Légende du rock américain, le quintette de Boston a connu une trajectoire en forme de montagnes russes au gré des dérives et abus de ses musiciens, à commencer par les mythiques toxic twins. A ce sujet, la biographie de Joe Perry est particulièrement sidérante / amusante à lire sur le train de vie délirant du groupe. Le plus incroyable dans tout cela, c’est que le groupe ait connu une telle longévité. Une première vie dans les années 70 avec de sacrés disques référentiels portés par la voix impressionnante et si personnelle de Steven Tyler. Ensuite, implosant dans les règles de l’art au début des années 80, le groupe a connu un hiatus avant un retour en grâce avec le triptyque Permanent Vacation –Pump– Get A Griptellement associé à une époque où la musique du groupe était parfaitement adaptée alors que le hard rock et l’arena rock régnait en maître. Tout cela c’était avant la déferlante Kurt Cobain (on me pardonnera le léger anachronisme de Get a Grip paru en 1993 qui, je le pense, ne changera pas le fond de mon propos).
Le prix de ce retour, c’était un manager qui avait verrouillé l’accès au groupe au point d’en tomber dans l’excès. Joe Perry s’en est plaint dans cette fameuse bio sans qu’on sache trop si ce n’était pas un mal nécessaire pour canaliser des musiciens ingérables et un peu hors-sol. On laissera l’interprétation à chacun. Ce qui est incontestable, c’est que ce retour se fit bien aidé par des compositeurs extérieurs au groupe se chargeant de maintenir un niveau de qualité musicale réelle et la production de hits radio. Aerosmith était déjà un peu rentré dans une logique d’interprète et d’un sacré niveau. Le paroxysme fut atteint avec la fameuse BO du blockbuster bourrin Armageddon et ce I Don’t Want To Miss A Thing, grosse ballade tubesque pour lesquelles Aerosmith excelle. On retiendra cette inoubliable phrase (de Brad Whitford de mémoire) précisant que le groupe a eu plus de succès en enregistrant cette BO en une heure de temps qu’avec le récent et très bonNine Lives (1997) qui eut moins de succès malgré plusieurs mois de job harassant. Drôle d’époque ! Pas très vertueux mais Aerosmith capitalisait aussi sur un historique très puissant et un Steven Tyler toujours impressionnant vocalement et capable de transcender n’importe quelle ballade, même moyennement écrite.
Malgré un contexte moins porteur, Aerosmith par son sens du tube restait incontournable quand la scène hard rock avait périclité. Toujours dans cette logique de « l’appel à des amis « (intéressés dans ce cas), c’est le binôme Mark Hudson (producteur entre autre de Ringo Starr) et Marti Frederiksen qui sont à la manœuvre sur ce Just Push Play paru au tournant du millénaire où on retrouve un Aerosmith dans sa zone de confort. Quelques tubes imparables (Jaded décrochera la timbale), toujours ce hard rock lumineux, un Aerosmith en roue libre mais efficace et encore capable de pondre de chouettes morceaux même si le niveau baisse toujours un peu plus par rapport aux précédents disques. Oui mais Aerosmith avait encore eu une force de frappe, un look et continuait d’incarner une époque, un système qui fonctionne. En live, le groupe continuait de performer en étant, avec AC/DC, le dernier géant d’une scène devenue presque inexistante. L’artwork est assez laid mais le groupe s’en moque, n’ayant jamais eu peur des excès en tous genres. Ayant toujours plus recours aux ballades (sans risque et « sauvé » par un Tyler à la voix d’or), cet Aerosmith ne proposait plus grand-chose de novateur mais un bon disque très pro, hyper catchy et accessible permettant de refaire tourner le plein de ventes et d’alimenter des tournées. Cornaqués par des managers / producteurs permettant au groupe de continuer, Aerosmith délivrait là son dernier bon disque même si ce dernier ne cassait pas trois pattes à un canard. Aerosmith un groupe mythique au parcours qui n’avait rien d’un long fleuve tranquille mais ayant eu la lucidité de savoir déléguer.