Début 1984, Hellhammer lance sur le marché ses premiers enregistrements puis se saborde dans la foulée, Tom Warrior et Martin Ain préférant repartir de zéro en fondant un autre groupe : Celtic Frost.
Pour ce nouveau projet, les deux acolytes ne veulent rien laisser au hasard. Le concept, la musique bien sûr mais aussi l’imagerie. Le dessin et les logos de la pochette sont conçus par Martin Eric Ain et Thomas Gabriel Warrior. Tout faire soi-même est en quelque sorte la politique du groupe, mais dictée par la force des choses : « On n’a jamais eu le budget pour faire les choses correctement, il fallait donc faire preuve de créativité pour tout… » (Tom Gabriel). Les maquillages cadavériques, grosse influence pour tous les groupes de Black Metal qui vont fleurir quelques années plus tard, font aussi partie du concept, pour représenter une musique très sombre, austère et angoissante. Oui angoissante. Ecoutez l’intro de cet album, malicieusement intitulée Human, un cri horrible de quarante secondes, entre folie, terreur et douleur. Ca met tout de suite dans le bain… Après tout, le titre du disque est Morbid Tales, pas "Summer Tales" ni "Love Tales". Fallait se douter qu’on n’allait pas rigoler. Et effectivement, ça ne rigole pas. Into The Crypts Of Rays nous emmène dans les profondeurs. C’est glauque, malsain (tout comme le sujet puisque ça parle des crimes - supposés ? - de Gilles de Rais), rapide au niveau du rythme et d’une noirceur encore jamais atteinte. Et la noirceur s’accommode aussi très bien d’un rythme bien lourd, bien mis en valeur sur la première partie de Visions Of Mortality ou encore sur Procreation (Of The Wicked). Le groupe joue ainsi entre accélérations et décélérations du rythme. Le chant de Tom Gabriel, si on peut appeler ça comme ça puisqu’il récite plus les paroles qu’il ne les chante, est ponctué de ses célèbres "Uh" ou de cris. Le titre le plus glauque étant sans aucun doute Danse Macabre, constitué uniquement d’effets sonores flippants (on entend un violon dans le tas) et de voix qui le sont tout autant. Trois minutes cinquante d’Horror Metal avant l’heure… et avant le final bien speed, Nocturnal Fear, qui termine cet EP de manière apocalyptique.
Morbid Tales sort à l'origine en format six titres en Europe et huit titres aux USA (l'intro Human étant intégrée au premier morceau). Sont ajoutés sur cette version américaine le Sabbathien Dethroned Emperor et le speed / thrash Morbid Tales (qui, bizarrement, n’était donc pas inclus dans la version européenne qui porte pourtant ce même titre).
La réédition Noise de 2017 (dans un beau digibook) ajoute à la tracklist américaine quatre titres en bonus. Ce sont des enregistrements à la base sur cassette qui servaient de pistes de travail pour le groupe. On y trouve en outre Messiah, un morceau de Hellhammer que Celtic Frost continuait à jouer sur scène. Qualité bootleg évidemment, puisque le tout provient de cassettes d’époque, mais largement écoutable. De plus, le livret a été enrichi avec pas mal de photos promo et live, les paroles et des annotations des musiciens pour quasiment chaque titre. Intéressant.
On ne va pas disserter des heures sur l’influence qu’a eu cet EP dans le monde de la musique extrême tant cela relève de l’évidence. Si on ne peut pas vraiment qualifier la musique jouée par Celtic Frost de Black Metal comme on l’entend aujourd’hui, c’est pourtant bien une musique bien noire que le groupe développe tout au long de ce premier EP. En tout cas, le Black Metal prend sa source ici même.
Tracklist de Morbid Tales :
01. Human (Intro) 02. Into The Crypts Of Rays 03. Visions Of Mortality 04. Dethroned Emperor 05. Morbid Tales 06. Procreation (Of The Wicked) 07. Return To The Eve 08. Danse Macabre 09. Nocturnal Fear
Réédition de 2017 - bonus tracks :
10. Morbid Tales (1984 Rehearsal) 11. Messiah (1984 Rehearsal) 12. Procreation (Of The Wicked) (1984 Rehearsal) 13. Nocturnal Fear (1984 Rehearsal)
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