Artiste/Groupe:

Intronaut

CD:

Fluid Existential Inversions

Date de sortie:

Février 2020

Label:

Metal Blade Records

Style:

Sludge Metal

Chroniqueur:

JimBou

Note:

18/20

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Intronaut - Fluid Existential Inversions ou la constante mystique
 

Des teintes d'un bleu torturé en proie à de larges spirales, tantôt de vert nacré, tantôt de blanc sacré, livrant bataille entre ciel et mer dans un chaos désordonné, fossilisé. Ainsi s'illustre Fluid Existential Inversions à travers une pochette énigmatique, dans le sillage incantatoire de celle de The Direction Of Last Things et son tourbillon osseux, ailé et rougeâtre, paru cinq ans plus tôt. D'aucuns diront que ce dernier fut et restera le chef-d'oeuvre de Intronaut, mais gare à eux, car si la symbolique du rouge prime sur le fluide corporel par le biais du sang, le bleu quant à lui, prime sur l'élément originel et essentiel à toute vie : l'eau. L'illégitime point faible de tout bon album, si minime et futile qu'il puisse être, sera toujours sa difficulté à trouver un digne successeur. Fluid Existential Inversions arrive ainsi dans une position plus honorable que délicate, de prolonger le bon plaisir des adeptes du groupe. S'il est clair que Intronaut jouit d'une certaine réputation, gardons à l'esprit que le groupe, malgré son public d'initiés, sa régularité et sa recette inimitable de Post et de Sludge, reste et restera sans doute à jamais dans l'ombre de quelques cousins éloignés tels que Mastodon ou Baroness. N'ayons pas peur de le dire : Intronaut est un groupe sous-estimé. Un groupe certes sous-estimé, mais fort de sa position de quasi-outsider et qui ne s'est jusque-là jamais privé de laisser éclater son talent, sa hargne et son potentiel aux yeux de tous.

L'arrivée de ce nouvel opus, après cinq longues années d'attente, est principalement marquée par le départ de l'excellent Danny Walker, en service à la batterie de 2004 à 2018, remplacé pour les seuls besoins de l'enregistrement par le notable Alex Rüdinger (Conquering Dystopia, The Faceless, Good Tiger). Mais le talent et la capacité d'adaptation de ce dernier feraient presque passer ce revers pour un détail sans importance. En témoigne The Cull, piste défouloir aux mille visages, dont les vagues successives et teintées s'illustrent au gré d'une mécanique d'éclosion rondement menée à la baguette. Cubensis, premier des deux singles pré-publiés aux côtés de Pangloss, était déjà allée dans ce sens en proposant à la fois quelque chose de très technique, spirituel et catchy. La faculté qu'a Intronaut de taper là où ça fait mal et de toucher là où ça fait du bien demeure donc intacte. Car à défaut de ne pouvoir délivrer de message clair et limpide à travers ses textes, Fluid Existential Inversions puise ses forces dans une palette sonore colorée, diversifiée, à mi-chemin entre paix et chaos, subtilité et tumulte. Le voyage sera donc immersif et sans retour, avec une recette dont peu de groupes détiennent le secret, à l'instar de The Ocean. Si Intronaut dispose d'une capacité d'accroche unique en son genre, sa diversité s'observe aussi à travers des pistes qui tantôt balancent d'un côté puis de l'autre, leur donnant à chacun une ligne directrice distincte des autres. On y retrouve donc des titres plutôt orientés sur la  technique et l'agressivité tels que The Cull, Cubensis (toutes deux citées plus tôt), mais aussi Check Your Misfortune ou Contrapasso dont le riff principal ouvre la voie vers un passage Post à couper le souffle et qui ferait, sans aucun doute, applaudir les anciens membres du mythique Isis. Speaking Of Orbs quant à elle joue sur une ambiance plus tempérée avec un refrain très accrocheur où les voix des deux guitaristes Dave Timnick et Sacha Dunable font des merveilles. La basse de Joe Lester, puisqu'il faut aussi en parler, fait toujours des merveilles et occupe une place de choix dans les compositions, en particulier sur Tripolar où elle apporte un matelas de sûreté dans les profondeurs qui y regorgent, tant au sein des sections rythmiques qu'oniriques. Le côté très Heavy Sludge que l'on retrouve sur cette dernière figure aussi sur Pangloss mais avec un brin de folie en plus et une mise en abyme des plus remarquables ; la preuve, s'il en fallait une, que la basse y occupe une place aussi importante qu'au sein de Tool, dans un registre certes relativement différent en terme d'impact et de puissance. Pour finir, Sour Everythings, en bonne dernière de la meute, ouvre une voix plus clairsemée, avec une tendance plus mélodique que de coutume et qui s'affirme de mesure en mesure. Son apparente tranquillité cache en réalité des trésors de composition et d'arrangements qui contribuent un à un à créer la douce illusion d'une simplicité apaisante, rendant ses sept minutes presque intemporelles.

Le travail fourni sur Fluid Existential Inversions aura été exceptionnel tant son contenu regorge de créativité en tous genres. Et puisqu'il me semble bon de le comparer au précédent album qu'est The Direction Of Last Things, le défi de lui trouver un successeur aura été accompli avec brio. Le côté Jazzy qui figurait un petit peu plus sur ce dernier aura légèrement été mis de côté au profit d'une orientation un poil plus Post. L'album est un vrai délice et nous prenons un vrai plaisir à parcourir chacune de ces pistes qui méritent, par ailleurs, aisément leur bonne dizaine d'écoutes. Avec Fluid Existential Inversions, Intronaut n'aura fait que confirmer ce qu'il avait déjà confirmé avec ces précédents albums, en ajoutant une brique dorée de plus à son édifice. Son prochain défi sera une fois de plus de se maintenir à son niveau stratosphérique et de trouver, espérons-le, un batteur permanent à la hauteur des performances de Alex Rüdinger sur cet album et du regretté Danny Walker sur les précédents.

 

Tracklist de Fluid Existential Inversions :

01. Procurement Of The Victuals
02. Cubensis
03. The Cull
04. Contrapasso
05. Speaking Of Orbs
06. Tripolar
07. Check Your Misfortune
08. Pangloss
09. Sour Everythings

 

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