C H R O N I Q U E

Devoir d'objectivité, quand tu nous tiens...

Me voilà attablé devant cette galette à l'instar d'un plat de gésiers confits servis dans un gastro : je sais que c'est (très) bon, mais je n'y arrive pas. Tiraillé entre l'accueil dithyrambique que la presse spécialisée a réservé à cet album et mon goût personnel, je cherche un juste milieu, car depuis tout petit ma maman m'a appris à dire "je n'aime pas" au lieu de "c'est pas bon". Respect pour les autres, qui eux, aiment...

Et pourtant, même si l'on n'est pas là pour parler de moi, je suis du genre compulsif à fouiller le sujet avant d'émettre un avis, surtout si tout le monde me dit que ça vaut le coup. Je me suis donc d'abord farci l'opus précédent du quintet texan, au titre aussi décalé qu'alléchant, Fables From A Mayfly : What I Say Three Times Is True, composé de titres et de textes révélant une grande versatilité du groupe, sans compter un livret tant énigmatique qu'engageant. Et ceci sera une piste pour les lecteurs de cette chro : déjà, j'ai eu beaucoup de mal à l'écoute de ce troisième méfait de Fair To Midland, véritable fourre-tout métallique, qui fusionne les styles avec ce que la précitée presse spécialisée actuelle qualifie de génial. Moi, ça me gonfle. Je sais, ce n'est pas très objectif, mais je n'y peux rien : je suis un auditeur lambda, qui ne croule pas sous les milliers d'oeuvres écoutées chaque année, aussi puis-je comprendre que pour des pros qui ne font que ça et doivent se farcir des quantités de daubes vues et revues, ce disque a dû être accueilli comme une bouffée d'air frais. Pour moi, c'est un fatras, à première vue. Et à seconde vue, ça le reste, mais tout de même organisé... Ce n'est pas non plus l'expérimental extrême de Fantomas ou Mister Bungle, ni la technique (et son côté rébarbatif) des groupes de prog à grosse tête. On retrouvait dans cet opus du métal, du prog, de la fusion, du jazz, avec des sensations de Marillion ou encore de Dream Theater, mais avec un chant nettement plus dingue, au spectre large, dont l'ensemble renvoie aussi à Dredg ou Clutch, formations qui ne me plaisent pas plus, remarquez...

Et me voilà donc parti dans la découverte circonspecte de ce Arrows And Anchors, qu'on me vante plus heavy et moins alambiqué que Fables From A Mayfly. C'est vrai. La différence majeure vient d'abord du son de gratte, lourd (on pense aux dernières livraisons de Dream Theater ou même - ne sursautez pas - à Korn). Plus direct, l'ensemble séduira - je vous rassure tout de suite - sans aucun doute ceux qui ont aimé l'aîné, et ils trouveront de quoi disséquer durant de longues soirées, car même s'il est plus direct, on est quand même loin du glam basique à deux accords. L'échaffaudage sonore reste dense, la variété est au rendez-vous (pas celle de Champs Elysées, celle de la diversité), et je salue chapeau bas les cinq fêlés qui ont pondu cette bande originale version métal (et sombre dans l'ensemble) d'Alice au Pays des Merveilles, car ils ont indéniablement effectué un gros boulot de créativité... à moins que ça ne leur sorte de la tête au fur et à mesure qu'ils ne jouent, ce qu'on est parfois pas loin de penser à l'écoute de certains titres aux allures de montagnes russes.

Poétique, mélancolique, naïf, joyeux parfois, le sujet est présenté sous différents atours : ultra heavy (le brûlant Whiskey And Ritalin qui ouvre les hostilités) aussi bien que plus soft et presque abordable (Musical Chairs), pour parfois doubler la grosse caisse et envoyer du gras. Du gras, justement, il en est question niveau son, qui ne se veut pas pourléché à l'image des productions actuelles les plus en pointe (je pense à Def Leppard, par exemple), mais qui reste un poil boueux pour mieux souligner l'impression générale de jam barrée et hyper (trop ?) créative. Pas étonnant que Fair To Midland soient les petits protégés de Serj Tankian (System Of A Down), qui les a d'ailleurs signés sur son label Serjical Strike en 2006.

Bref, pour un quatrième album, au-delà de mon goût personnel, je le qualifierai de très réussi et les fans seront ravis de se mettre sous la dent ce nouvel opus possédant une longue durée de vie, grâce notamment à ses quinze titres (oscillant entre quarante quatre secondes et presque onze minutes pour Greener Grass !), plus un incontournable bonus (Pour the Coal to 'er) en plage seize.

Nul doute qu'un amateur lui aurait filé la note de 17/20...

Tracklist de Arrows And Anchors :

1 Heavens to Murgatroyd 0:44
2 Whiskey and Ritalin 3:37
3 Musical Chairs 3:32
4 Uh-Oh 4:16
5 Amarillo Sleeps on My Pillow 4:42
6 A Loophole in Limbo 3:39
7 Typhoid Mary Sends Her Best 0:56
8 Short Haired Tornado 4:19
9 The Upset at Bailey Bridge 0:52
10 Rikki Tikki Tavi 3:25
11 Golden Parachutes 3:44
12 Bright Bulbs and Sharp Tools 3:57
13 Coppertank Island 3:10
14 Three Foolproof Ways to Buy the Farm 2:47
15 The Greener Grass 10:57
16 Pour the Coal to 'er [bonus track] 3:32

Venez donc discuter de cette chronique, sur notre forum !