Finsterforst est un groupe de folk Metal allemand organisé autour de six, sept ou huit artistes bricatant musique ensemble depuis maintenant une grosse décennie. Ceux-ci se sont attachés à ficeler un son, un univers, une cohérence au-delà de tout style préformaté et une technique en matière de composition qui les rendent plus qu’uniques, donc identifiable dès la première note. Rassemblés autour de leur projet depuis plus d’une décennie (donc !), sans grande évolution de line-up, ce tout débarque d’une galaxie bien différente de celles auxquelles l’industrie du disque nous a habituées. Leur petit dernier, Jenseits, "Beyond", "Au-delà", fraichement né ce début septembre, devient leur huitième album et leur troisième EP. Amies lectrices, amis lecteurs, si vous découvrez le monde de Finsterforst, il vous faut connaitre un point essentiel dans l’univers du groupe, la notion de temporalité n’a pas de prise sur leur processus créatif. Exemples : Un morceau proche de 40 minutes, et bien pourquoi pas, un album de 90 minutes, allez hop, moins d’une année entre deux albums, bien oui. Exemples à suivre.. À ce propos, le nouveau mini-album Jenseits, ne contient qu’une seule chanson d’une durée de près de 40 minutes. Cet album est divisé en 4 chapitres. Oui, ils sont totalement toc toc ces Finsterforst.
Ce groupe se moque des conventions et des règles en vigueur faisant légion dans le monde économico-industriel de la musique. Leur style, inscrit dans les essences sylvestres de la forêt noire, depuis de nombreux albums, ne bouge pas d’un froissement de feuille, d’un bruissement de bise. Il s’agit d’un savant mélange d’instruments de tout bord (nous y reviendrons en détail), accordés au sein d’une ambiance profonde, sombre, nostalgique, Heimweh (dirait nos cousins Germains). L’ensemble de leur œuvre flâne magistralement, justement, librement et en pleine cohérence avec le chemin emprunté depuis leurs débuts. Des musiciens entiers, bons, sincères, donc évidemment bien éloignés des travers inhérents aux soi-disant super groupes dont on nous abreuve oreilles lors des gros festivals. Mars-tistes (martiens-artistes) dont les mentalités bien éloignées des profiteurs de la vague Metalleuse, se retrouvent trop souvent prêts à inviter de très vieilles célébrités cathodiques, à s’encanailler sur des sombres scènes.
Allez, profitons de l’instant et prenons aparté dans cette chronique : Bernard Minet avec ses Biomen reprendraient ces vieilles chansons en version Metal, sur scènes. Oui vous avez bien entendu. Et oui c’est édifiant ! Pour faire passer la pilule (de 5kg) du truc, on risque bien d’avoir en prescription une ordonnance soignée du type justifié, "les spectateurs ont demandé à entendre Minet Metal Band, alors on leur donne ce qu’ils veulent" ... serment d’hypocrate, hypocrite ! Râlez, indignez-vous, et luttez comme vous le pourrez contre ses bas projets mercantiles. Ainsi fait, ainsi dit, revenons aux bonnes essences, quittons le monde inepte. Bien sûr, cela a un prix, le groupe Finsterforst galère pour financer ses projets et par la suite se faire distribuer. Jenseits est un projet COVID financé par des fans, et cela change un peu la perspective : le public cible est constitué de vrais fans.
L’appeler ’Au-delà’ claque particulièrement juste au vu des concepts évoqués. Il s’agit d’un traité sur les libertés, agrémenté de traditions germaniques et universelles, dont en voici un passage intéressant : "Les fronts se durcissent de tous côtés, les peuples deviennent des ennemis irréconciliables. Les voix de l’humanité remplissent le monde. Les disputes, la haine et l’irrationalité reviennent. Nous semblons destinés à reproduire le pire dans des cycles éternels de peur et de mépris..." Ressentez maintenant ces mots dans ce merveilleux Dualität :
La musique en elle-même est géniale, vous avez reniflé mon enthousiasme aux premiers mots de la chronique. Atmosphérique, cinématographique par endroits, folk avec des instruments acoustiques dans le troisième chapitre, c’est maussade, puissant et l’album exerce une certaine magie. Le duduk est un instrument rare, il m’a enthousiasmé les deux fois où il est entré sur un morceau. L’accordéon a également été utilisé à bon escient, instrument que je hais par-dessous tout (auvergnatitude non persistante) et sublimé par l’accordéoniste Johannes Joseph. Nos cousins germains l’associent généralement à une musique joyeuse et frivole, mais ici, il demeure sombre, entrainant, mais surtout épique. C’est carrément magistral la façon dont sa place a été trouvée dans le mix, son rendu et son "entendu" sont incroyables. Soit, cet instrument ne possède plus la même place centrale que sur les premières galettes du groupe, malgré tout, l’accordéon demeure l’essence vibratoire indéfectible du groupe.
Vous trouverez d’autres instruments étonnants (flute, etc..), je vous laisse les découvrir au détour de vos écoutes. Mes impressions sur chaque morceau sont fondamentalement identiques. Reflexionen, demeure un peu plus lent, plus sombre et plus lourd, regroupant à lui seul l’ensemble de l’offre des instruments à cordes et acoustiques. Les trois autres chapitres possèdent quant à eux le reste du panel de Finsterforst : voix dures et claires, instruments folk et électriques, longueurs de morceaux épiques, et un assemblage délibéré de thèmes croisés.
Toutes ses raisons m’ordonnent de vous délivrer un cœur ! Un grand cœur !
Exemple à suivre ce Finsterforst, majestueux !
Tracklist de Jenseits:
01. Kapitel I : Freiheit 02. Kapitel II : Dualität 03. Kapitel III : Reflexionen 04. Kapitel IV : Katharsi