours cette énergie, cette densité, ce son étouffé caractéristique, ces mélodies bassement industrielles, oui il y a de ça. Il y a même plus précisément du Money Is Not Our God et du The Beautiful Dead. Tout en restant parfaitement cohérent avec la période actuelle. Le single In Cythera sonne étrangement moins sombre. Plus joueur, plus taquin, plus mûr aussi. Et oui, on peut encore améliorer sa maturité après trente ans de carrière. Prenez-en de la graine les morveux, l'humilité est la qualité première de ce groupe inégalable. In Cythera est aussi plus posé, comme la découverte d'un nouveau monde dans ses premières heures. Oui, c'est un beau représentant de l'album.

C'est après cela qu'entre en jeu un Primobile d'une beauté troublante et d'une pureté à tomber. Le noir se fait plus trouble, perturbé par des nuances de violet. Coleman pourrait bien vous arracher une larme. La mélodie n'est pas ici un simple habit musical, c'est le son que fait l'âme humaine quand elle tombe en désuétude devant l'âpreté de la vie. Rarement Killing Joke nous aura autant atteint. Et ce n'est pas fini. Glitch nous présente un monde en proie à des vents solaires qui réduisent à néant nos moyens de communication, ramenant notre civilisation à l'âge de pierre. Effrayant ? Oui, et parfaitement mis en musique. Urgence et troubles sévères du comportement se ressentent. Trance nous symbolise l'homme qui n'a plus aucun repère, qui décide de déambuler, de danser, de chanter, peu importe vu que le monde tel qu'il le connaissait est fini. Plus rien n'a de sens, plus rien n'existe. Un morceau plus dur qu'il n'y parait, destabilisant de part sa couleur surréaliste. Jusqu'à la révélation, l'élévation spirituelle, le retour de l'amour comme valeur première de notre race.

On All Hallow's Eve est l'éveil tant attendu. Le cycle précédent est fini, l'humanité s'est auto-détruite, le compte à rebours était inéluctable. C'est maintenant l'heure de sortir de notre torpeur, de nous rassembler comme une seule et même famille composée de frères et de soeurs, tous faits pareil, de communier en amour et en symbiose avec la nature qui nous a accueillis si calmement sans jamais qu'on en prenne conscience dans notre ancien monde. Si l'après apocalypse ressemble à ça, alors l'apocalypse elle-même en vaut le coup. Vous l'aurez compris, on ressort de cet album totalement changé, nos certitudes se trouvent ébranlées, et finalement on espère que la fin du monde aura bien lieu en ce 21 décembre juste pour nous permettre de sortir de ce cauchemar ambulant qu'est notre monde actuel.

Killing Joke a réussit le plus fantastique exploit : faire prendre conscience à son auditeur. Une vraie conscience collective, universelle. Jamais personne n'était allé aussi loin dans sa vision de la fin du monde, jamais personne n'avait à ce point réussi à toucher l'âme humaine. Et pourtant Jaz et ses amis ont réussi ce tour de force, avec une humilité, un humanisme et une sincérité qui renvoient à nous demander pourquoi nous, en tant qu'être humains, avons créé la musique. Un album essentiel ? Tellement plus que ça, la bande son idéale pour survivre aux événements et passer à l'éveil spirituel qui sauvera notre espèce.

Tracklist de MMXII :


1. Pole Shift
2. Fema Camp
3. Rapture
4. Colony Collapse
5. Corporate Elect
6. In Cythera
7. Primobile
8. Glitch
9. Trance
10. On All Hallow's Eve

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