Nightmare

Interview date

05 Mars 2011

Interviewer

Ostianne

I N T E R V I E W

Interview Yves Campion, Franck Millileri (en face à face)


Votre premier album live est sorti en 2000, "One Night Of Insurrection" est donc votre deuxième. Faites-vous partie des groupes qui trouvent inutile de sortir un album live après chaque sortie studio et qui ont besoin d'un événement pour sortir un live ?

Yves : On a sorti un live sur DVD parce qu'à la base, on devait sortir un documentaire historique sur les trente ans du groupe. Mais ça demande un travail beaucoup plus long. Et la maison de disque voulait sortir le DVD rapidement, donc on s'est dit que pour avoir un produit intéressant, surtout pour un DVD, c'était bien de prendre le concert anniversaire. Ce n'est pas du tout par rapport à ça qu'on a fait un live, mais pour donner un produit intéressant aux fans.

Franck : Et puis, c'était vraiment pour les trente ans ! Sortir un live à chaque album, je ne suis pas sûr que ça soit réellement intéressant pour l'auditeur. On n'a pas du tout cette démarche là.

On fête les trente ans du groupe, mais est-ce qu'avec la longue pause qu'a connu Nightmare, on peut vraiment dire que le groupe a trente ans de carrière derrière lui ?

Yves : Disons qu'au départ, on compte l'année de formation. C'est sûr que non, on n'a pas trente ans ! Si on devait y ajouter les douze ans de pause, on aurait soixante ans (rires).

Au départ, vous aviez pensé filmer un live en janvier 2009...

Yves : On ne l'avait pas filmé, on l'avait enregistré. Enfin, on l'a juste filmé pour nous, mais pas pour le sortir.

D'anciens membres sont venus vous rejoindre sur scène en octobre. A-t-il été difficile de les convaincre ou ont-ils tout de suite accepté de partager à nouveau la scène avec vous ?

Yves : Non, pas du tout, on n'a pas tous pu les récupérer, mais ceux qu'on a pu avoir avec nous étaient contents ! 

Franck : Disons qu'au départ, les anciens comme Nicolas sont encore dans la sphère metal, donc on est quand même en contact. S'il y a des soirées comme celle-là ou des événements, il n'y a aucun problème. Et puis même, ça leur a fait plaisir de participer à l'anniversaire. Donc on a eu aucune difficulté à les convaincre.

En bonus, c'est le concert de Tel-Aviv qui a été choisi. Qu'avait-il de particulier pour vous ?

Yves : Ce n'est pas le concert qui a été choisi. On a fait du caméra en backstage, une caméra se baladait avec nous.

Franck : C'est simplement pour donner une idée de l'ambiance. Techniquement, ce n'est pas du même niveau que ce qu'on a fait à Grenoble. Comme le dit Yves, c'est vraiment pour le backstage. C'est pour montrer la température. Après, ce qui est différent, c'est l'accueil du public. Ce sont des fous furieux ! C'est pour montrer que là-bas, Nightmare, ça marche bien ! 

Yves : On aimerait bien que ça soit la même chose en France.

Oui, parce qu'il est vrai que vous êtes plus reconnus à l'étranger qu'ici !

Yves : Non, ça dépend. On verra bien ce que ça va donner ce soir ! Mais c'est vrai qu'on a plus de feedback dans certains pays étrangers. C'est un peu dommage. Quand on voit que les Allemands suivent vraiment leurs groupes, que dans leurs festivals ce sont des groupes de chez eux qui sont en tête d'affiche, aujourd'hui, c'est dommage qu'en général dans les festivals français, les groupes français qui sont des gros groupes comme Gojira n'arrivent pas à être tête d'affiche des festivals.

Franck : Les Français ont besoin d'exotisme.

Yves : Ils ont du mal à accepter que des groupes français aient le même niveau que des groupes étrangers.

Franck : Et puis, il ne faut pas se leurrer, il y a quand même la barrière du style. En France, le heavy metal, ce n'est pas d'actualité. En ce moment, c'est la musique extrême, un peu plus moderne. Bien sûr, il y a des gens qui écoutent du heavy, mais ce n'est pas ce qui rameute le plus de monde en concert, par contre, en Allemagne, Italie, Espagne, les gens sont vraiment friands de heavy. C'est peut-être pour ça qu'on a plus de succès à l'étranger.

Sur le DVD, il y a dix-sept morceaux, sur le CD seulement treize. Comment avez-vous choisi les treize morceaux et pourquoi ne pas avoir tout mis ?

Franck : C'était une contrainte technique.

Yves : Et puis, on a eu un problème de caméra. On n'avait pas les images pour mettre sur la vidéo, mais on avait le son.

Franck : Il y a toujours des problèmes comme ça. Ce sont les impondérables, on ne peut pas faire autrement. Et puis, ce qui nous intéresse c'est la vidéo. Bien sûr, le CD est important parce que tu peux l'avoir dans ta voiture, mais ce qui nous importait le plus, c'était d'avoir les images et le son.

Mais les morceaux sur l'album proviennent principalement de "The Dominion Gate", "Genetic Disorder" et "Insurrection". Pourquoi avoir "réduit" la carrière de Nightmare à ces cinq dernières années et à ces trois albums là ?

Franck : Ce n'est pas réduit, c'est... On ne renie pas ce qu'il s'est passé avant, mais c'est peut-être plus axé sur cette partie plus moderne, plus rentre-dedans, essayer d'enlever cette vieille étiquette de heavy ringard. Parce que finalement, cette étiquette, on l'a toujours. Et la plupart des groupes français dans le heavy comme Satan Joker, Blaspheme et autres ont aussi cette étiquette là. Mais on ne le renie pas parce que les albums se durcissent au niveau musique, mais on fera toujours du heavy par rapport aux lignes de chant, aux mélodies. C'est cette patte qu'on veut garder, faire une sorte de mix entre une musique plus brutale et garder le chant et la mélodie heavy. Et il faut savoir que pour un concert, quand on fait la set-list, il y a des morceaux qui sont évidents, qui sont taillés pour être joués en live et d'autres qui sont très bien aussi, mais avec lesquels il est plus difficile de communiquer avec le public. Et il faut que tout le monde soit d'accord. Mais je trouve ça bien justement que les anciens morceaux soient joués par les anciens membres. Et il faut savoir qu'on n'a pas qu'un public de vieillards et qu'on a aussi des jeunes qui viennent à nos concerts. Donc les morceaux des années quatre-vingt ce n'est pas forcément hyper intéressant pour eux et nous, ça nous fait plaisir de les jouer, mais on évolue aussi sans vouloir se prostituer en faisant du metal moderne pour marcher, avec refrain, couplet, couplet-voix agressive. Il n'y a rien de calculé, c'est du feeling.

La production est quand même assez authentique, on peut même entendre deux-trois larsens. Etait-ce important pour vous de garder cette authenticité et ne pas trop retravailler le son en studio comme beaucoup le font maintenant ?

Yves : On est obligé de retoucher !

Franck : Oui, un minimum. Mais on a essayé de garder un son très proche de la réalité. Après, il y a des bruits vraiment désagréables à l'oreille, donc on ne peut pas le laisser, ce n'est pas possible, et pour n'importe quel groupe ! Des live comme ceux des vieux Maiden, ça n'existe plus maintenant. Mais c'est vrai que le son est assez proche de ce qu'il y avait ce soir là. C'est pour ça aussi, comme on le voit dans pas mal de chroniques, qu'on n'entend pas assez le public. Mais c'est dû à la prise directe, il aurait fallu ajouter dix micros en plus si on avait voulu ça. Là, on aurait pu monter le son, le doubler, le tripler et faire croire qu'on avait joué devant soixante-dix milles personnes. C'est possible, mais nous, on préfère rester proche de la réalité, sortir quelque chose de plus pur.

C'est votre deuxième sortie chez AFM, est-ce que vous êtes contents de cette collaboration ?

Franck : Tout se passe bien pour l'instant. Moi, ça fait cinq ans que je suis dans le groupe, donc j'étais là pour "The Dominion Gate", "Genetic Disorder" et "Insurrection" et avec "Insurrection", je me rends vraiment compte qu'on monte petit à petit. On a fait pas mal de dates, des festivals et je pense qu'AFM y est pour quelque chose. Donc ça se passe très bien, on a de bons retours, ils sont contents de nous.

Si vous faisiez une rétrospective, quel serait votre meilleur souvenir ?

Franck : C'est différent. JC, ça fait quatre ans qu'il est là, moi cinq et on a déjà de sacré souvenirs. Mais Yves, Jo et David, ils en ont sûrement d'autres.

Yves : Il y en a dont on ne se souvient plus trop ! Le premier vrai concert, on ne jouait pas depuis très longtemps et le manager qu'on avait à l'époque qui n'était pas vraiment un manager mais avait des contacts avec tout le monde, est venu dans notre local à répèt et nous a dit "cette semaine, vous faites la première partie de Def Leppard". A l'époque, Def Leppard ramenait sept, huit mille personnes donc pour un premier concert... Déjà d'entrée tu es dans le bain. Et Israël c'était vraiment un très bon souvenir !

Franck : Oui, Israël et la Lituanie aussi !

Yves : On n'a pas forcément des anecdotes, mais ce sont des pays qui nous ont marqués.

Comment vous êtes-vous retrouvés en première partie de Sabaton ?

Yves : C'est de fil en aiguilles. On a un bon contact avec le tourneur. Ils nous ont fait jouer à Budapest, la veille du concert en Israël. Ils nous ont fait jouer sur les Metalfest qu'ils ont fait, pas tous, mais en Hongrie, République Tchèque... Je pense qu'ils aiment bien le groupe !

Franck : Et à Tel-Aviv, on était aussi avec Sabaton.

Yves : Donc, on a sympathisé... Et ils avaient besoin de faire une tournée dans l'Europe du sud et ils pensaient qu'on était le groupe qui collait.

Franck : Et c'est aussi pour cette raison que je disais que le groupe grossit, parce que normalement, c'est très difficile d'avoir des tournées comme ça. Là, ce qui est important pour nous, c'est que c'est eux qui sont venus nous chercher !

Yves : On n'a pas sorti les billets en disant : "voilà, on vous donne tant, faites-nous jouer !"

Franck : C'est eux qui nous ont contacté en demandant si on voulait faire leur première partie. Donc, il y a une sacrée différence.

Yves : Aujourd'hui, tout le monde peut faire une première partie. Il suffit de faire un chèque !

Franck : Oui, tu payes huit-cent euros la date et tu joues !

Mais ce n'est pas un peu frustrant par moment d'être en première partie quand on a un bon bagage derrière soi ?

Franck : Non. JC nous en parlait justement...

Yves : Ils sont dans la vague du moment et je pense que dans certains pays, ils sont plus gros que nous. L'avantage, c'est de pouvoir aller dans ces pays là. Je pense que dans certains pays comme l'Allemagne ou même l'Espagne, je pense qu'ils se sont dit que s'ils nous prenaient, c'est parce qu'on a aussi le potentiel pour ramener du monde. C'est pas comme le groupe de première partie qui n'est pas connu et que tu veux lancer et qui n'a pas encore joué dans d'autres pays et qui n'est pas sûr de ramener du monde. Dans ces cas là, tu sais qu'il n'y a que toi qui ramène du monde. Dans certains pays, je pense qu'on ramène du monde. On l'a vu au Luxembourg, il y a des gens qui ne sont venus que pour nous. Il est clair que beaucoup sont venus pour Sabaton puisque c'est la tête d'affiche, mais dans le public, il y a aussi des gens qui viennent pour nous. C'est vraiment un package pour ramener le plus de monde.

Franck : Ce n'est vraiment pas le genre de truc qui nous frustre. Je ne m'en rendais pas vraiment compte au début, mais c'est vraiment difficile et puis on n'est pas un groupe professionnel, on ne peut pas dire ça. On n'est pas au même niveau que Sabaton. Quand on part en tournée, ce qui nous intéresse, c'est de toucher de nouveaux auditeurs et prendre du plaisir, rencontrer des gens, faire un bon show tous les soirs. Et petit à petit, s'il y a cinq personnes qui nous ont découvert eh bien c'est gagné !

Yves : Et puis, les pays dans lesquels on va jouer, on y est déjà passé. On a déjà joué, fait des tournées comme en Italie ou en Espagne !

Franck : Et on a aussi de très bonnes surprises ! Comme en Lituanie où tout le monde connaissait les textes. En France, c'est plus difficile. Quand on a joué en Espagne, les gens nous appelaient par nos prénoms ! Il y a un décalage ! Mais on est là pour s'amuser, faire plaisir aux gens qui apprécient notre musique.

Quand vous avez reformé Nightmare en 1999 et quand tu l'as rejoint il y a cinq ans, est-ce que la coupure que le groupe avait connu avait un petit peu ébranlé la confiance que vous aviez dans le groupe ?

Yves : Je vais être un petit peu dur, mais au lieu de tomber dans le panneau du groupe des années quatre-vingt se reforme et joue comme dans les années quatre-vingt, qui n'ont pas changé d'un iota, nous on a décidé de signer avec un label qui avait le vent en poupe et qui fait pas mal de sympho, Napalm Records. Et l'album qu'on a sorti à ce moment là n'est pas du tout le même qu'un album qu'on a fait en 1984 ou 1985. Je pense que si en 2001, on avait fait le même album qu'en 1985, je pense que oui, on se serait pris le mur en pleine face ! C'est un album qui est aussi très différent de ce qu'on fait maintenant et je pense que c'est un album qui a bien cartonné, donc on a tout de suite pris la vague sans le faire exprès. Mais si on s'est reformé, c'était aussi pour évoluer. On a pris la vague dans le bon sens ! (Rires).

Vous aviez annoncé un nouvel album pour 2011. Ce live ci ou un successeur pour "Insurrection" ?

Yves : On est un peu en retard ! On a commencé, mais là, vu qu'on tourne avec Sabaton, qu'on a des dates en avril et qu'on a fait pas mal de choses, qu'on vient de sortir le DVD... Le label nous l'a demandé, mais je pense qu'il sortirait plutôt fin 2011, voire janvier 2012. Il faut vraiment qu'on s'y mette. On a des dates jusqu'au 30 avril et puis, on va se calmer !

Franck : Et on veut prendre notre temps, ne pas se presser.

Yves : On pourrait faire un album entre deux dates. Maintenant, c'est facile de faire ça, mais si c'est pour faire une merde, ça ne sert à rien !

Une dernière chose à ajouter ?

Yves : Alors là, on a le batteur de Benighted qui s'appelle Kikou avec nous, à partir de ce soir jusqu'à la fin de la tournée.

Franck : Il nous dépanne ! Ce qui est intéressant, c'est que Benighted, c'est du brutal death ! Donc, on n'a pas de barrières et c'est un très bon musicien ! Là, il nous rend vraiment service ! Il nous sauve la mise sur la tournée ! On espère que les gens vont apprécier ! Pour ceux qui découvrent, il ne faut pas hésiter à se pencher sur notre discographie car elle est très variée. D'albums en albums, il n'y a aucun album qui se répète, que ça soit dans le style, on a un concept album... Donc il y a plusieurs facettes de Nightmare, celui des années quatre-vingt, "The Dominion Gate" plus moderne et expérimental, "Genetic Disorder" qui est plus thrash et "Insurrection" qui est un bon mix entre le heavy, la mélodie et la musique plus rentre-dedans. Et pour le prochain, on ne sait pas !

Yves : Oui, on ne sait pas parce qu'on ne planifie rien du tout !

Franck : Et toutes nos influences regroupent bien tout ce qu'il se passe dans le metal. On est tellement différent qu'il n'y a pas de barrières. Donc s'il y a des passages de chant extrême, ça ne va pas nous freiner. On n'hésitera pas !


Venez donc discuter de cette interview, sur notre forum !