Beholden, premier album d’Inherus, groupe New Yorkais formé en 2019, est une petite pépite, l’un de ces disques trop discrets qui sortent malheureusement dans l’indifférence quasi générale, noyés dans le flux incessant de nouveaux albums, majoritairement dispensables, que l’on nous propose tous les mois, toutes les semaines. Pire, y jeter une oreille distraite (et elles le sont de plus en plus) pourrait même le disqualifier injustement, en effet si l’on ne prend pas le temps de s’y attarder quelques minutes, ce Beholden pourrait ressembler à une sortie random, une collection de riffs heavy / doom plutôt classiques, loin d’être inoubliables, next. Se contenter de ce contact furtif, c’est ne pas laisser cette pochette affriolante et mystérieuse nous envoûter, c’est passer à côté de longues compositions, progressives et pleines de promesses, d’une maîtrise absolue de la beauté et surtout, surtout, de la voix enchanteresse de Beth Gladding qui porte et sublime tout l’album. Merveilleux exemple, Forgotten Kingdom titre d’ouverture presque anecdotique dans sa première partie qui se mue progressivement en petit bijou post rock, magique et aérien.
Cette magie ne se dissipera pas, bien au contraire, sur la durée de l’album. Le groupe multiplie ces moments de grâce absolue, les premières minutes bouleversantes de One More Fire, délicates et célestes, les harmonies vocales ensorcelantes du profondément mystique The Dagger, sublime pièce de plus de treize minutes ou encore la montée en puissance poignante d’un Oh Brother tout simplement troublant de beauté. Inherus sème les atmosphères troublantes, mélancoliques, chamaniques parfois, somptueuses toujours avec classe et maestria.
Les parties plus énervées ne sont malheureusement pas toujours à la hauteur et je me demande encore ce que viennent faire ces voix masculines sans réelle envergure, saturées, hurlées, qui brisent systématiquement des ambiances pourtant si facilement posées, si savamment dosées. Le jeu des contrastes colère / recueillement, chaud / froid, explosion / introspection ne fonctionne pas particulièrement bien ici tant Inherus excelle dans la lumière et la majesté. Déposez donc les micros messieurs et confiez l’entièreté des parties vocales au talent de votre chanteuse qui apporte à votre musique toute l’originalité et la personnalité qui la rendent admirable et unique. Ecoutez donc et constatez toute la grandeur qu’elle apporte à la magnifique partie centrale de Lie To The Angels pour ếtre définitivement convaincus qu’elle domine très largement les débats.
Situé quelque part entre Isis, The Gathering et Opeth (on a connu pires références), Inherus sort un premier album très prometteur et gageons que si le groupe parvient à mieux gérer ses contrastes, à mettre autant d’intensité dans ses moments de colère qu’il met d’émotion dans ces magnifiques développements empreints de majesté, de quiétude, alors il deviendra sociétaire de cette cour des grands qui n’ouvre ses portes qu’aux gens de grand talent. Assurément l’une des très belle surprise de cette année 2023.
Tracklist de Beholden :
1. Forgotten Kingdom 2. One More Fire 3. The Dagger 4. Oh Brother 5. Obliterated in the Face of Gods 6. Lie to the Angels