Groupe:

South Troopers Festival

Date:

09 Octobre 2025

Interviewer:

philippec

Interview Sébastien Bailly

Bonjour Sébastien, et merci de prendre le temps de répondre aux questions du webzine Aux Portes du Metal.

Peux-tu nous parler de ton parcours dans l’univers du metal ? Comment as-tu découvert cette musique et comment a-t-elle façonné ton chemin jusqu’à aujourd’hui ?

Mes premiers contacts avec la musique remontent à mon enfance, grâce à mes sœurs qui écoutaient constamment des disques dans le salon familial, sur la platine vinyle de mon père. Je te parle de 1980/1981, j’avais alors 9 ans. Elles passaient principalement du Bruce Springsteen, puis, un peu plus tard, la vague new wave anglaise avec des groupes comme The Alarm, Big Country, Spear Of Destiny, et aussi U2.

Ce qui m’a immédiatement attiré dans cette musique, ce sont les guitares et le chant souvent très expressif. Petit à petit, je me suis orienté vers des groupes à guitares comme les premiers Survivor, Asia, puis Marillion. Jusqu’au jour où j’ai acheté mon tout premier album de hard rock : le double live vinyle des Scorpions, World Wide Live, en 1985. J’avais trouvé le style qui me correspondait le plus : des riffs puissants et saturés, un chant haut perché, et des mélodies accrocheuses.

Quelques mois plus tard, je suis tombé sur une publicité de France Loisirs pour un autre double album live, avec une pochette incroyable représentant un mort-vivant sortant de sa tombe, frappé par un éclair ! À l’époque, j’étais passionné par les livres fantastiques et d’horreur (toujours en 1985), et le week-end suivant, je suis allé dans un petit disquaire à Orange pour me procurer le magnifique double vinyle Live After Death d’Iron Maiden. Cet album – et ce groupe – m’ont définitivement fait tomber dans la marmite du heavy metal. Maiden reste mon groupe préféré, et ce live mon album de cœur.

Je suis toujours resté fidèle à ce style de heavy metal né dans les années 80, celui dans lequel je me reconnais le plus. Ce qui est fantastique, c’est que, malgré les décennies, de nouveaux groupes continuent à perpétuer ce genre, encore aujourd’hui.

Le heavy metal fait partie de ma vie depuis mes 13 ans. Pas un jour ne passe sans que j’écoute au moins un morceau. Cette musique m’a accompagné à chaque étape : au collège, au lycée, pendant mes études supérieures, et ensuite dans ma vie professionnelle et personnelle. J’ai toujours eu envie de partager cette passion, de contribuer à cette communauté où la passion est reine.

En 2007, j’ai rejoint le forum Iron Maiden France et suis rapidement devenu modérateur. J’ai commencé à écrire des live reports des concerts auxquels j’assistais, des chroniques d’albums, et fin 2008, l’idée d’organiser des concerts a commencé à germer.

Quelle est l’histoire derrière la création de l’association French Heavy Metal Connection ? Quelles étaient tes motivations et objectifs en lançant cette initiative ?

French Heavy Metal Connection (FHMC) a été fondée début 2009 par deux passionnés de musique – Laurence et moi-même – et plus particulièrement de heavy metal traditionnel. C’est cette passion commune qui nous a poussés à vouloir faire bouger les choses dans notre région, en programmant des groupes qu’on ne voyait plus sur scène en France.

Tout a commencé lorsque nous avons décidé de célébrer les deux ans du forum Iron Maiden France en organisant un concert à l’Espace B à Paris, en novembre 2008. Nous avons fait venir deux groupes tribute marseillais : Ruskin Arms et Ed’Hunters. Ce premier événement fut un succès et une expérience très excitante.

Parallèlement, nous étions en contact avec Blaze Bayley (ex-chanteur d’Iron Maiden). J’avais échangé avec sa femme, Debbie Hartland, au sujet d’une chronique que j’avais écrite sur The Man Who Would Not Die au printemps 2008. Nous avons ensuite rencontré Blaze à plusieurs reprises lors de ses concerts en mars/avril 2009, à Chambéry puis à Tournai (Belgique). Il souhaitait ne plus passer par les gros tourneurs, avec lesquels il avait eu de mauvaises expériences, et cherchait des fans passionnés pour organiser ses concerts en France. Nous étions les bonnes personnes.

C’est ainsi qu’est née officiellement l’association French Heavy Metal Connection le 1er mai 2009. Nos premiers concerts ont eu lieu en décembre 2009 : Blaze Bayley à Paris (Scène Bastille), puis le lendemain à Nancy (Chez Paulette).

Depuis, nous avons organisé une cinquantaine de concerts, avec Blaze Bayley à de nombreuses reprises, mais aussi Vulcain (les deux premiers concerts de leur reformation en 2010), Myrath (premier concert en tête d’affiche en France en 2012), Tim Ripper Owens, Queensrÿche, Vanden Plas, Absolva (excellent groupe anglais que nous soutenons depuis plus de dix ans), Audrey Horne, ainsi qu’un grand nombre de groupes locaux. Nous sommes très fiers de leur avoir offert l’opportunité de jouer sur de belles scènes, dans de bonnes conditions.

Concernant l’équipe, Jérôme m’aide beaucoup pour la promotion des concerts à Nancy, mais notre cœur d’activité reste la région marseillaise, où FHMC est basée. Depuis quelques années, Patrice m’assiste sur les concerts marseillais. Une trentaine de bénévoles nous accompagnent lors de chaque événement, que ce soit pour la promotion terrain (distribution de flyers) ou le jour J (accueil des groupes, repas/catering, billetterie, etc.). Lors du South Troopers Festival, notre équipe atteint une trentaine de bénévoles.

Laurence ne fait plus partie de l’aventure depuis dix ans, mais elle nous a donné quelques coups de main sur certains concerts par la suite.

Je suis un passionné de heavy metal, et mon objectif premier a toujours été de faire venir à Marseille (ou Nancy) des groupes qui ne seraient jamais programmés par d’autres, le heavy n’étant pas le style le plus en vogue ici. Nous avons aussi toujours voulu soutenir la scène locale, en intégrant à nos plateaux des groupes de la région, pour leur permettre de jouer dans de bonnes conditions, devant un vrai public, et ainsi se faire connaître. Nous avons fait jouer des dizaines de groupes locaux, et c’est une grande fierté.

Qu’est-ce qui t’a poussé à imaginer un festival entièrement dédié au Heavy Metal ? Y avait-il un manque à combler, une passion à exprimer, ou un rêve à réaliser ?

C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis de longues années. On voit émerger des festivals dédiés au heavy metal dans différentes régions de France, ainsi que dans les pays frontaliers… mais rien dans le sud-est, et encore moins dans la région marseillaise. Ce constat a renforcé ma motivation et m’a rappelé pourquoi nous avions créé FHMC.

Il est vite devenu évident qu’il ne fallait pas que les fans de heavy metal traditionnel de notre belle région soient une fois de plus laissés de côté. J’ai donc décidé de concrétiser ce projet : un festival entièrement dédié à ce style musical, organisé dans la région de Marseille, avec une affiche 100 % heavy metal. L’idée était de réunir des groupes cultes internationaux et des groupes français, pour tous ceux qui vibrent au son du heavy, des duels et harmonies de guitares, des riffs incisifs, des chants puissants et mélodiques. Bref, un rendez-vous pour tous ceux qui arborent fièrement leur veste à patchs, quel que soit leur âge, unis par la même passion.

Le nom South Troopers est particulièrement évocateur. Comment t’est-il venu ?  Y a-t-il une signification particulière ou une référence derrière ce choix ?

Le mot South fait bien sûr référence au sud de la France, et plus précisément à la région marseillaise où je vis. Quant à Troopers, ce n’est un secret pour personne : je suis un fan absolu d’Iron Maiden. C’est un clin d’œil à ce groupe qui a tout déclenché pour moi. Je trouvais aussi amusant de désigner les fans de cette musique et de ce festival comme des Troopers, tous réunis sous le même drapeau du heavy metal.

Comment avez-vous sélectionné la ville et la salle qui accueillent le festival ?  Quels critères ont guidé votre décision ?

Habitant à mi-chemin entre Aix-en-Provence et Marseille, il était évident que je devais choisir un lieu proche de chez moi, compte tenu de tout le travail préparatoire que demande un tel événement. J’ai opté pour le Jas Rod, une salle que je connais très bien pour y avoir organisé de nombreux concerts.

C’est une salle bien équipée en son et lumières, avec un grand parking gratuit, la possibilité d’installer un barnum pour l’accueil des artistes, et une équipe à la fois compétente et super sympa. Bref, le lieu idéal pour lancer un festival de heavy metal

Organiser un tel événement en région PACA, et dans un style aussi spécifique, doit représenter un vrai défi financier. Quelles sont les sources de soutien dont vous bénéficiez ?

Il m’a fallu huit ans avant de lancer la première édition du South Troopers Festival, car je voulais que l’association dispose d’une trésorerie suffisante pour couvrir tous les frais liés à l’événement. Partir de zéro en comptant uniquement sur la billetterie aurait été suicidaire.

Nous avons d’ailleurs perdu de l’argent sur les deux premières éditions. Celle de l’année dernière a été la première à dégager un résultat positif, ce qui reflète aussi l’augmentation progressive de la fréquentation du festival.

Depuis l’an dernier, nous avons deux partenaires qui nous soutiennent activement. Leur implication faisait partie des conditions pour relancer le festival après la crise du Covid (et l’annulation de l’édition 2020). Ils ont été présents dès la reprise, motivés et engagés pour faire de cet événement un succès — et ça a porté ses fruits.

Mettre sur pied une telle affiche demande sûrement une énergie folle. Comment as-tu sélectionné les groupes et les artistes ?

Le premier critère de sélection a été très égoïste : composer une affiche avec des groupes que je rêvais de voir jouer ici. Étant fan de heavy des années 80 et de la scène revival, mon idée première a toujours été de faire jouer des groupes que j’admire. Ensuite, il faut bien sûr que ces groupes soient financièrement accessibles pour notre association.

Nous souhaitions également inclure des groupes français maîtrisant ce style à merveille et ayant une solide expérience. Et comme à chacun de nos concerts, nous tenons à donner leur chance à de jeunes groupes talentueux, qu’ils soient français ou étrangers.

As-tu suivi des critères spécifiques ou cela s’est-il fait de manière plus organique ?

Oui, il faut impérativement que les groupes jouent du heavy metal traditionnel : heavy, epic heavy metal, thrash teinté de heavy… Bref, il faut qu’il y ait une vraie affiliation avec le genre, et surtout que leur musique me plaise profondément. J’essaie aussi de sélectionner des groupes rares en France et/ou dans le Sud, pour rendre l’affiche la plus attractive possible.

En 2018, nous avons accueilli Diamond Head, Satan, Titan, qui n’avaient jamais joué dans le sud de la France. En 2019, c’était le retour de Sortilège, la première en France de Mythra, et la première dans le Sud pour Praying Mantis et The Wizards. En 2024, nous étions ravis d’organiser le premier concert dans le Sud des Tygers of Pan Tang, de Cobra Spell, ainsi que les premiers concerts en France de Thriller et Megaton Sword.

Cette année, nous avons convaincu Enforcer de jouer l’intégralité de leur album culte From Beyond. Blaze Bayley interprétera pour la première fois en France l’intégralité de The X Factor d’Iron Maiden. Ce sera aussi les premiers concerts en France de Trespass et Amethyst, la première fois dans la région marseillaise pour Hexecutor et Blitzkrieg, et le grand retour de Pryde après neuf ans d’absence.

En plus des groupes établis, j’ai à cœur de mettre en avant de jeunes talents, français et étrangers, comme ce fut le cas avec The Warm Lair, Night Demon, Speed Queen, Electric Shock, Stonewitch, Midnight Force, Tentation, Animalize, Sacral Night, et bien d’autres. Cette année, nous accueillerons notamment Amethyst, Star Rider et Hexecutor parmi les jeunes groupes prometteurs.

Côté technique, qui vous accompagne pour le son et les lumières ? Est-ce une équipe locale ou des partenaires spécialisés ?

La sono et les lumières sont fournies par la salle. En revanche, nous louons tout le backline (batterie, baffles, amplis basse et guitare) auprès d’un partenaire depuis la première édition. Nous collaborons également avec une autre entreprise locale pour la location et l’installation du barnum, son éclairage et son chauffage. Un traiteur de mon village s’occupe des repas pour les artistes et les bénévoles. Pour le bar, nous travaillons avec une société marseillaise, et pour le transport des artistes (depuis l’aéroport, la gare ou l’hôtel), nous faisons appel à une société de location de mini-vans. Bref, nous collaborons avec de nombreux partenaires de la région.

Quels ont été les retours du public et des médias à l’issue de la dernière édition du South Troopers Festival ?

Depuis la première édition, nous n’avons reçu que des retours très positifs. Le public est ravi d’avoir enfin un festival dédié au heavy metal dans la région marseillaise. Les live reports des webzines, magazines, et même certaines vidéos sur YouTube ont tous salué l’événement. Les groupes ayant joué sur les trois éditions nous ont félicités pour notre accueil chaleureux, notre organisation professionnelle et l’ambiance générale.

Comment juges-tu la fréquentation et l’ambiance ? Et côté budget, êtes-vous parvenus à équilibrer les comptes ?

D’année en année, la fréquentation du festival a augmenté. L’an dernier, nous étions tout près du sold-out, et je pense que cette quatrième édition le sera, vu les préventes actuelles. Côté budget, comme je te l’ai dit, nous avons perdu de l’argent sur les deux premières éditions. Mais l’an dernier, nous avons atteint l’équilibre, ce qui est très encourageant, surtout vu l’ampleur du budget.

On constate une multiplication de festivals dans les régions, dont certains rencontrent des difficultés voire des annulations. Ressens-tu un risque de saturation dans le contexte économique actuel ?

Je trouve très positif qu’il y ait de plus en plus de festivals metal. Il faut se rappeler que dans les années 80, 90 et même 2000, il n’y en avait quasiment pas, et encore moins dédiés au heavy metal. Le seul qui me vient en tête est le festival de Vouziers, toujours actif depuis 1986. Aujourd’hui, en France, dans le même esprit et avec des jauges similaires à South Troopers, on retrouve le Pyrenean Warriors Open Air, Court of Chaos, Anthems of Steel, Rising Fest, Normandie Fest, Crick Festival, et quelques autres. Ce qui est bien, c’est qu’ils sont répartis dans différentes régions et tout au long de l’année, donc il n’y a pas de concurrence directe. En revanche, dans les styles plus extrêmes ou moins old school, il y a effectivement beaucoup plus de festivals, et le risque de saturation est réel. Certains ont d’ailleurs connu de grosses difficultés ces deux dernières années, faute d’affluence.

Concernant le contexte économique, il faut noter que le prix du billet pour South Troopers reste très abordable, loin des tarifs des concerts à l’Accor Arena, à la Défense Arena ou des gros festivals metal. Et pourtant, ces grands événements sont souvent sold-out très rapidement. Cela montre que les gens ont les moyens d’aller à des concerts, mais qu’ils privilégient souvent les grosses productions, qu’ils regardent de loin, sur des écrans géants.

Nous essayons aussi de capter ce public, en plus des fidèles des petites scènes, pour leur faire découvrir des festivals plus intimistes, tout aussi qualitatifs, avec une vraie proximité avec les artistes — chose impossible dans un stade.

La dernière édition devait accueillir Paul Di’Anno, dont le décès a été une onde de choc. Comment as-tu géré cette épreuve, à la fois sur le plan émotionnel et organisationnel ?

Tu fais sans doute référence à l’édition 2024. Oui, cela a été un choc, surtout en tant que fan de la première heure de Maiden. Même si je savais Paul affaibli, je ne pensais pas qu’il nous quitterait si vite.

Nous étions très heureux de pouvoir enfin le faire jouer avec FHMC, dans le cadre du South Troopers Festival, d’autant plus que le groupe Airforce était également à l’affiche, avec Doug Sampson, batteur sur les Soundhouse Tapes avec Di’Anno au chant.

Apprendre son décès deux semaines avant le festival a été très difficile à encaisser. Je n’ai pas réagi dans la précipitation. J’ai pris le temps de réfléchir, d’en parler avec mes proches et l’équipe du festival. Rapidement, il est apparu que la meilleure solution n’était pas de le remplacer, mais de lui rendre hommage.

J’ai donc été en contact avec son manager/agent durant les deux semaines précédant le festival pour organiser un concert hommage, avec ses musiciens live et trois chanteurs : celui d’Airforce, David Smith de Gypsy’s Kiss (premier groupe de Steve Harris), et Henrik Haugsnes Kaupang, qui a longtemps joué avec Di’Anno. Ce fut un concert très émouvant, avec sa photo projetée sur un mur du Jas Rod pendant tout le festival.

Comment envisages-tu l’évolution du South Troopers Festival dans les prochaines années ?

Continuer dans le même esprit, en gardant cette identité que nous avons réussi à construire depuis 2018.

Y a-t-il de nouvelles ambitions, des projets ou des changements que tu souhaites partager ?

Si le succès se confirme, nous pourrions envisager une salle plus grande ou un format en plein air, mais ce n’est pas notre priorité. Ce qui compte avant tout, c’est de pérenniser ce rendez-vous annuel des fans de heavy old school. D’un point de vue artistique, j’aimerais réussir à faire venir certains groupes américains que je rêve d’avoir depuis des années. Mais ce n’est pas évident, sauf s’ils sont déjà en tournée européenne à la période du festival.

Merci encore pour ta disponibilité. On te laisse le mot de la fin pour conclure cette interview.

Merci à toi pour cette interview, et pour tout ce que vous faites pour promouvoir notre musique dans le sud de la France.

On entend souvent dire que la région marseillaise n’est pas du tout rock, et encore moins « metal ». Le cliché persistant voudrait que Marseille soit uniquement la ville du rap, de Jul, etc. Eh bien non ! Avec le South Troopers Festival, nous tenons à prouver que cette image est fausse, et que la scène heavy et hard existe bel et bien ici, avec un public fidèle et nombreux.

Ce festival est l’occasion pour vous tous de vous retrouver, de faire la fête ensemble à la gloire des Flying V, des chants hauts perchés, du headbanging, et de montrer que Marseille mérite pleinement son propre festival de hard, au même titre que n’importe quelle autre ville ou région de France.

Nous mettons tout en œuvre pour rendre ce rendez-vous mémorable, convivial, et pour qu’il devienne, année après année, un événement incontournable dans la région.

Up the South Troopers of Heavy Metal !!! 

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