Oui, oui, je sais, c’est pas du metal, mais nous, c’est les Portes du Metal et derrière ces portes on trouve pas mal de choses qui touchent au metal sans en être vraiment. Comme par exemple cet album imprégné de blues du groupe Dirty Deep. L’histoire du groupe originaire d’Alsace n’est pas banale, puisque tout commence comme un one-man-band, avec dans le premier rôle, Victor Sbrovazzo, chant, guitare et harmonica. Il promène son delta blues tout seul quelques temps et sort un premier opus, Back To The Roots en 2012. Se faisant, il croise la route du batteur Geoffroy Sourp (Geo) et le groupe devient un duo blues rock décapant. De cette période sort un album Shotgun Wedding en 2014. Le dernier larron à compléter le groupe c’est Adam Lanfrey, à la basse et contrebasse, avec lui le groupe sort en 2016 un troisième opus, What’s Flowin’ In My Veins. La formation sort ensuite Tillandsia en 2018, qui leur ouvre les portes d’une tournée en France, en Europe et aux USA. Ils sortent Foreshots, en 2020, un album acoustique (COVID oblige un peu) et reviennent aujourd’hui à l’électrique avec ce nouvel album Trompe L’œil de treize titres enregistrés au Cube Studio, mixé et masterisé par Rémi Gettliffe, réalisé et arrangé par François Maigret plus connu sous le pseudo de Shanka (ex-guitariste de No One Is Innocent). J’ai écouté tous les albums, disponibles sur leur Bandcamp et j’avoue avoir été particulièrement bluffé par l’évolution du groupe et la cohérence du projet musical mené de main de maitre par Victor. Je recommande notamment l’album acoustique qui est exceptionnel. La vidéo associée est pas mal du tout aussi:
Mais revenons en 2023 et ce nouvel album, treize titres pour quarante-trois minutes de blues rock de heavy blues aussi, avec une alternance de morceaux de cinq minutes et d’autres de une ou deux minutes dans une ambiance roots, de garage rock. Ça sent la transpiration et la bière, ça respire la passion du blues et de la musique bien faite, l’essence même du rock, un vrai régal. Le travail de Shanka est superbe car on a une sensation d’authenticité, de garage rock, presque crados par moment, alors que tout est super soigné.
Victor est un musicien hors pair, maniant avec dextérité aussi bien la guitare, la slide que l’harmonica. Son chant est tantôt gras, parfois hurlé, ou plus mélodieux (Medicine Man). Son chant quasi a cappella sur l’intro de Broken Bones est excellent. La section rythmique est classieuse, la basse d’Adam est bien ronde, ses lignes de basses sont bien présentes et inspirées. J’adore la façon dont Victor s’accompagne avec sa guitare, elle semble chanter avec lui.
L’intro de Juke Joint Preaching devrait faire lever un sourcil aux inconditionnels de Led Zep. Don’t be Cruel est très original, avec un gimmick d’harmonica et l’apparition d’un piano subtil (joué par Geo) et un bon travail de rimshot de Geo (il est partout), le morceau semble sorti tout droit d’un bayou du Mississipi, avec un refrain super accrocheur. Mais l’originalité du morceau réside surtout dans son break complètement à contre-pieds, sorte de ballade avec des cuivres. Il y a de l’audace et ça paye ! Les plus metal d’entre-vous auront du mal avec le break jazzy Hipbreak III, je trouve ça plutôt sympa et une preuve de plus que ces trois musiciens ont de sacrées valeurs et savent tout jouer. Rassurez-vous ça ne dure qu’une minute et quelque.
La suite est assez imparable: What Really Matters est un morceau assez lourd, dans lequel la tension grimpe et Victor se met à s’égosiller. La pression retombe, la voix passe à travers des effets (on se rappelle que Shanka le faisait en chantant dans le micro de sa guitare). C’est sans contestation possible le morceau le plus heavy de l’album. Il contraste particulièrement avec From Tears, qui suit, plutôt pop/country plus moderne. Victor y chante particulièrement bien, juste accompagné de sa guitare et de nappes de violons. C’est une superbe ballade qui rendrait jalouxBon Jovi.
Si What Really Matters était heavy, Shoot First est plutôt un brulot typé punk rock. Du punk avec un harmonica quand même ! Le break change un peu d’ambiance, avant d’exploser dans un hurlement final. Tout ça en environ deux minutes. Pas mal !
Mais le groupe a tellement de flèches à son arc, c’est assez dingue. Donoma, par exemple, est très progressif, la slide de Victor y est géniale, son harmonica, tout aussi réussi. Le thème de guitare est repris par les trois musiciens en chœur, c’est une vraie réussite. Geo assure vraiment bien sur tout l’album mais sur ce morceau en particulier. Pour Your Name, le groupe se tourne vers du stoner et on voyage dans le temps, pour se retrouver dans les années 70, avec un gros refrain et des choristes hippies. L’orgue dans le morceau est joué par un invité de marque, Todd Ögren, qui n’est autre que l’organiste de Rival Sons(la classe !). Pour Hold On Me, on revisite du rockabilly déjanté (ils ont même gardé un faux départ pour le coté garage - bien joué !). On revient à un gros riff Led Zeppelinien pour Never Too Late, et on termine avec deux petits bijoux. Un premier très country minimaliste, Waiting for The Train au chant très original (sorte de yodel) et un dernier, Medicine Man, typé balade blues/stoner très réussi et dont je trouve l’ambiance particulièrement captivante, la section rythmique est impeccable, Victor se déchaine au chant.
Quelle découverte encore ! Et encore une fois au sein de l’écurie NRV Promotion que je ne remercierais jamais assez (merci Angie !). Je pense qu’un groupe comme Dirty Deep doit être un vrai régal en festival. Le projet musical du groupe est d’une rare cohérence, la production de cet opus est superbe, on se retrouve littéralement happé par l’univers sonore de Dirty Deep. En attendant de les voir en live, je recommande de les découvrir en commencer par cet album très abouti et de remonter le temps avec le reste de leur discographie déjà bien garnie.
Tracklist de Trompe L’œil :
01. Broken Bones 02. Juke Joint Preaching
03. Don’t Be Cruel
04. Hipbreak III 05. What Really Matters
06. From Tears 07. Shoot First
08. Donoma 09. Your Name 10. Hold On Me 11. Never Too Late