De son propre aveu, Lori Steinberg a développé une véritable obsession pour le documentaire Appolo 11 réalisé par Todd Douglas Miller et plus particulièrement pour sa B.O composée par Matt Morton sur de vieux synthétiseurs des années soixante. Lori s’est donc mis en tête de nous faire voyager aux confins de l’espace avec ce cinquième album. Oubliés la poussière sableuse du désert, l’asphalte brûlant qui s’étale au bout de l’horizon déformé par la chaleur, Acid King quitte cet univers familier pour s’aventurer, et nous avec, dans l’immensité cosmique. Beyond Vision, et sa jolie pochette (signée Maarten Donders), fût donc conçu pour nous faire voyager aux confins des galaxies, sept morceaux structurés comme une seule longue pièce, reliés entre eux par des nappes synthétiques ramenant directement au travail clairement influent de Matt Morton.
Que les fans se rassurent, malgré ce changement d’environnement, le doom stoner du groupe est malgré tout parfaitement reconnaissable, nous retrouvons toujours ce son épais, ces guitares granuleuses, cette basse au grain râpeux et ces riffs écrasants. Mais, si Acid King reste lui-même, le batteur historique du combo, Joey Osbourne, manque cruellement à l’appel et bien que son remplaçant fasse correctement le job il ne parvient jamais à faire oublier la créativité et la fantaisie du jeu d’Osbourne qui apportait une touche très personnelle aux compositions et au son du groupe.
A propos de ce Beyond Vision, Lori S. déclare "l’idée est que cet album te fasse voyager, qu’il t’emmène là où tu veux aller. L’important étant qu’à la fin tu trouves la paix intérieure" (Rock Hard #241). L’intention est louable, même si finalement peu originale dans le genre, mais le voyage n’est malheureusement qu’à moitié immersif. J’aurais aimé plus de travail sur les arrangements, sur les textures, sur les mélodies même, j’aurais aimé qu’Acid King pousse son idée plus loin. Trop de passages tournent un peu à vide et l’abandon cède parfois sa place à l’ennui quand, par exemple, le début d’Electro Magnetic n’en finit pas d’introduire un morceau qui semble ne jamais vouloir démarrer réellement, difficile pour l’auditeur de ne pas décrocher dans ces moment de flottements. L’album étant pour moitié totalement instrumental il aurait été judicieux de proposer un peu plus d’idées dans ces longues parties purement musicales afin que l’absence de voix ne se fasse pas trop sentir, surtout lorsque l’on connaît la force évocatrice du chant si particulier de Lori (écoutez-moi donc ce sublime morceau titre !).
Choix étrange aussi de terminer cette invitation au voyage sur Color Trails, morceau le plus énervé de l’album qui met fin de façon un peu trop abrupte à tout ce que le groupe a essayé de mettre en place sur la durée du disque. La fin du voyage aurait du me laisse rêveur face à la vastitude de l’univers, la tête pleine de ces questions sans réponses mais avec l’irrémédiable envie d’appuyer à nouveau sur la touche play pour repartir me perdre là-haut, au lieu de ça je me fais éjecter de mon siège par un tapis de double grosse caisse inopportun qui sonne brutalement la fin des rêvasseries, dommage.
Acid King fait une proposition intéressante en s’éloignant un peu de ses bases mais ne s’en éloigne peut être pas suffisamment pour être pleinement convaincant dans cet exercice. Beyond Vision renferme de très jolis moments donc mais aussi d’autres moins passionnants, parfois longuets, qui malheureusement gâchent un peu le trip cosmique dans lequel Lori veut nous emmener.
Tracklist de Beyond Vision :
01. One Light Second Away 02. Mind’s Eye 03. 90 Seconds 04. Electro Magnetic 05. Destination Psych 06. Beyond Vision 07. Color Trails