Jeff Waters sait toujours très bien vendre ses nouvelles sorties. A chaque fois, il revient sur le fait que certaines de ses productions précédentes n'étaient peut-être pas si fabuleuses mais que la nouvelle, attention, c'est autre chose... et que ses fans vont se régaler ! Mouais... on s'est déjà fait avoir quelques fois avec ce genre de déclaration, alors on devient plus méfiant avec le temps. Car, on le sait, depuis une vingtaine d'années, le valeureux Canadien alterne des sorties tout à fait satisfaisantes (même si les excellents Alice In Hell ou Never Neverland restent inégalés) avec d'autres nettement plus dispensables. Pour ce cru 2017, Waters annonce avoir travaillé les compositions et la production avec son bassiste Rich Hinks, histoire d'avoir un point de vue extérieur, une approche plus fraîche. Ensemble, ils ont essayé de retrouver l'esprit des quatre ou cinq premiers albums d'Annihilator (ceux qui ont eu le plus de succès, ils sont pas bêtes les gars). Le fait que Waters ait permis à quelqu'un de l'épauler plutôt que tout gérer seul est plutôt rare et mérite donc d'être signalé. Mais est-ce que cela a porté ses fruits ?
Contrairement à Suicide Society qui commençait par une chanson mid-tempo très mélodique, For The Demented démarre fort avec un titre thrash rapide et puissant. Il met d'ailleurs l'auditeur sur une fausse piste parce que le reste du disque, bien qu'il contienne d'autres morceaux véloces et typés thrash, ne sera quand même pas aussi remuant (ce qui ne veut pas dire que les chansons ne seront pas de qualité). En attendant, Twisted Lobotomy dépote (le rythme est frénétique) et ça me met dans de bonnes dispositions d'entrée de jeu. Le chant de Waters est moins soigné que sur l'album précédent, il colle bien au style direct et rugueux de la compo. C'est sûr, Annihilator a compté de meilleurs vocalistes mais je ne trouve pas que Waters tire la chanson vers le bas pour autant.
La suite propose des styles différents mais l'écriture reste de qualité. One To Kill est un titre direct, efficace et taillé pour la scène. Pour vous donner une idée, il me rappelle l'album King Of The Kill (la chanson titre, Second To None...). Le tempo ralentit un peu sur For The Demented mais cette compo heavy, sombre et un brin torturée est intéressante. C'est sur Pieces Of You que l'on retrouve un Annihilator très mélodique. En l'écoutant de loin, on pourrait croire qu'il s'agit d'une jolie ballade mais en faisant un peu plus attention, on se rend compte que l'ambiance a quelque chose d'étrange et inquiétant (ambiance Never Neverland). Après tout, ça parle quand même d'un homme qui vient de tuer sa compagne et s'apprête à la manger... on a connu plus fleur bleue. Bilan provisoire : quatre pistes et que du bon, rien à jeter ! Un début d'album varié mais qualitativement homogène. S'en suit, à mon sens, une légère baisse de régime avec The Demon You Know, correcte mais assez quelconque et qui ressemble trop à d'autres compos du groupe (Knight Jumps Queen, 21, Pastor Of Disaster...). Mais il y a quelques bonnes surprises dans la seconde moitié de l'album. Les affaires reprennent et le thrash est de retour avec Phantom Asylum et Altering The Altar qui conjuguent ambiance travaillée, technique et vélocité. Sur ces pistes, on retrouve un Waters inspiré et qui nous régale avec de bons petits riffs dont il a le secret. Puis c'est la rupture, avec un nouveau changement de style amené par The Way, beaucoup plus rock que metal. Sympa, accrocheur et différent de ce qui a précédé. Puis vient Dark, un court instrumental sombre qui vaut plus pour son atmosphère inquiétante qu'autre chose, suivi de Not All There, un titre changeant, enlevé et mélodique, au riff assez Mustainien qui s'autorise des apartés funks plutôt inattendus.
For The Demented propose une bonne synthèse de tout ce que Jeff Waters sait faire. Mais c'est son seizième album et il manque donc parfois de surprises... Cependant, il n'en est pas totalement dépourvu. Les claviers utilisés sur Altering The Altar, la très rock'n'roll The Way, le break et la conclusion funky de Not All There sont des choses que l'on n'a jamais entendues sur un disque d'Annihilator, me semble-t-il. Le principal reste que les compos sont efficaces et globalement plus réussies que sur Suicide Society. Moins gentil, convenu ou sous influence que ce dernier, For The Demented est finalement assez varié et fun. Pari réussi pour Waters et Hinks ! Voilà un album qui, s'il ne peut prétendre au rang de chef-d'oeuvre, n'est clairement pas à ranger aux côtés des semi-déceptions que son géniteur propose (quasiment) une fois sur deux.
Tracklist de For The Demented :
01. Twisted Lobotomy 02. One To Kill 03. For The Demented 04. Pieces Of You 05. The Demon You Know 06. Phantom Asylum 07. Altering The Altar 08. The Way 09. Dark 10. Not All There
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