J’avais un déplacement professionnel du 10 au 15 sur la capitale, l’endroit où ont lieu 99,9% des concerts en France, et pourtant après discussion avec l’ami Blaster j’ai bien cru que je n’allais pas pouvoir me dégager les cages à miel avec un petit concert. Au dernier moment, nous découvrons que Haken est en ville, et oh joie, que Vola assure la première partie. Le tout, se passe à la Maroquinerie. Les accreds sont prêtes, Blaster assurera les photos, il n’y a plus qu’à... Sauf que le concert commence à 19h30, et que la Maroquinerie est assez éloignée de mon lieu de travail (Palais des Expositions, Porte de Versailles) et que je vais pouvoir vivre une vraie soirée parisienne avec options stress, transport en commun, pluie, vent et froid. Pour un gars du Sud (il y a bien un tram à Nice mais pas depuis si longtemps, excusez-nous) ça semble incroyable de prendre deux lignes de métro, de faire quinze arrêts à chaque fois et de ressortir de terre… à Paris toujours. Bref une éternité plus tard je me retrouve trempé mais dans la queue qui s’est formée devant la salle. Blaster n’est pas encore arrivé, lui est un pro de la vie parisienne et il met 1h30 à venir de chez lui. Nous nous retrouvons finalement pour accéder ensemble à la salle que je découvre pour la première fois. Elle est plutôt petite et bien arrangée (capacité de 500 personnes quand même) mais quand nous rentrons ça joue déjà depuis quinze bonnes minutes et les bonnes places (sur les marches) sont prises, il va falloir jouer des coudes. Le groupe qui est sur scène, Bent Knee, participe à toute la tournée européenne de Haken (30 dates pour la promo du dernier album, Vector) et précède Vola. En France, la tournée passe par Lyon et Paris où elle touche à sa fin. La date parisienne est annoncée complète.
Bent Knee
Le groupe a probablement démarré à 19h30 pétantes mais je rentre dans la salle à 19h50 et je ne peux entendre que les deux derniers morceaux du groupe. Je ne connais pas du tout ce groupe venu de Boston. Il est assez original dans son line-up avec la souriante Courtney Swain au chant et aux claviers, Ben Levin à la guitare, Jessica Kion à la basse, Gavin Wallace-Ailworth à la batterie et Chris Baum au violon et aux claviers. Tout ce petit monde est assez à l’étroit sur la scène pas très grande de la Maroquinerie. La foule est très enthousiaste ; ça fait plaisir, les gens sont des connaisseurs. Courtney demande à la foule "qui est venu les voir" : ça crie, puis "qui est venu voir Vola ?": ça crie plus, enfin "qui est venu voir Haken ?" et là ça hurle, clairement, on a affaire à un public de fans ce soir et la soirée promet d’être chaude. En tout cas, même si je ne connais pas la musique de Bent Knee, je trouve l’ensemble intéressant, l’énergie est très bonne, Courtney très souriante, elle remercie le public, semble étonnée du soutien reçu.
Les deux morceaux que je peux entendre sont assez pop rock alternatif, le chant de Courtney assez particulier, elle chante très haut et d’une façon très originale et dynamique. Malgré le peu de place, Ben sautille en secouant sa guitare, et Jessica se démène aussi à l’autre bout de la scène. Courtney annonce le dernier morceau et remercie Vola et Haken pour leur accueil et leur aide lors de cette tournée. J’ai contacté le groupe pour obtenir la setlist et découvert ainsi qu’elle comportait majoritairement des morceaux de leur futur album, sans titre officiel encore. Le reste c’est Holy Ghost, extrait de Land Animal (2017), avec lequel ils ont terminé leur set et Being Human extrait de leur album Shiny Eyed Babies (2014). C’est une belle découverte pour moi que je vais rapidement aller creuser. Il est 20 h quand le groupe termine et salue la salle.
Setlist de Bent Knee :
(unreleased song) (unreleased song) Being Human (unreleased song) Holy Ghost
Vola
Le changement de plateau est très court, voilà qui est une bonne chose, surtout pour l’ami Blaster, qui calculait déjà l’heure à laquelle il doit partir pour choper le métro qui lui permettra de ne pas rater son dernier train (l’enfer parisien). Le set de Vola démarre vers 20h10. J’aime beaucoup le premier album de Vola, Inmazes, découvert par hasard, je crois même que j’ai toujours dans ma pile de trucs à chroniquer le second, Applause Of a Distant Crowd, sorti fin 2018, faut que je me sorte les doigts du nez pour vous en parler. Le groupe, pour ceux qui ne connaissent pas, est un quatuor danois originaire de Copenhague, composé d’Asger Mygind au chant et à la guitare, de Martin Werner aux claviers, de Nicolai Mogensen à la basse et d’Adam Janzi à la batterie. Leur style se situe aux croisements de Porcupine Tree, de Leprous, d’Opeth, de Devin Townsend et de Meshuggah.
Je partais déjà conquis mais j’avoue avoir été emballé par le groupe en live. D’abord un mot sur Nicolai, le bassiste, situé en face de moi : il a un son de malade sur sa basse qu’il martèle au médiator, tantôt en son saturé, tantôt en gros son bien rond avec beaucoup de sustain (Ruby Pool). Il fait quasiment le son du groupe, hyper synchro avec la batterie d’Adam. En plus de son jeu de basse, on découvre qu’il double quasiment toutes les voix, souvent à la tierce plus haut ou plus bas que la voix d’Asger, c’est un super boulot et un gros apport au son du groupe.
Le clavier de Martin est aussi un composant important du son de Vola, qui fait par moment, basculer certains morceaux vers des choses très mélodiques et pop (Ghosts). Les lignes de batterie/basses sont souvent complexes, souvent aussi appuyées par les riffs de la guitare. Polyrythmies, changements de signatures de temps, tout est bien là pour faire passer le son du groupe vers du prog technique, parfois tendance Djent sur des moments instrumentaux (Smartfriend). La voix d’Asger est posée, aérienne, mélancolique, un peu à la Steven Wilson, ou Mikael Åkerfeldt dans le Opeth en voix claire. Il s’énerve et hurle sur quelques petits passages souvent très réussis. Il joue surtout de la guitare en rythmique, il y a très peu de solo dans la musique de Vola, et quand il y en a (Ruby Pool), c’est très beau et mélodique, un peu encore à la Opeth. La setlist est composée ce soir de trois morceaux de Inmazes (Your Mind Is a Helpless Dreamer, Owls et Stray the Skies), alors que tout le reste est extrait de ce nouvel album Applause Of a Distant Crowd. Après cinquante minutes, les Danois terminent leur set, je n’ai pas vu passer le temps et j’ai pris un gros pied.
Setlist de Vola :
Smartfriend Ghosts Your Mind Is a Helpless Dreamer Owls Alien Shivers Ruby Pool Whaler Stray the Skies
Haken
J’avais pu voir Haken lors de leur passage au Hellfest en 2015. J’avais apprécié, sans pour autant avoir été trop impressionné. Par contre j’ai craqué sur l’album L-1ve et surtout son DVD. Je n’avais donc qu’une hâte, c’était de revoir le groupe en live, si possible en tête d’affiche dans une petite salle. Surtout qu’entre-temps, les Anglais ont sorti un nouvel album, Vector dont cinq morceaux sur sept seront joués ce soir (The Good Doctor, Puzzle Box, Veil, Nil by Mouth et A Cell Divides). Le reste de la setlist est piochée dans The Mountain (Falling Back to Earth), Infinity (1985, The Architect) et dans l’EP Restoration (Crystallised). Quand les lumières s’éteignent on peut entendre en intro la charge de Guillaume Tell de Rossini, dans sa version Orange Mécanique. Le groupe apparait ensuite sur scène sous les acclamations de la foule. Je n’ai pas réussi à trouver une place sur une des marches, donc dans la foule, entouré de grands, je ne vois pas aussi bien que devant le DVD dans mon canapé, mais l’ambiance et le son valent largement le déplacement. Je suis plutôt positionné devant Charles Griffiths, un des deux guitaristes. Ce n’est pas le musicien le plus expressif du groupe, il ne bouge pas des masses, mais il assure.
De l’autre côté de la petite scène, on trouve Richard Henshall l’autre guitariste. Derrière lui, plus en retrait, c’est l’impressionnant bassiste Conner Green, caché derrière une belle barbe hipster. Il utilise une basse six cordes et assure beaucoup de chœurs derrière son chanteur Ross Jennings, qui s’agite au milieu de la scène. Toujours en second plan, on trouve bien sûr le batteur Ray Hearne et, à ses côtés, le claviériste Diego Tejeida. Si les guitaristes sont impassibles et concentrés, la palme des plus agités revient à Conner qui secoue barbe et mèche en rythme, totalement pris dans son jeu, et le bouillonnant Diego qui viendra par deux fois interpréter ses solos sur le devant de la scène avec un clavier en bandoulière. C’est quand même le chanteur qui se bouge le plus et assure l’animation et les discussions avec le public. Il est de suite dans son concert, sa voix est parfaite (n’en déplaise aux mauvaises langues qui laissaient entendre que sa voix sur le DVD avait été « retouchée », il est vraiment à l’aise dans son rôle de leader. Il chante toujours en voix clair et surprend quand, sur un des morceaux, il passe en voix growl que, visiblement, il maitrise aussi. Ils attaquent par les deux morceaux du dernier album, que je trouve les plus aboutis, The Good Doctor et Puzzle Box. Dans les deux cas, c’est parfaitement exécuté en live. Sur 1985, comme dans le DVD, Ross apparait avec des lunettes lumineuses vertes, qui le font ressembler à notre Polnareff national.
On sent que le public est conquis par le metal progressif moderne du groupe, ça bouge en rythme, tranquille, sauf pour quelques fans de slam qui font le tour de la salle portés par la foule, notamment une fille qui fera au moins cinq fois le tour. Ross échange pas mal avec la foule, expliquant qu’ils ont une relation particulière avec Paris et avec cette salle. Une des particularités de la musique d’Haken, c’est qu’il y a pas mal de parties instrumentales dans les morceaux longs. Du coup Ross quitte la scène dans ces moments-là, laissant ses musicos s’éclater. C’est à l’occasion d’un de ces passages que Conner vient sur le devant de la scène, nous faire admirer sa basse six cordes au frettage en V. Blaster pourra enfin le prendre en photo, chose rendue difficile par le peu de lumière de face et l’utilisation de la machine à fumée.
Les morceaux extraits du dernier album prennent une autre dimension en live, je suis impressionné et trouve beaucoup plus d’accroches aujourd’hui en le réécoutant. Outre Conner qui assure beaucoup de chœurs, on peut aussi entendre, sur certains passages, le batteur Ray et les deux guitaristes apporter aussi leur voix à l’ensemble. Sur le dernier morceau interprété, Crystallised, une belle pièce de presque vingt minutes, il y a un canon avec toutes les voix, c’est vraiment magnifique. Il n’avait pas été joué sur le concert d’Amsterdam de L-1VE (par contre il est sur le second DVD, qui captait le set de Haken au ProgFest USA en 2016). Ils terminent un set mélodique et plein de contrastes, et viennent saluer la foule.
Il est 22h50 et l’ami Blaster va pouvoir regagner son domicile sans stresser. Quant à moi, je vais visiter le resto de la Maroquinerie (l’équipe y est fort sympathique, la bière excellente), histoire de redescendre doucement sur Terre après cette très belle soirée de metal prog moderne et me préparer à affronter les éléments pour rentrer à mon hôtel.
Setlist de Haken :
The Good Doctor Puzzle Box Falling Back to Earth A Cell Divides Nil by Mouth 1985 Veil The Architect ---------------- Crystallised
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