C’est une date un peu originale qui est proposée ce soir du côté de St Orens, bourgade périphérique de l’agglomération toulousaine située sur la fameuse route de Castres, celle qui fait pas mal jaser dans la région. Nous sommes dans un théâtre dont les affiches annonçant des représentations de Cyrano de Bergerac confirment que les concerts ne sont pas légions en ces lieux. Oh, il y a bien un concert annoncé de Gérard Lanvin mais que mon estimé lecteur ne se fasse pas d’illusions, il n’en trouvera pas le report dans ce webzine. Les récentes fermetures de salles ont poussé l’association Noiser à tenter un nouveau lieu. Le fait de devoir nécessairement y aller en voiture est bien le seul point négatif de cet endroit par ailleurs aussi fonctionnel qu’agréable. Bar classieux, bière de Noël (interdite en salle par contre), et surtout places assises ce qui est très inhabituel pour nos concerts « metallisés ». Vu l’affiche proposée ce soir, cela ne pose aucun problème tant les groupes sont portés sur une musique qui s’écoute dans le calme, apaisé et les sièges de l’Altigone se révèlent parfaits pour cela. Ah c’est pas beau de vieillir mais de temps en temps, ça fait du bien un peu de confort.
Lys Morke ouvre cette soirée. Artiste complète nous venant de l’autre côté des Pyrénées, la chanteuse évolue dans une indie électronique qui peut rappeler un certain Massive Attack. Accompagné d’un musicien multifonctions assurant rythmiques et divers éléments électro, Lys Morke gère en douceur un bon show d’une demi-heure. Le public est déjà bien installé et on voit des gens monter et descendre avec les lampes de leur téléphone. Autre ambiance, plus feutrée et pour tout dire bien agréable. Bon début, sympathique.
A.A. Williams
Son nom a beau être en haut de l’affiche, son show d’une durée plus longue dépassant l’heure, A.A. Williams joue en second et non en dernier, la raison venant probablement du succès rencontré par Kalandra dont les deux précédentes venues sur Toulouse ne sont pas passées inaperçues. A.A. Williams nous vient d’outre-Manche et navigue entre post-rock, Metal avec des guitares parfois très lourdes presque post-black le tout dans une ambiance gothique. Pour rester dans les 90’s, j’ai pas mal pensé à Paradise Lostpériode One Second avec de lumineuses mélodies bien dark mais aussi le regretté Type O Negative. L’ambiance générale est à l’unisson avec un sous-éclairage très marqué et des lumières à dominante rouge. L’esprit gothique inonde l’Altigone. Il faudra passer devant le merch' pour enfin voir le visage de la vocaliste. Le son des guitares, hyper épais, écrasant et la frappe lourde du batteur génèrent une excellente dynamique aux titres, hyper immersifs, bien fichus avec quelques lignes de guitares digne des grandes heures de la scène post-rock. L’heure de show passe à merveille, l’anglaise nous tient en haleine avec sa belle voix douce tout en contraste avec une musique lente, lascive mais viscéralement sombre. Un show impeccable dont on profite sereinement. On recommandera le titre Evaporate, très évocateur et bonne entrée en matière de l’univers d’A.A. Williams.
Setlist de A.A. Williams
For Nothing
Evaporate
Without You I Am Nothing
Love And Pain
Control
Wait
Belong
Pristine
Melt
As The Moon Rests
Kalandra
C’est peu dire que je l’attendais ce show. La dernière venue du groupe au Metronum m’avait subjugué et l’album The Line, très recommandable, m’accompagne sur quelques trajets en voiture (oui la vie en Province implique le recours à un véhicule motorisé). Et je ne vais pas être déçu. Et si je peux partager un petit secret avec mon estimé lecteur, peu d’artistes ont réussi malgré d’immenses attentes personnelles à réussir tout de même à me bluffer. David Gilmour fait évidemment partie de cette short-list et Kalandra va rejoindre cette liste avec un show en tout point éblouissant. Déjà le disque The Line est copieusement représenté et surtout le groupe nous offre une prestation d’un peu moins d’une heure mais reprenant tout ce qu’ils savent faire de mieux. Helvegen, exceptionnelle reprise de Wardruna, en fait incontestablement partie avec ce chant incroyable, les chœurs parfaits d’un des deux guitaristes et une batterie impériale, puissante et présentant des rythmiques presque tribales idéales pour ce style. J’y ajoute Borders, morceaux composé lors d’un retour d’Islande avec ce chant si magnétique. La référence à ce pays qui continue de me faire rêver ne me semble pas anodine car les shows de Kalandra me rappellent le grand Sigur Ros, celui des années 2000 alors à son apogée créative et artistique. L’usage de l’archer sur la guitare pour les atmosphères n’y est pas pour rien mais aussi le jeu de batterie, puissant. Les pépites s’enchainent, Slow Motion et son refrain sublime, The Waiting Game et sa mélodie folk-rock popisante et absolument géniale. Le nouveau titre Bardaginn, très Wardruna dans sa rythmique puissante et tribale, est une belle réussite, marche hyper bien en live avec sa rythmique tribale et Brave New World vient parachever une prestation magique, envoûtante de bout en bout.
Impossible de ne pas citer ces deux guitaristes Florian Döderlein et Jogeir Daae Maeland à l'allure typiquement scandinave excellents et hyper complémentaires dans leur jeu. Mais le joyau de Kalandra, c’est sa vocaliste Katrine Stenbakk. Avec sa voix d’ange qui vous scie d’emblée, son charisme et sa présence scénique juste incroyable tour à tour douce, enjôleuse ou dansant au rythme tribal d’un batteur impeccable. A la fin du show, c’est à une standing-ovation spontané que le groupe a droit. C’est peut-être conventionnel pour une pièce de théâtre mais celle-ci fut trop spontanée pour ne pas révéler l’impact que ce show a eu sur une audience emballée. Difficile d'exprimer sa satisfaction dans un tel cadre où de sincères applaudissements abondaient à la fin de chaque titre. La foule importante se massant devant le merch' pour échanger un mot avec la chanteuse et un des guitaristes ne laisse aucun doute : il se passe définitivement quelque chose avec Kalandra dont la musique, tellement nordique, est un enchantement absolu. Remarqué partout où il passe, de la légitime ouverture pour Wardruna au Hellfest plus généraliste, Kalandra tient une côte d’enfer, assure des shows époustouflants. Un groupe à part, à découvrir absolument. Kalandra nous a emmené Haut, très Haut.
Pour ce premier concert dans un format atypique (pour rappel la même affiche a eu lieu la veille au Backstage By The Mills à Paris, autre cadre !), il conviendra de voir si l’organisateur a été content de la soirée, notamment sur l’aspect financier. Pour la partie artistique, pas de sujet, ce fut une merveilleuse soirée.