Artiste/Groupe:

JG Thirlwell & Simon Steensland

CD:

Oscillospira

Date de sortie:

Avril 2020

Label:

Ipecac Recordings

Style:

Un Truc Avant-Gardiste

Chroniqueur:

dominique

Note:

15/20

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Rien ou presque dans Oscillospira n’est simple, facile d’accès. Vous désiriez passer une journée tranquille, avec un peu de metal dans les oreilles, mais avec l’esprit ouvert et prêt à faire de nouvelles découvertes musicales. Votre curiosité vous coûtera une bonne baffe, une certaine dose de d’arythmie cardiaque, de l'atonie dans les oreilles ainsi que, dans certains cas, et pour ceux qui ont su aller au bout de l’expérience, une remise en cause de vos préceptes musicaux.

Il faut dire que lorsqu’un secoué du bulbe comme JG Thirlwell rencontre un frappé musical comme Simon Steensland, le résultat de cette fusion ne peut évidemment pas être simple pour l’auditeur. Sans donner les CV détaillés des personnages, on peut juste dire que ces deux artistes ne sont pas « mainstream ». L’Australien Thirlwell donne plus dans les styles expérimentaux : allant du post punk avant-gardiste (Fœtus) à la musique classique contemporaine (Manorexia) en passant par l’électro synthétique atmosphérique (Xordox), il égraine ses expériences musicales jusqu’à les rendre insupportables pour l’auditeur (en tout cas, selon ma femme…). Quant à l’autre partie du duo, le Suédois Steensland, il est adepte du rock avant-gardiste guère plus accessible, mais toutefois sensiblement plus musical. Deux artistes « jusqu’auboutistes » qui ont accouché d’une galette extrême dans son genre. Sans avoir passé des journées entières à écouter toutes les sorties des deux artistes, j’ai tout de même profité du confinement pour me faire un bon lavage de cerveau avec leurs discographies respectives. Eh bien chose très intéressante, Oscillospira tient les gènes propres aux deux artistes ; comme si les deux créateurs avaient réellement transmis une partie de leur ADN à ce LP commun.

Pour Thirlwell, c’est le côté expérimental extrême que l’on retrouve dans Night Shift, Mare et encore Crystal Night. Pour Steensland, c’est le côté plus musclé et martial de Heresy Flank, Catholic Deceit et Redbug.

Oscillospira, c’est un peu comme si Bela Bartok avait décidé de faire un disque avec Bjork, Devin Townsend et King Crimson. A vrai dire, on ne devrait même pas parler d’expérience musicale, mais bien plus d’expérience artistique. Une heure et dix minutes de cinématique qui va nous transporter dans des atmosphères parfois dérangeantes, parfois stressantes ou encore surréalistes. Catholic Deceit et Heron sont des exemples intéressants, et peut-être plus abordables, de ce qu’est Oscillospira. Leur face expérimentale n’arrive pas à effacer totalement l’aspect musical et rock du fond. A la batterie, Morgan Ågren fait un travail fantastique. Il structure, guide et impose à l’auditeur ce qu’il doit faire. C’est à la fois martial, répétitif et aussi curieux dans sa structure et ses instruments (notamment le xylophone ou les violons). L’impression d'atonie ou de cacophonie ressentie parfois dans les titres d’ouverture est plus perceptible dans le second volet de l’album. Night Shift oscille entre doom, rock, berceuse, marche militaire et messe satanique ! Alors que Papal Stain nous propose simplement une représentation de l’axe du mal. C’est inquiétant et malsain. Heresy Flank et Mare ouvrent une partie plus expérimentale. On pourrait croire que l’influence de Thirlwell est plus marquée, notamment avec l’aspect plus symphonique de certains titres (Heresy Flank). Mais si l’on se penche sur le travail de Steensland, notamment sur A Farewell To Brains, on comprend qu’aucun des deux artistes ne prend le dessus sur l’autre. Ils ajoutent des couches et les défont, ce qui permet à l’auditeur de passer de Jon and Vangelis à Pierre Boulez. La fin pousse encore un peu plus loin l’immersion dans ces esprits torturés. Crystal Night et (surtout) Redbug sont un peu l’aboutissement créatif du duo. Dernier acte de cette pièce, les deux titres présentent une réelle fusion des deux univers. Ethérée, martiale, aphonique, entêtante, presque désagréable, cette fin de disque pousse l’auditeur dans ses derniers retranchements. Il en ressort essoré, mais, curieusement, aussi prêt à y retourner.

Bref cette œuvre, car il ne faut jamais hésiter à appeler un chat un chat, m’a fait un effet bœuf. Alors non, je ne vais pas lui donner un coup de cœur ; elle est trop complexe et inaccessible pour ça. Mais je ne pourrais que conseiller à ceux qui en auront l’envie et le courage de se lancer dans l’écoute de Oscillospira. Une expérience musicale.

 

Tracklist de Oscillospira :

01. Catholic Deceit 
02. Heron 
03. Night Shift 
04. Papal Stain 
05. Heresy Flank
06. Mare 
07. Crystal Night 
08. Redbug 

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