Artiste/Groupe:

Cynic

CD:

Ascension Codes

Date de sortie:

Novembre 2021

Label:

Season Of Mist

Style:

Ethereal Progressive Metal

Chroniqueur:

Ignatius

Note:

18/20

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En 1947 fût publié le sublime recueil de textes de Simone Weil intitulé La Pesanteur Et La Grâce. Ce livre m’est venu à l’esprit en écoutant Ascension Codes, non pas pour son contenu mais parce que je n’aurai pas pu mieux titrer ma chronique si j’avais eu à le faire tant cet album illustre à merveille cette phrase magnifique, la pesanteur et la grâce…

La pesanteur parce que cette œuvre porte le deuil, celui, récent de deux des principaux membres du groupe, Sean Malone et Sean Reifert, respectivement bassiste visionnaire et batteur de génie qui marquèrent de leur empreinte indélébile toute une génération de musiciens. Et ce deuil se ressent dans l’infini tristesse qui se dégage de cet opus si singulier. Paul Masvidal se retrouve ainsi seul à bord de ce vaisseau éclaireur qui aura tant fait progresser les musiques extrêmes au cours des trois dernières décennies, sa douleur est palpable, les mélodies sublimes dont regorge le disque sont chargées de mélancolie et humidifient facilement l’œil de celui qui se souvient du cataclysme Focus lors de sa sortie  et du parcours hors-norme de ce groupe qui restera à jamais un phare pour les explorateurs d’un metal novateur et ambitieux. Cynic dans sa première incarnation appartient au passé, n’est plus qu’un souvenir mais Paul Masvidal transcende le drame et fait de l’affliction son moteur pour emmener son projet plus loin encore.

La grâce parce que ce disque est d’une beauté à se damner, œuvre profondément spirituelle qui transforme la mort en lumière et nous transporte dans une dimension parallèle, faite de sons subtils, d’arrangements délicats et d’harmonies angéliques. Cynic blessé dans sa chair se régénère en musique et dessine une sphère sonore qui immerge totalement l’auditeur, entouré de voix étranges, spectrales parfois, enveloppé dans des nappes synthétiques cristallines et célestes, subjugué par ce metal singulier, toujours progressif, rarement agressif, un metal depuis toujours nourri au jazz, complexe et élégant. La pesanteur d’un drame qui accable l’homme et la grâce offerte à l’Artiste qui peut, et sait, tout rendre beau.

Il a donc fallu reconstruire Cynic et Paul Masvidal, pour animer cette nouvelle incarnation, s’est évidemment parfaitement entouré en faisant appel à Matt Lynch qui livre une prestation exceptionnelle derrière les fûts et, comme il n’était pas question de remplacer Sean Malone, c’est Dave Mackay qui se charge ici de générer les lignes de basse, exclusivement synthétiques, pour un résultat simplement fantastique. La continuité est assurée, l’hommage est somptueux, ô combien digne, et l’honneur sauf, au-delà de toute espérance. Cynic vivra.

Réincarné donc, Cynic livre une œuvre irréelle qui vous aspire dans les méandres d’univers translucides, de mondes musicaux foisonnants qui s’entrecroisent, se mélangent, fusionnent et se recréent devant nos yeux fermés. Sorte de parcours initiatique illuminé, l’album questionne sur nos existences, sur la vie, la mort évidemment et regorge de moments mémorables. Pour n’en citer que quelques-uns, j’évoquerai le final saisissant de Diamond Light Body, la mélancolie troublante dégagée par Mythical Serpents et tous ces interludes magnifiques qui lient les titres entre eux et tissent une toile atmosphérique somptueuse dans laquelle se drape tout l’album, lui offrant une profondeur inouïe et une force émotionnelle incomparable. N’oublions pas, néanmoins, que nous parlons ici de Cynic et que l’œuvre, par conséquent exigeante, ne s’offrira pleinement qu’à ceux qui lui laisseront le temps de se dévoiler, progressivement, au fil de multiples écoutes dédiées. L’effort, particulièrement agréable, sera récompensé au centuple, parole de moi !

Cynic reste ce monstre de technique à la musicalité étourdissante, le groupe poursuit son glorieux chemin et nous propose un album magique qui pourrait bien être un pont subtil entre ce monde et d’autres qui se dévoileront un jour, peut-être, quand nos sens seront plus affûtés pour les percevoir...you could have the sky.

Tracklist de Ascension Codes :

01. Mu-54* 
02. The Winged Ones 
03. A’-va432 
04. Elements and their Inhabitants 
05. Ha-144 
06. Mythical Serpents 
07. Sha48* 
08. 6th Dimensional Archetype 
09. DNA Activation Template 
10. Shar-216 
11. Architects of Consciousness 
12. DA’z-a86.4 
13. Aurora 
14. DU-*61.714285 
15. In a Multiverse Where Atoms Sing 
16. A’jha108 
17. Diamond Light Body 
18. Ec-ka72 

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