Les portes du Hellfest tout juste refermées, l'heure du traditionnel Bilan a sonné. Comme évoqué lors de nos reports, Le Diable Bleu et moi même étions des "puceaux" du Hellfest et pour tout dire, le gigantisme du Festival nous inquiétait un peu. Heureux de découvrir ce lieu si important dans le Metal français mais sceptique sur plusieurs points : affiche (notamment sur les Main Stage), saturation du site parmi d'autres. C'est donc entre curiosité et appréhensions que nous avons franchi ces portes de l'Enfer où ici, tous les espoirs sont permis. De fait, notre manque de recul sur les évolutions du site manqueront à ce Bilan. Mais en nous basant sur les précédents reportages des estimés niçois de ce webzine à qui nous succédons avec humilité, les commentaires entendus sur place, nous avons, je pense, une bonne vision de ce que le Hellfest est en 2024. Commenté dans des proportions délirantes, générant des passions et des critiques, le Hellfest est désormais bien analysé et nous n'avons pas la prétention d'apporter une lecture inédite à la folle expérience Hellfest. Même si les visuels sont connus tant ils ont été photographiés, l'expérience "en vrai" impressionne. C'est juste dinguement beau, le site est somptueux, les décors juste déments. Le Diable Bleu l'a relevé d'entrée, c'est ici le seul endroit au monde où on prend les toilettes en photos. D'une cohérence absolue, le lieu propose plusieurs zones et tous les autres Fest sont loin derrière sur ce plan. Ce point est bien acté mais le rapport d'étonnement est que ce site mérite sa réputation. C'est encore plus dément "en vrai". Aussi, la qualité de l'organisation / logistique est stupéfiante. Le Hellfest frise le chef d'œuvre sur ce plan. C'est bien simple, on est à 1km du centre ville de Clisson, on ne voit rien de la gestion des fournisseurs, de la venue des groupes. Même remarque sur le camping dont on devine à peine quelques tentes "et pourtant y a vraiment du monde" m'a précisé un jeune dans le train du retour. L'atmosphère générale est d'une grande bienveillance, les bénévoles très sympathiques, souriants et agréables. Cet immense parking fonctionne bien, la bucolique marche d'une bonne demi-heure dans le vignoble se fait sans problème et le système de navettes a semblé donné satisfaction. Le Hellfest est une vraie "machine de guerre" au fonctionnement bien huilé. Sans surprise, le gigantisme du Festival permet à la fois la majestuosité du site mais est aussi source de beaucoup de tourments. Sincèrement, il est compréhensible que certains soient rebutés par le Hellfest à cause de ce point. Le site sature très vite, on y navigue parfois difficilement et il faut parfois réduire la voilure sur l'envie de circuler. Pour les Main Stage, on frise même l'absurde. Ca s'amuse bien devant mais pour les autres, on est vite très très loin des scènes et sans caricaturer outre-mesure, on regarde les gros shows via les écrans géants ce qui ne nous a pas satisfaits. Nos goûts musicaux nous portant plus sur les autres scènes, cela ne nous a pas trop impacté mais cela mérite d'être pointé du doigt. De même, les déplacements prennent plus de temps et cela nécessite une bonne capacité d'adaptation et d'ajuster le programme en fonction. Cela peut frustrer car on doit "lâcher" des concerts et vu la densité de l'affiche, forcément, ça porte parfois peine de renoncer à certains shows. Le line-up justement. Le point mérite d'être évoqué. Connu pour son offre gargantuesque avec ses six scènes, on se doit de faire des choix. En bossant un peu en amont (ce qui reste un des plaisirs des Fest), on trouve de très belles propositions musicales mais paradoxalement peu sur les Main Stage qui en dehors des mastodontes Machine Head et Metallica (ainsi que Polyphia) ne nous ont guère intéressé. Sans compter le manque de prise de risques qu'on y trouve. Et c'est sur les autres scènes qu'il faut chercher. Outre que ces autres lieux nous ont semblé bien plus attachants (l'aménagement Valley - War Zone tout particulièrement malgré la saturation du site), le line-up y était bien travaillé avec une incroyable offre folk le samedi sur la Temple (d'une qualité inouïe), celle heavy / blues / psyché / stoner du premier jour sur la Valley, l'offre death ultra qualitative du dimanche sous l'Altar avec une cohérence remarquable. Il y a un sacré savoir-faire et on trouve vraiment son bonheur. Même l'exigeant Diable Bleu y a trouvé son compte (sourire). Les thrasheux ont été gâtés sur cette édition mais sur une offre plus classique (mais bigrement efficace bien que vieillissante). Le vieillissement des cadors étant bien sûr un sujet de fond que les boss ont déjà appréhendés, l'édition 2024 a poussé plus loin la programmation plus rock. Loin de tomber dans le dénigrement trop facile (d'autant que ce sont des groupes rock de très grande qualité qui ont été conviés), c'est un chemin que le festival devrait continuer d'arpenter ce qui n'est pas neutre pour l'avenir. Sur la durée, cela peut réellement transformer en profondeur le type de public qui se rendra sur le Hellfest qui perd toujours plus "son âme" d'origine. Il faut bien sur évoluer et vivre avec son époque pour pouvoir perdurer. Il faut cependant accepter que celles et ceux qui ne retrouvent plus "leur festival" pestent. La rançon du succès ! Et la conséquence logique de ce qui est ni plus ni moins qu'une évolution dans le modèle économique. Cela nous amène à un autre souci avec l'aspect financier qu'il convient d'aborder. Oui le Hellfest coûte cher. Encore une fois, vu tout ce qui est proposé, cela s'entend. Sauf que payer aussi cher pour finalement principalement profiter des scènes "alternatives", ça pose question car à ce prix là, autant aller chercher des Fest plus segmentés et donc moins coûteux. Et c'est là le cœur du problème de ce festival devenu mainstream. Avec de tels tarifs, une certaine segmentation sociale s'est effectuée. De fait, on entend des "puristes" se plaindre mais le Hellfest ne s'adresse plus tellement à un public connaisseur (ça fait un bail diront les mauvaises langues). La passivité d'une partie de l'auditoire laisse pantois et les locaux ont beau jeu de dire que ça devient un festival pour "les bobos nantais". Conséquence logique : un public plus spectateur. Et ce décalage entre ces fosses dantesques devant la scène et un deuxième niveau de public presque apathique. Et l'argument de dire "va sur les autres scènes, ça te conviendra mieux" ne me convainc pas car j'y oppose le rapport qualité - prix qui pose ici soucis. Si on y ajoute l'aspect saturation générale du site, ça commence à faire beaucoup. J'ai beaucoup aimé All Them Witches mais ils étaient à Toulouse pour 25€ et dans un format de salle réduit. Alors oui le Hellfest est plus qu'une succession de concert, c'est une expérience, terme assumé par son patron. Ok et après tout on le sait en y allant. Et il est vrai qu'on y est bien, sous les arbres ou assis dans l'herbe. Impossible donc d'arrêter un avis définitif mais la mise en retrait d'un public plus spécialiste pour un auditoire plus fortuné est malin économiquement mais dangereux sur la durée. Le Hellfest doit donc veiller à garder l'équilibre et le mot "aseptisé" nous est souvent venu. On ne peut pas tout avoir, y compris pour les boss de ce Fest. Les organisateurs sous-entendent que l'affiche va s'ouvrir toujours plus vers des groupes plus rock et en ce sens, le Hellfest semble à la croisée des chemins. C'est un chemin possible (pour ne pas dire probable !) et le Hellfest semble y voir sa capacité à se renouveler dans une approche presque "relais de croissance". Un public qui se féminise toujours plus, la quasi disparition des gens déguisés déjà relevée dans ces pages l'an dernier, des têtes d'affiche historiques qui vont passer la main, le Hellfest évolue et pense donc à se réinventer mais son surdoué patron a déjà probablement un coup d'avance. Il y a aussi ces évolutions sociétales à appréhender, moins notre propos sur ce webzine, mais avec lesquelles le Hellfest va devoir composer même si nous n'y avons rien vu de problématique. Bien au contraire, une bienveillance générale même si on se doute que vu la foule présente, certains comportements déviants doivent nécessairement avoir lieu. Ces sujets semblent bien pris en compte et des actions sont menées. Faisons leur confiance. Au final l'ambiance y est vraiment plaisante et c'est une expérience singulière qu'on ne peut que recommander. Le gigantisme a ses revers et le Hellfest est bel et bien devenu un événement mainstream. Il faut juste le savoir en y allant. Reste tout de même un excellent long week-end, hors du temps qui malgré la fatigue générée reste une sacrée expérience dont je comprends désormais l'engouement même s'il semble peu probable que j'y revienne certains éléments rendant l'aventure éreintante en plus d'un budget conséquent. Il sera intéressant de voir l'évolution future car il s'y passe tout de même quelque chose du côté de Clisson. Il a quand même créé un "monstre" ce Ben Barbaud ! Top 5 Concerts : Le Diable Bleu : Eivør // Yoth Iria // Eihwar // Dark Tranquility // Rhapsody Of Fire Ced12 : Eivør // The Haunted // Polyphia // Shadow Of Intent // Einar Solberg Post-Scriptum : Après ce bilan qui se voulait plutôt "sérieux", le facétieux Diable Bleu a eu l'idée de proposer un petit texte sur une anecdote vécue par les auteurs de ces reports dans le bus du retour le dimanche soir. Pour donner un peu de contexte, une famille "Lequesnoy" semblant tout droit sortie du brunch du dimanche au Country Club de St Germain en Laye revenait d'une journée au Hellfest et leur présence était quelque peu décalée. Vêtus de polos bien classe, très propre sur eux (après tout chacun s'habille comme il le souhaite), c'est surtout leur façon d'observer "le metalleux" tel un animal de zoo ou une bête de foire qui nous a quelque peu sidéré pour ne pas dire un peu énervé. Quand différentes classes de population se croisent, cela inspire le Diable Bleu. A prendre avec humour bien sûr ... "le guide : bonjour à tous et à toutes, je serai votre accompagnateur pour cette journée particulière et le garant de votre sécurité. Tout d abord je vais lancer l'appel pour contrôler vos présences.. Je me permettrai de vous appeler par vos prénoms ce sera plus fun ainsi. Vous pourrez m'appeler guide, car tout le monde m'interpelle ainsi ici. Alors nous avons Ségolène, Charles Henry, Blanche, Édouard et Adelaïde. Bien parfait, tout le monde est présent. Nous resterons en petit groupe ce sera plus sûr pour votre intégrité physique. Je vous transmets les consignes de sécurité que vous devrez respecter à la lettre sans quoi vous seriez immédiatement exposés à des incidents potentiellement majeures.... tout d'abord il est déconseillé de fraterniser avec les festivaliers, vous vous contenterez des politesses d'usage, ne pas consommer et partager boisson ou met, cela pour des raisons d'hygiène bien entendu mais aussi parce que ces gens s'alimentent avec des denrées grasses non bio avec gluten etc, nous aurons ensemble un goûter à l'espace vip composé de mets au niveau de vos attentes. Je vous déconseille également les photos car cela pourrait les rendre très agressifs. Pour finir nous resterons groupés, ne vous éloignez pas de moi surtout . Avez vous des questions ou des inquiétudes ? Sego : Et pour les toilettes ? Le guide : Pas d inquiétude nous avons nos toilettes privées à l'espace VIP. Charles : Et en cas de problème avec un festivalier ? Le guide : Pas d inquiétude, le service d ordre de la gardienne des ténèbres patrouille sur le site. Il est très réactif et s'appuie sur le Hell care nous en reparlerons. Blanche : C'est dommage de ne pas pouvoir ramener de selfie tout de même. Nous étions au 24h du Mans la semaine passée et tout s'était bien déroulé pourtant. Le guide : C'est frustrant, je le comprends mais pour alimenter vos réseaux sociaux nous trouverons quelques personnes de bonnes compositions sur notre espace VIP. Ed : Pensez vous que nous soyons habillés en conséquence ? Le guide : Pas d'inquiétude, votre joli polo des 24 h du Mans passera parfaitement et le chemisier échancré de Sego aura son franc succès auprès de la gente masculine. Le guide : je vous propose de faire mouvement vers le site à proprement parlé.. nous commencerons par le camping. Sego : ah oui ces gens dorment par terre dans une tente pendant 5 nuits ? Le guide : Oui ils y tiennent plus que tout, recherchant promiscuité, bruits, odeur d'immondices et manque d'hygiène. Certains ne prennent pas de douche peut être par peur de l'eau. Constatez l'odeur et les miasmes par vous même... Blanche se pinçant le nez : Beurk, ça pue, on se croirait dans un séant de fosse du moyen âge (ndlr: cul de fosse en français) Le guide : vous noterez la présence d'immondices déposés à même le sol alors que sont prévus tri sélectif et bac à compost. Charles : Ce sont des monstres Le guide : vous remarquerez la présence d'un bouge de nuit appelé le Macumba. Il est prévu pour égayer la nuit et ainsi suppléer l'absence de bruits la nuit sur le camping. Vous noterez également la qualité médiocre des pauvres matériels de sous marque Decathlon faisant office de lieux de repos. Adelaïde : C'est désolant cette pauvreté Le guide : Pour vous détendre un peu après ce choc initial nous allons nous déplacer vers le site. Je vous demande de vous équiper de vos bouchons d oreille et de franchir les portes de l'Enfer. Sego : Mon dieu, ce sont des barbares Charles : Je ne peux plus parler Le guide : Je vous propose une visite sur le Merch où les lutins du diable œuvrent pour remplir les tiroirs caisse. Ed : Cela ressemble à ces atroces super marché où les pauvres font leurs courses. Le guide : un peu oui, en plus vous remarquerez les files d attentes interminables à l'instar des pays sous développés. Blanche : À quoi servent ces autres files d attente ? Le guide : Les toilettes.. celles ci sont même photographiées le soir car estimées belles. Visitons un antre de ces démons.. direction le Temple. Restez bien groupés. Mesdames attention, parfois ça pince les fesses, mais heureusement Hell Care veille. Le Groupe restera sans voix à la vue du concert des Yoth Iria. Se retirant rapidement de cette folie, sans ordre en direction de la safe zone Vip. Charles : C'est donc cela la musique Metal. Quelle atrocité on dirait le bruit de ma chaudière Le guide : Je vous propose une petite collation et un rafraîchissement bien mérité après toutes ces émotions. Vous pourrez profiter de la présence de ces deux chroniqueurs béotiens qui officient dans le webzine Aux Portes du Métal pour prendre des photos et ainsi alimenter vos réseaux sociaux. Blanche : ils ont l'air bien niais et totalement saoul. Sartre avait raison "l'Enfer c'est les Autres." Le guide : Ainsi s'achève cette journée ensemble au sein de l'Enfer du Metal. Nous vous proposerons l'année prochaine une visite déguisée, en immersion avec une nuit sur site ... Adelaïde : C'était merveilleux et nous le conseillerons à nos meilleurs amis. Nous prendrons même le bus avec les festivaliers pour retrouver notre parking. Le guide : à vos risques et périls madame...."
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