Groupe:

Festival Rock the Lakes Jour 2

Date:

17 Aout 2024

Lieu:

Cudrefin, Suisse

Chroniqueur:

Le Diable Bleu

Jour 2 : La nuit de la Punition

Après une première journée magnifiquement chaude et où les guitares d'Insomnium avaient résonné comme les trompettes de l'Apocalypse, les montagnes suisses se sont refermées sur moi comme les mâchoires du dragon (comme évoqué lors du report de la première journée) au moment précis où je m'enroulais dans mon duvet. Ce matin, me voilà prêt pour le second acte de ce fest-estival. Matinal, reposé et prêt à en découdre, mais quelque peu inquiet par des nouvelles météos alarmantes. C'est donc l’œil rivé sur l'appli suisse servant de radar météo des pluies orageuses que la journée allait se dérouler. Un truc monstrueux est annoncé, et nos pauvres réfugiés du camp Rock the Lakes en sont totalement inconscients. Rock The Lakes semble plus proche du déluge biblique que d'un simple fest de Metal. En attendant, tentons d'oublier ce point. Filons devant les scènes rejoindre les artistes qui chauffent déjà les futs et les cordes.

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Kassogtha

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C'est totalement par hasard que je file découvrir ce groupe suisse dont je n'avais jamais entendu parler. Peut-être l'instinct inhérent au gros pif ou bien poussé par les sages recommandations du Ced12 toujours pertinent en matière de conseils éclairés. Et bien pas de tromperie, c'est très bon et bien plus complexe que l'on pourrait imaginer après un premier morceau. Parce que d'emblée, l'on compare Kassogtha à un pâle succédané d'Arch Ennemy, et l'on se trompe bien. Comparable peut-être, cependant dans le fond, mais aussi dans la forme, leur prestation de qualité est bien différente. J'apprécie l'ensemble des morceaux joués, c'est punchy, balancé, varié et prenant. Très très belle découverte pour ce groupe que l'on espère revoir bientôt, un peu plus longtemps.

 

Thrown

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Très bonne prestation de ce groupe suédois qui délivre un Hardcore tonique et judicieusement énervé. Les jeunes apprécient ce groupe que j'avais déjà croisé sur scène (mais où, bon sang ?). La sortie récente de leur album (Excessive Guilt, voir chronique de septembre) semble leur avoir donné une pêche et une consistance technique que je ne soupçonnais pas, pour tout dire dont je me foutais allègrement. Dés son entrée sur scène, Thrown a renversé ce préjugé, sans faillir, sans me lasser par la suite. Marcus Lundqvist au micro assure vraiment, et ses camarades aux guitares , Johan Liljeblad et Andreas Malm, ne sont pas en reste. Groupe jeune (créé en 2021) pour des jeunes, qui devrait trouver sa place très rapidement dans tous les Fest de notre belle Europe. Merci aux organisateurs de proposer à nos oreilles des formations émergentes de cette qualité.


Xandria

Quelle catastrophe ce Xandria là ! La chanteuse chante faux, la la la, du début à la fin. Les musiciens en font des tonnes et des tonnes jusqu'à l'outrance. Un groupe que j'avais oublié sur le bas côté de la route, je sais pourquoi maintenant. Cela semble également barber la majorité des festivaliers venus pourtant très nombreux. On passe, et on file de là, prendre une bière. Juste une seule photo du coup, et une bien pourrie, là !



Rotting Christ

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Monstrueux, stratosphérique ... que dire en plus concis et en moins dithyrambique. Et bien peut-être, que le set de Sakis Tollis et de ses camarades devrait être proposé entre chien et loup, au moment de la nuit bleue, quand les lumières déclinent et rendent tout, tout bô. Le son est comme toujours énorme, précis, ciselé, mettant en exergue la rythmique. Le job sur les voix est incomparable, inimitable et de très haut niveau. Ah, si seulement Rotting Christ avait pu naitre aux States, il fermerait les Mains Stages des plus gros Fests. Heureusement pour nous, leur grecquitude nous permet de les apprécier dans les meilleures conditions de proximité et de spontanéité. Ces gars envoient un Black Metal comme peu de groupes rêveraient de le faire. Le public fan en reste tout chamboulé quand show s'achevant. Waouh ! Ils vont encore se retrouver sur le podium du fest.

 


Brothers of Metal

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Vous connaissez mon aversion pour les groupes déguisés (ben si à force de me répéter, cela frise Alzheimer). Vous n'êtes pas sans savoir également que le power Metal, dans sa déclinaison outrée, peut m'agacer à un point de tout fuir. Sans surprise non plus, vous attendez sans doute que je vous évoque le trop grand nombre de vocalistes qui œuvrent en live ... Et bien pour une fois, faisons fi de ces grands principes s'apparentant à des préjugés c.n-c.n, car dans notre cas présent, le groupe est plutôt bon, honnête et fait montre d'une belle maitrise de son style. Le public ne s'y trompe pas, il communie avec détermination sur l'ensemble de la prestation. Excellent groupe fest-if pour fest-estival de qualité.


Dark Tranquility

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Grand Groupe, très grand groupe, énorme groupe et encore si peu reconnu.
On ressent chez nos artistes, insidieusement une peu anodine excitation lors de leur entrée sur la superbe scène de nos amis suisses.
Concert blindé, mais dont la micro jauge et le confinement permettront de vivre un moment unique en symbiose avec le groupe.
Le son est très bon, excellent même, le chanteur Mikael Stanne, leader du groupe, mène naturellement le bateau, comme depuis toujours.
Il partage tout avec les fans, sueurs, enthousiasmes, le plaisir simple d'être là au milieu d'eux ... un garçon hypersensible qui semble revivre artistiquement, après les difficultés et les affres des réorganisations traversées par le groupe depuis 2021... (Pour un exposé plus rigoureux sur le line Up de DT, je vous recommande le powerpoint en 56 diapos, de notre Pacificateur pédagogue, sommité encore dans ce domaine). Mention spéciale au batteur Stranberg Nilsson, monstrueusement efficace qui apporte vraiment une nouvelle puissance à DT en live revisité. Les spectateurs exultent, ils communient à l'unisson de ce groupe dont ils connaissent chaque hymne.
Leur set reprend bien évidemment tous les standards du groupe et nous aurions tant apprécié qu'il dure toute la nuit.
Un rappel, deux rappels, trois rappels ... rien n'y fera ! Alors, pour se consoler, on se jettera sur leur dernier album, Endtimes Signals, qui est très bon (voir chronique de septembre)

 


Ainsi, retombant sur terre et donc dans la vraie vie, jetant un dernier œil au ciel menaçant, je décidais d'abandonner l'arène musicale pour anticiper tout débordement dans le camp des réfugiés. Car oui, chers lecteurs, ce deuxième jour, à 1h du matin, marque l'arrivée tant attendue du « jour des enfers » : un orage apocalyptique s'abat sur le Rock the Lakes, transformant le camping en un véritable marécage. Les tentes flottent, les bottes s’enlisent, et les visages se crispent sous les trombes d’eau. Le havre de paix de la gent Metal se mue en un purgatoire aquatique. Et c'est dans ce contexte des plus humides que l’inattendu se produit. Tandis que les festivaliers commencent à patauger dans la fange et que les bières se diluent dans la boue, un hélicoptère se pose non loin, soulevant un aérosol humide. De cet appareil, à la surprise générale, émerge une silhouette bien connue des salons parisiens, mais beaucoup moins des marais festivaliers : BHL himself. Vêtu de sa légendaire chemise blanche déboutonnée (et sans la moindre once de boue sur ses superbes escarpins Lou-boue-tin, quelle classe), il tient fermement un sac volumineux sur son épaule... un sac de copeaux de bois cette fois-ci. Il s'agit donc de la surprise évoquée par le coquin de Grand Pacificateur.

«Chers amis réfugiés Cli-Metallique et d'autres souffrances,» commence-t-il, le regard bienfaiteur, « me voilà parmi vous, non pour vous asséner des citations philosophiques anachroniques, mais bien pour vous apporter une aide concrète. Ces copeaux de bois, symboles de la résilience (allez hop encore une fois) face aux forces de la nature, vous permettront d’absorber l’eau devant vos tentes et, ainsi, de permettre de vous défendre en territoire inhospitalier.». Celui-ci, bien qu'un peu déstabilisé par l’odeur de bière rance et de sueur, se mit à distribuer les sacs de copeaux de bois devant des reporters de guerre, comme s’il s’agissait d’une œuvre caritative de premier plan. Le Grand Pacificateur, depuis son bureau cossu, doit sans doute jubiler : BHL, l’iconoclaste intellectuel, converti en sauveur des réfugiés Cli-Metallique noyés dans la fange, voilà une ironie dont même moi n’aurais osé rêver.

Sur scène, malgré les conditions climatiques extrêmes, les groupes, comme les bardes de In Extremo, continuent de jouer, redoublant d’énergie pour combattre la furie des éléments. Le patron du Fest, Daniel Botteron, se fend d'un discours sympa de manière à souder les forces vives de ses troupes pour les prochaines éditions.

Alors que le jour décline et que les montagnes suisses se drapent de leur manteau sombre et inquiétant, les survivants du Rock The Lakes entonnent en chœur des hymnes métalliques, remerciant à leur manière ce BHL d’un jour fier d’avoir contribué à sa manière à la grande cause des réfugiés climatiques du métal. Je quitte les lieux pour rejoindre le lit (de la rivière de boue), les bottes crottées et le cœur léger, avec cette certitude : ici, au Rock The Lakes, la musique a encore prouvé qu’elle peut tout transcender.

Skald clôture ce début de nuit apocalyptique avec une performance qui lave les âmes. Les éléments ne seront pas domptés pour autant, les festivaliers fuyants, et BHL, que je reverrai sans doute un jour, dans un beau salon parisien ouaté, disparait dans la nuit comme un mirage, laissant derrière lui, la bonne humeur légendaire des Metalleux en Fest, chantant à l'instar du coq, pieds dans la boue.

Et moi, fidèle (pas toujours tout de même) serviteur du Grand Pacificateur, trempé comme soupe, je rentre dans mon duvet déjà humide avec la conviction que, malgré ma capacité à rire des difficultés en tous genres, je ne survivrai pas toujours à cela.

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