Monkey3

Interview date

20 Décembre 2013

Interviewer

dominique

I N T E R V I E W

Interview Boris (en face à face)


21 heures, arrivée à Yverdon pour l'ouverture des portes de l'Amalgame. J'aperçois Boris devant la porte en train de fumer une clope. Sympa, il me propose d'avoir l'interview avant le concert dans la pièce réservée aux artistes. Je lui emboite le pas, un bref salut aux membres de Bloody Sailor et de Disagony déjà présents en coulisse et nous voilà attablés face-à-face pour une discussion qui va durer plus d'une heure. Tout ne sera pas retranscrit, mais l'âme de notre discussion se retrouve ci-dessous.

Salut et merci d'accorder un peu de temps au webzine français Aux Portes du Metal.

De rien. Merci à vous pour votre super chronique de "The 5th Sun".

Peux-tu nous présenter un peu plus le groupe et nous donner des infos sur sa musique ?

Monkey3 a initialement été classé dans la catégorie Stoner Rock. Maintenant pour nous, cela ne veut pas dire grand-chose. Nous, on fait simplement du rock avec des influences psychédéliques, des éléments de rock progressif et de hard rock. Le plus simple, c'est de dire que l'on fait la musique que l'on aime.

Le groupe s'est formé il y douze ans. On jouait tous dans des groupes différents et on se retrouvait dans un local pour jammer ensemble et se faire plaisir en jouant de la musique que nous aimions. On a fini par discuter vraiment afin de savoir qui voulait faire un groupe, ce qui a permis d'identifier rapidement le line-up actuel.

Petite question helvétique : vous avez un Suisse allemand dans le groupe, c'est à cause des pressions d'outre-Sarine ?

(Rire)... En fait Walter n'est pas suisse allemand du tout, il est suisse italien et ne parle pas un mot d'allemand ! Comme nous tous d'ailleurs.

Oh la boulette, désolé. Vous ne parlez pas allemand mais vous avez signé sur un label germanique. Pourquoi ? Sont-ils plus actifs sur le marché de la musique que vous faites ?

En fait, Napalm Records est un label autrichien. On a sorti nos deux premiers albums sur un label belge, les suivants sur un label allemand et maintenant chez Napalm. C'est vrai qu'ils sont assez actifs, mais on aurait tout aussi bien pu signer sur un label français ou sur un label américain.

Est-ce que c'est difficile de signer sur ce genre de label quand on est un groupe suisse et pourquoi ce changement ?

La provenance du groupe à peu d'importance. C'est plutôt une question de chance et de style de musique. Ceci dit, c'est probablement plus difficile pour un groupe européen de signer sur un label américain.

Le changement s'est fait naturellement. On était chez Stickman Records, tout se passait bien et lors de notre passage au DesertFest à Berlin en 2011, un type de chez Napalm est venu discuter avec nous après le concert. Ils nous ont fait une proposition intéressante et voilà, on a signé. Tout simplement.

La composition du groupe est stable depuis le début même si quelques invités sont venus donner de la voix sur "Undercover". Avez-vous déjà pensé avoir une voix ou avez-vous été contacté par un chanteur ?

"Undercover" c'est particulier, comme c'est un disque de reprise, c'était nécessaire. Maintenant pour le travail de Monkey3, on s'est déjà posé souvent la question et on a aussi déjà été contacté par des chanteurs. Mais au final, on a préféré continuer dans le format 100% instrumental. La question va certainement se poser encore pour le prochain album. Ce qui est sûr, c'est que c'est ce que nous voulions et nous devions faire encore au moins un album dans notre format historique.

En plus, avoir une voix c'est bien, mais encore faut-il identifier la bonne autant musicalement que humainement. Si la musique produite est cohérente, il ne faut pas que la voix et la personne ajoutée rompe l'harmonie et l'équilibre existants.

Comment se passe le processus créatif au sein du groupe ?

Cela se résume en un seul mot : jam. C'est très simple, on jamme ensemble et on enregistre tout. On réécoute et si un morceau nous plaît, on le retravaille, on l'arrange jusqu'à ce que l'on arrive à avoir quelque chose de cohérent et qui plaise à tous. On jamme et on enregistre toujours en groupe, en commun.

J'ai vu que vous étiez influencés par les géants du rock, du metal et du hard. Est-ce que vous écoutez des groupes vivants ou non retraités ?

(Rire)... Oui bien sûr, on a une écoute très large. Par contre si on parle d'influences, on doit revenir aux musiciens et aux groupes qui t'ont donnés envie de devenir musicien à ton tour, de former un groupe et d'aller sur scène. Moi, depuis gamin, je suis un fan d'AC/DC. Pour moi Angus Young, c'était Dieu et c'est pour faire comme lui que j'ai joué de la guitare. Les groupes plus récents peuvent-être une source d'inspiration, mais probablement pas une influence.

Et quand tu passes de l'autre côté de la scène, que tu acquières une certaine notoriété, tes idoles restent tes idoles ?

C'est évident. Je pourrais enregistrer toutes les parties de guitare du monde, je continuerais à me demander comment David Gilmour arrive à faire une note et qu'elle sonne juste alors qu'en jouant la même, la mienne ne sonnera pas aussi bien. Et je suis sûr que si tu demandes à Gilmour, il va te dire qu'il se demande comment Boris fait... (Rires). Plus sérieusement, il va peut-être te dire qu'il se demande comment fait BB King. Quand tu lis des trucs sur Hendrix, tu peux voir qu'il vénérait des bluesmen comme Buddy Guy et qu'il disait que le jeune Billy Gibbons était le meilleur guitariste qu'il n'avait jamais vu. Quel que soit ton niveau, ton âge et ta notoriété, il te reste des idoles.

Un bel exemple c'est le documentaire sorti il y a quelques années intitulé "It Might Get Loud", où Jimmy Page, The Edge et Jack White discutent de leurs influences et de leurs idoles. C'est extraordinaire de voir Page triper et faire le l'air guitar sur un vieux disque d'une de ses idoles. C'est ça qu'il faut garder : rêver et s'amuser.

Les membres de Monkey3 peuvent-ils vivre de leur musique ?

Non, on bosse tous à temps partiel pour garder du temps pour notre musique. On n'est pas pro et on ne le sera probablement jamais. Plus le temps passe, plus c'est dur de gagner de l'argent avec la musique. Notre objectif c'est de pouvoir continuer à faire de la musique et des disques.

On a un outil incroyable avec internet, qui a certes créé des problèmes avec le téléchargement illégal, mais qui nous offre des opportunités de se faire connaître impensables par le passé. Internet a créé la promotion mondiale gratuite. On a donc plus de visibilité, mais pas suffisamment pour en vivre.

"Undercover" est un disque de reprise. Pensez-vous en faire un autre en prenant des titres de styles différents, plus risqués ?

"Undercover" était un one-shot. C'est vrai que l'on est resté dans notre zone de confort, en même temps le but était de jouer des titres que l'on aimait jouer. On a tout de même apporter notre patte sur "Burn" de Deep Purple. Et si, parce que l'on n'a pas osé, notre version disque de "One Of These Days" des Pink Floyd est restée trop sage, on l'a souvent rejouée et beaucoup retravaillée sur scène.

Dans la légende Inca, le cinquième soleil signifie la renaissance. Ce titre a-t-il à voir avec un cycle de vie du groupe ?

Non, rien du tout. C'est simplement qu'un jour, un de nous s'est pointé au local d'enregistrement en disant qu'il avait vu un docu sur les Incas qui parlait de l'air du cinquième soleil. On a trouvé que ça pouvait faire un bon titre d'album et comme on était justement en pleine compo du The 5th Sun, on a gardé ce titre. On a ensuite essayé de coller au titre trouvé. Mais cela ne reste qu'un titre.

J'ai trouvé que ce dernier album était moins stoner, plus léger et musical. Qu'en penses-tu?

Il est effectivement plus mélodique, plus rock progressif. On a travaillé dans ce sens-là. On voulait être plus musical, mettre en avant les claviers. On avait déjà fait des trucs plus lourds et comme cette "légèreté" ressortait de nos jams, on a décidé de garder cette voie et de travailler dans cette direction. C'est un peu tôt pour dire si on est satisfait de cet album, mais en tout cas on a du plaisir à jouer ces morceaux. Et même si la musique reste quelque chose de très subjectif, il semble que l'album a été bien reçu.

Dans l'ensemble on est content des albums de Monkey3. Je pense que l'on a fait au mieux avec les moyens que l'on avait au moment où on les faisait.

Vous êtes contents de jouer presque à la maison ce soir ?

Cela n'a pas trop d'importance à vrai dire. Il y a des villes qui sont plus électrisantes que d'autres. Quand tu joues un samedi soir à Berlin ou à Paris c'est toujours spécial. Maintenant, où que tu joues, il faut te donner à fond, même si il n'y avait qu'une seule personne dans la salle, tu dois lui donner ce pour quoi elle a payé. D'ailleurs, on ne sait jamais qui il y a dans la salle. Si tu n'as pas de self-respect, ce n'est pas la peine de monter sur scène.

Vous avez fait un passage remarqué au Hellfest en 2012, qu'est-ce que cela vous a apporté ?

On a fait le Hellfest en 2010 et 2012. Avant 2010, on n'existait pas du tout en France. Notre passage nous a permis d'ouvrir des portes. Même si tu es un petit groupe au milieu d'autres petits groupes eux aussi au milieu de plus grands groupes, cela t'offre une promo et une crédibilité incroyable. Hellfest 2012 n'a pas ouvert beaucoup plus de portes, mais cela a été une confirmation. Après, on a eu beaucoup plus de monde lors des concerts en France. Grâce aux passages aux Hellfest, mais aussi grâce aux commentaires des forums et aux revues des albums.

Mais il ne faut pas dénigrer ces gros festivals. Ils t'offrent de la visibilité et la chance de pouvoir jouer devant un public varié et beaucoup plus nombreux.

Il y a d'autres festivals plus tout public. Sont-ils intéressants pour un groupe comme Monkey3 ?

Ce n'est pas un objectif pour nous, et on ne nous a jamais sollicités. Cela nous donnerait l'opportunité de jouer devant des gens qui n'écoutent pas notre musique. Maintenant, si on devait choisir, on prendrait peut-être un festival moins tout public. En Suisse, on a le GreenField qui est plus rock metal qui nous conviendrait peut-être mieux.

Mais pour nous, le truc ultime ce serait de jouer au Montreux Jazz festival. C'est un rêve d'enfant. C'est le festival de musique le plus connu dans le monde et c'est surtout synonyme de qualité plus que de quantité.

La scène rock-metal suisse se porte relativement bien. Comment avez-vous vécu son évolution ?

Pour notre type de musique, stoner-psyché, on n'est pas très nombreux, mais d'autres styles de musique fonctionnent plutôt bien oui. Etant seul en Suisse, cela a été difficile à la maison. Par notre style musical, on a été plus naturellement accueilli en Allemagne ou au Benelux. Mais les choses changent. Les clubs nous ouvrent plus facilement leurs portes. On espère avoir plus que un ou deux concerts par tournée en Suisse dans le futur.

Sur ce, je ne crois pas qu'il soit bien de "régionaliser" la musique. Pourquoi parler de groupe suisse ou de groupe français ? On sous-estime le public, à force de labelliser la musique par style ou par nationalité, on limite sa capacité d'exploration et de découverte. On lui met des barrières, or la musique c'est l'inverse, c'est faire table rase des barrières. On joue de la musique, tu aimes ou tu n'aimes pas, c'est tout.

Quand aurons-nous la chance de vous revoir en France ?

On sort de deux supers concerts à Paris et à Nantes. Un super public pour les deux concerts. Paris c'était une tuerie, une explosion. La France est devenue un chouette territoire de jeux pour les groupes. Les concerts sont généralement bien organisés par des gens qui sont des passionnés.

Pour la suite je ne sais pas encore et apparemment on ne sera pas au Hellfest 2014. A court terme c'est la Grèce, quelques dates en Suisse et après une tournée Espagne-Portugal. Peut-être que nous arriverons à avoir des dates à ce moment-là.

Merci Boris et bonne chance pour le concert de ce soir. 

Merci à vous et j'espère à bientôt sur les scènes de France.


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