Groupe:

Silhouette

Date:

24 Octobre 2024

Interviewer:

KABET

Interview Yharnam, Ondine, Vyartha et Achlys (par mail)

Tout d’abord pouvez-vous vous présenter ?

Yharnam : Nous sommes Silhouette, un groupe de Black Metal/Post-Metal Montpelliérain né en 2019. Notre premier EP a été publié en 2021 et nous sommes sur le point de dévoiler notre album qui sortira le 20 octobre 2024. Notre originalité réside dans l'association de deux chants extrêmement différents mais complémentaires, entre la douceur et la démence. Achlys est à l'origine de l'idée de la Silhouette, en tant que compositeur du projet.

Parlez-nous de votre parcours et de vos influences musicales ?

Yharnam : Le groupe est à la base le one man band de Achlys, il a rapidement décidé d’appeler des musiciens pour accompagner le projet et faire des concerts. Je suis arrivé en 2020 via une annonce pour un chanteur scream, j’ai postulé sans trop savoir pourquoi… Finalement je suis descendu à Montpellier et je ne regrette aucunement ce choix ! À part qu’il fait beaucoup trop chaud l’été. Les influences que nous avons sont variées et changent en fonction des membres du groupe. En ce qui me concerne, en tant que chanteur, je vais me tourner vers des projets qui ont un chant très émotif et "screamo" comme Envy, Converge ou Amenra. Mais de manière plus générale j’apprécie les projets expérimentaux comme Deathspell Omega, Blut Aus Nord, Imperial Triumphant ou Dødheimsgard.

Vyartha : Pour ma part je suis le dernier membre qui a rejoint le groupe (et le plus jeune !) après avoir postulé car ils cherchaient un nouveau second guitariste. Je ne viens pas de la scène black métal mais j’ai su m’adapter grâce à mon expérience. Je n’ai pas enregistré sur l’EP malheureusement, je suis arrivé à sa sortie, par contre je l’ai défendu lors des concerts qui ont suivi. Depuis, j’ai pu enregistrer ce nouvel album mais je n’ai pas beaucoup composé dessus. Pour mes influences, il y a beaucoup de death métal mélo comme Children Of Bodom, Wintersun, ou même du néo-classique avec Yngwie Malmsteen. Globalement je suis influencé par des projets avec des guitaristes “virtuoses”.

Achlys : À la base, je souhaitais créer Silhouette pour exprimer des émotions, des ressentis et des peurs personnelles. Sur la période de l'EP “Les Retranchements” j'écoutais beaucoup de Black Metal atmosphérique et contemplatif et ça permettait de décrire et poser l'ambiance que je souhaitais sur ce disque. Puis est venu la réflexion autour de notre premier album “Les Dires de l'Âme”, j'écoutais énormément de groupes de Post Metal comme Amenra ou de Post Hardcore comme Converge ou Cult Of Luna. L'ambiance des Dires de l'Âme se veut plus pesante et colérique, j'ai donc décidé d’en inclure davantage sur ce premier album.

D’où vient ce nom Silhouette ?

Ondine : Le nom "Silhouette" a été choisi pour son ambiguïté et son caractère mystérieux. Il représente une forme indistincte, une figure qui est là sans vraiment être visible en détails, un peu comme un spectre ou une entité qui flotte entre les mondes. Cela correspond bien à l’atmosphère que nous cherchons à créer avec notre musique, entre la lumière et l’obscurité, entre l’intangible et le concret. C’est un nom qui laisse place à l’imagination, à l’interprétation, ce que nous trouvons important dans notre démarche artistique.

Achlys : Durant mon adolescence, j’ai souvent fait le même rêve décliné de plusieurs manières différentes. Je me promène dans des lieux abandonnés, seul et j’aperçois une femme. Elle est toujours seule, vêtue de blanc, distante, les cheveux longs et posés à l’avant du visage. Je n’ai jamais pu cerner qui c’était ni pourquoi elle était là. Je ne saurai pas trop comment l’expliquer mais je ressentais chez elle des intentions parfois très positives, maternantes, guidantes et parfois très malveillantes. C’est cette dualité et ce personnage un peu indicible qui m’a donné envie de proposer le nom “Silhouette” qui comme l’a très bien dit Ondine, veut refléter une forme de clair/obscure ou de zone grise indéfinie dans lequel le bien et le mal gravitent ensemble.

Les Dires de l’Ame est votre premier LP, racontez-nous sa genèse et son histoire.

Yharnam : Après avoir terminé l'EP, nous avions naturellement l'intention de poursuivre l'aventure en produisant un album. En ayant pris en considération les qualités et défauts des Retranchements et une volonté de créer quelque chose de plus sombre, pesant et mature. Le concept est survenu de manière très naturelle. C'était un jour où je me trouvais chez Ondine pour discuter de nos idées pour l'album. Pendant que je relisais le Horla, j'ai eu l'idée d'aborder le thème des cauchemars, du subconscient et de la paralysie du sommeil. Depuis longtemps, je suis confronté à ce phénomène, et ce jour-là j'ai découvert qu’elle en faisait également. C'était inévitable, tous les astres étaient alignés. Ondine trouvait l'idée inspirante, en lien avec le concept de la Silhouette élaboré par la vision de Achlys. Lui aussi était très enthousiaste à propos de cette direction, donc nous avons approuvé le concept de l'album.

L’écoute de cet album est assez complexe, voire torturée. Il perturbe et inquiète l’auditeur que nous sommes. Comment arrivez-vous à créer cette ambiance ? Parlez-nous du processus de création. Qui fait quoi ?

Yharnam : Je perçois cela comme un clair-obscur. Il y a une interaction entre les voix et parfois une superposition de ces deux ambiances lors des moments culminants. Néanmoins, nous ne souhaitions pas quelque chose de trop manichéen ! La voix claire n'est pas toujours apaisante, et de même, le chant hurlé n'est pas toujours malveillant. Il est important d'équilibrer la balance pour trouver cette zone "grise", tout en dévoilant la lumière et l'ombre quand c'est nécessaire !

Vyartha : L’ambiance de cet album est d’une part créée par le sujet mais aussi par l’enregistrement et la production. Tout comme l’EP, l’enregistrement s’est effectué au Shape Studio avant d’être envoyé chez Henosis Studio mais cette fois-ci, il y a beaucoup plus de moyens dans l’enregistrement des guitares notamment. On a doublé le nombre de prises par rapport à l’EP. On a essayé d’avoir un son très lourd et pesant lors des passages intenses tandis qu’un son plus droit lors des cleans pour avoir un contraste assez important mais qui reste tout de même dans le thème.

Achlys : Je ne sais pas si on réellement voulu faire quelque chose d'inquiétant. Avec une certaine tension oui c'est certain. Les sujets abordés dans “Les Dires de l'Âme” sont difficiles, notamment à travers les thèmes que souhaitaient aborder Ondine et Yharnam. Au delà de cela, cet album traite aussi de peurs toujours ancrées profondément et contre lesquelles j'essaie de lutter. Notamment la peur de mourir, pas seulement “physiquement” mais ce qu'elle entraîne : l'oubli. Le fait qu'il ne reste que de petits morceaux, de petits souvenirs des personnes qu'on a connu, aimé, je trouve cela particulièrement terrifiant. Sans sombrer dans des détails techniques un peu ennuyeux, le gros changement sur cet album était aussi de composer des musiques avec des guitares 7 cordes et une basse 5 cordes, qui donnent de suite un aspect plus massif et lourd à l'ensemble. Les mélodies laissent plutôt place à des ambiances sur lesquelles Yharnam et Ondine peuvent poser et créer une atmosphère complète.

Le chant masculin hurlé alternant avec le chant féminin tout en douceur donne cette ambiance très particulière, marqueur du groupe. Comment vous est venu ce choix vocal ?

Ondine : Le choix de combiner un chant hurlé masculin et une voix féminine douce est né de notre désir de juxtaposer deux émotions extrêmes. Achlys, en tant que compositeur, a toujours eu cette vision d'une dualité entre douceur et démence, qui se reflète dans la voix. L'idée est de créer une sorte de dialogue entre deux mondes, celui de la douleur et celui de l'apaisement, un concept où l'on place des efforts pour que ce ne soit pas trop linéaire, manichéen. Cela permet de jouer sur les contrastes et de plonger l’auditeur dans un voyage émotionnel, perturbant mais aussi captivant.

Evoquons un peu la scène. Où en êtes-vous ? Une tournée est en cours ou prévue pour défendre cet album ?

Yharnam : Nous sommes actuellement accompagnés pour la scène avec la Paloma de Nîmes, nous cherchons à améliorer la qualité des concerts, d’abord par le son mais aussi par l’esthétique et la mise en scène. Concernant les concerts, nous allons avoir prochainement quelques dates avec Houle et Sans Roi, le 11 et 12 octobre à Lyon et Bordeaux. Sinon, il y a quelques dates qui se préparent pour 2025, mais c’est encore en préparation.

Achlys : L'ambiance de Silhouette se veut particulièrement intimiste et intense, autant dans ses moments de recueillement que dans ses moments plus forts. Nous travaillons de plus en plus pour retranscrire fidèlement cela sur scène. Comme l'a dit Yharnam nous avons deux dates communes avec Houle qui est un projet avec des musiciens que nous apprécions beaucoup. Des choses se profilent également pour 2025, si vous voulez voir Silhouette en live, n'hésitez pas à nous inviter !

L’artwork de cet album réalisé par Ondine Lilas Dupont est superbe, on dirait une peinture, est-ce le cas ? Pouvez-vous nous expliquer sa création, sa signification ?

Ondine : Tout d’abord merci beaucoup. Il s'agit effectivement d'une peinture numérique. J’aime l’outil digital pour les multiples possibilités que ce support offre. Je suis partie d’une esquisse d’architecture sur laquelle je suis venue “sculpter” des volumes en lumière. Créer les textures a été un grand terrain d’exploration en termes de créativité. L'image devait s'aligner avec la vision de l'album, tout en incorporant des symboles en lien avec les thèmes explorés. Les personnages incarnent le concept de la “terreur nocturne”, tout en faisant écho au "voyage astral, une vision qui s’apparente davantage à mon expérience personnelle ici. En ces deux personnages résident également l’idée de dualité ombre et lumière, l’âme dissociée du corps, le matériel face à l'immatériel. Dans l'arrière-plan, la mer calme et le ciel dégagé évoquent le sommeil, où l'inconscient s'exprime à travers des rêves. Ces éléments apportent une certaine sérénité, essentielle à l’histoire de l’album. Après avoir surmonté les tumultes, le dormeur s'extrait de la torpeur pour terminer sur une note planante.

Quels sont les projets futurs de Silhouette ?

Yharnam : Principalement l’élaboration des concerts, travailler le jeu de scène, de lumière et défendre l’album. Nous commençons aussi à réfléchir un peu pour la suite, le concept et le format de notre prochaine sortie. Nous avons des idées mais il est encore trop tôt pour en discuter.

Achlys : Nous travaillons effectivement déjà à donner un successeur à ce premier album. Mais chaque disque de Silhouette sera très différent du précédent en explorant d'autres styles et d'autres ambiances. Nous cherchons encore sur quelles thématiques et quelles ambiances nous partirons.

Je vous remercie et vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…

Yharnam : Merci à toi pour l’invitation à cette interview ! J’espère que “Les Dires de l’Âme” touchera nos auditeurs et qu’il raisonnera dans le cœur des personnes ayant eu une expérience de paralysie du sommeil. Je serai ravi d’en discuter avec vous lors de nos concerts, même s’il y a plus joyeux comme sujet ha ha !

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