Interview Tristan, Milka, Laure, Jordi
Votre dernière sortie discographique remontait à 2020 avec l'EP Let This Rope Cross All The Lands, et si on remonte encore avant on doit aller en 2010 avec le mythique Amen. Rassurez-nous, on ne va pas attendre trop longtemps la suite de All The Lights On ?Tristan : Ahahah ! J’ai beau être fan de Tool, je trouve aussi que sortir un album tous les 8 ans a ses limites ! Il faut déjà rappeler que nous avons fait une pause de 6 ans entre 2014 et 2020, donc ça ne compte pas vraiment. Pour autant, à l’heure des réseaux sociaux où il faut proposer du contenu sans arrêt, c’est vrai qu’on préfère la qualité à la quantité. De plus, je me permets de préciser que composer des morceaux ne signifie pas sortir un album dans la foulée ; il faut que les divers agendas s’accordent : promo, tournée, subventions, partenaires etc… les étoiles doivent s’aligner pour qu’une sortie se fasse correctement. Ou alors il faut sortir des titres un par un, en streaming, mais on n’a pas travaillé en ce sens jusqu’à présent. Sur l'EP Let This Rope Cross All The Lands, vous avez utilisé et exploité des chutes de studio ou b-sides. Pour la composition de All The Lights On, vous avez également écarté certains morceaux qui ne figurent pas sur l’album mais qui pourraient être utilisés pour plus tard ?Tristan : C’est possible ;-) … pour info, sauf erreur de ma part, la notion de face B date de la période des vinyles avant l’avènement des K7 et des CD. Le vinyle ne pouvant contenir qu’une 40aine de minutes de musique. Or, le vinyle revient en force ces dernières années, et vu qu’on ne compose pas en ayant en tête le minutage d’un vinyle, il n’est pas étonnant d’avoir des morceaux « en plus » une fois les 40 minutes atteintes. Laure Muller Feuga vous a rejoint au synthbass et samples, vous la connaissiez déjà ? Comment est-elle devenue nouvelle membre de MOPA ?Tristan : Milka, le chanteur, avait déjà travaillé avec Laure sur plusieurs clips ou captations de ses autres projets (Cancel the Apocalypse, Miegeville, Psykup). C’est en fait son métier principal : elle est vidéaste et réalise des clips, des courts-métrages et des vidéos d’art. Elle est pas mal engagée sur plein de sujets et est aussi spécialisée dans les tournages aquatiques ! Ce métier l’a amenée à tourner sur toute la planète dans des endroits incroyables au milieu des océans et des mers. C’est également elle qui a tourné, réalisé et monté notre dernier clip : Ka Ora ! Son précédent groupe était Pea Punch où elle était aux piano, machines et chœurs. Elle a vraiment plein de flèches à son arc et c’est une vraie aubaine de l’avoir dans notre groupe. Vous avez annoncé 2 concerts pour le mois d’octobre à Toulouse et à Paris, d’autres dates de concerts sont à venir ?Tristan : A l’heure où je rédige ces lignes, nous avons déjà fait 2 concerts à Cannes et à Sète. La prochaine date sera à côté de Marseille où nous n’avons pas joué depuis 15 ans. D’autres dates sont en cours de finalisation du côté de Vittel, Bordeaux, Lille, Dunkerque, et des discussions sont engagées pour se produire à Rennes, Nice, Auch, Tulle, Niort… Ka Ora raconte une histoire poignante qui est arrivée à un membre de votre famille. La beauté de ce titre chargé en émotions, et son clip est magnifique aussi d’ailleurs, colle parfaitement à votre univers musical. Est-ce que ça vous incite à écrire plus de chansons sur des histoires personnelles afin de faire ressortir encore plus les émotions et divers sentiments qui sont des éléments prépondérants de votre musique ?Milka : Justement non. MOPA s'est historiquement toujours inspiré d'histoires très personnelles depuis sa création. J'ai toujours écrit en me basant sur des émotions fortes, vécues, subies, pour en recracher quelque chose de vrai, de fort, de viscéral. Au bout d'un moment, au contraire, j'ai eu envie d'ouvrir le propos, aller chercher chez les autres, une matière d'inspiration, même si j'ai toujours cherché à avoir un discours universel, quand je me base sur des histoires intimes. L'idée de me tourner vers des histoires extérieures m'a beaucoup nourri, des fois même chamboulé, et cela a permis d'écrire des textes forts comme « Touch Again » ou « Ka Ora ». Cette dernière n'est finalement pas mon histoire, même s'il y a un lointain lien familial. Je pense ainsi creuser à l'avenir dans cette direction également. Être dans le personnel et l'intime, toujours un peu, oui, mais aussi raconter, transmettre, métamorphoser les histoires d'autrui. Cela peut même avoir un impact positif sur les gens, de voir leurs histoires extériorisées et mises en « art » de la sorte. Innocent Innocent a été composé autour d’un projet social culturel avec des adolescents, tu peux nous en dire plus sur ce titre et sur ce projet ?Milka : « Innocent Innocent » parle d'enfance. C'est une histoire personnelle justement, que j'ai voulu rendre adaptable à tous les foyers. Cela nous a paru naturel du coup d'utiliser cette chanson dans le cadre d'un projet socio-culturel que nous avons monté sur Alençon en Normandie en 2022. Le groupe a initié des actions destinées à la prévention du mal-être chez les jeunes il y a plus de 10 ans, et j'ai continué ce travail personnellement depuis. Je vais ainsi chanter et rencontrer des jeunes dans toute notre région et maintenant la France entière autour de ce projet « Transformer le Négatif en Positif », où il est question de résilience, d'acceptation de l'échec, et de libération de la parole. Sur cet album on a l’impression que vous maîtrisez encore plus votre formule, qu’un nouveau cap de maturité a été franchi et que vos compos sont plus riches. C’est aussi votre impression ?Tristan : Je n’ai personnellement pas l’impression que les compos soient plus riches qu’avant. En termes de complexité, je dirais même qu’elles le sont moins dans le sens où les compositions ont une structure plus « pop », c’est-à-dire couplet/refrain, plutôt qu’une approche musique classique avec des thèmes qui s’enchaînent. Concernant la maturité dont tu parles, je formule l’hypothèse que ce sont les auditeurs qui ont mûri dans le sens où un mec qui hurle sur du piano n’est plus vraiment considéré comme étant aussi bizarre et atypique qu’à nos débuts en 2007. Prenons les White Stripes, Royal Blood, ou Igorrr : ce genre de formation a contribué à élargir le spectre des possibles et les gens sont de plus en plus habitués à des groupes qui sortent du classique guitare/basse/batterie. Pour autant, le fait d’assumer pleinement un clavier/basse en plus du piano nous a permis de penser nos compositions avec une autre approche et ouvrir encore de nouvelles portes sur le côté émotionnel et la simplification des morceaux : il n’est plus nécessaire que le piano occupe 100% de la mélodie. Le morceau « We’ll All Die » en est le bon exemple. From Gold To Stones démarre de manière agressive et le rythme du morceau est vraiment soutenu et rapide. J’aime beaucoup ce titre. C’est le genre de morceaux auquel on doit s’attendre pour le futur de MOPA ?Tristan : Pas nécessairement ! C’est en fait un morceau que j’ai composé au piano chez Ross Robinson pendant l’enregistrement de Amen en 2008 ! On l’a intégré sur notre dernier album car on trouvait qu’il ferait une très bonne transition entre les 2 albums Amen et All The Lights On. Ce morceau est assez long et particulier dans sa structure par rapport aux autres avec sa deuxième partie très classique et sans concession. J’imagine tout à fait composer encore quelques morceaux de ce style dans le futur, sans qu’ils ne soient majoritaires sur un album prochain. Votre style musical est tellement original, atypique mais aussi apprécié par un public très différent qui fait que vous êtes à l’affiche de concerts avec des groupes assez variés et des festivals plutôt métal mais pas que. Quel serait, selon vos goûts, le festival idéal de 5 groupes à l’affiche dont vous ?Tristan : Ahah question bien originale ! Je dirais : Turnstile, Brutus, Will Haven, Norma Jean et MOPA Jordi : Pour moi un petit MONO, Interpol, Cult Of Luna, Celeste et MOPA Milka : Super la question, en effet ! Je dirais Brutus, Lost In Kiev, Envy & Nick Cave. Quel est votre dernier coup de cœur musical ?Jordi : L’album Children Of The Moon de State Faults, un groupe de screamo américain. J’aimais bien leurs sorties précédentes mais là ça a été une grosse claque. La cohérence entre tous les morceaux, la production et les émotions qu’il procure, c’est juste fou ! Dans un registre à 180° le dernier Kublai Khan est aussi une petite pépite (et tellement d’autres mais j’en aurais pour des heures) Et votre dernier coup de cœur local Toulousain ?Jordi : Le premier album de Urge qui est vraiment très chouette, en même temps vu les gens qu’il y a dedans (Plebeian Grandstand, Bruit, etc) ça ne pouvait être que qualitatif. Mais c’est cool de les voir évoluer dans un autre style avec toujours autant de classe. Milka : Moi je citerais AHASVER, l'autre groupe de notre batteur remplaçant, Clément (qui a remplacé Jordi pendant le congé paternité de ce dernier). On y retrouve des têtes connues du métal toulousain, notamment le chanteur de GOROD à la guitare. Le résultat est super impressionnant. Un métal très dense, extrêmement maitrisé, riche, avec à la fois des ambiances lourdes et des passages speed extrêmement agressifs. Y a aussi beaucoup de mélodies, notamment aux voix, ça passe des harmos au growl bien vénère. La prod aussi est bien ouf. J'ai adoré. Vous appréciez sortir vos albums en autoprod, créer votre label ça vous plairait ?Tristan : Honnêtement, non. C’est beaucoup trop de travail. On a essayé de faire ça nous-même à l’époque de Amen, pas forcément sous l’appellation « label », et on a failli exploser en vol à faire 90% de business et 10% de musique. Ou alors il faudrait embaucher des gens pour nous aider, mais c’est un autre délire. Ceci-dit, même si on aime bien avoir la main sur ce qu’on fait et ce qu’on sort, la force de frappe d’un label peut s’avérer être un atout indéniable. Il y a d’ailleurs des gens qui font ça très bien, je pense à Robin de Pelagic Records et son groupe The Ocean par exemple. Ça vous a déjà traversé l’esprit de vouloir sortir en vinyle votre tout premier EP ?Tristan : Non, mais c’est une excellente idée !!! Nous allons fortement y réfléchir, merci beaucoup ! De par votre originalité musicale et votre capacité à crée de manière novatrice certains titres (comme par exemple pour TouchAgain et votre « appel à histoires » à votre public), vous auriez clairement votre place de choix sur le festival Roadburn Festival. Vous avez déjà été approché par la direction de ce festival ? Ça vous plairait d’y être pour un set sur commande ?Tristan : Non malheureusement, nous n’avons pas été approchés par la direction de ce festival. C’est effectivement un magnifique festival doté d’un super concept et nous serions plus que ravis d’y participer. Je pense que MOPA pourrait y avoir sa place en complétant sa palette de groupes engagés artistiquement et éthiquement. Les Hollandais ont cette approche un peu avant-gardiste qui nous correspond bien je trouve. Travailler un morceau ou deux pour l’occasion serait envisageable, ça demande mine de rien pas mal de temps et d’investissement personnel (c’est plus facile à faire pour des groupes qui vivent de leur musique j’imagine), mais de là à faire un set sur commande, ça me paraît plus compliqué à mettre en place vu le temps que cela nous prendrait pour produire un set dont on serait fiers. Pour terminer je vous laisse le mot de la fin pour vos fansTristan : J’ai actuellement une pensée très forte et très émue pour nos fans d’Ukraine et de Russie dont certains sont actuellement sur le front de guerre pour le 3ème hiver successif. Nous ne faisons pas de différence entre nos fans, d’où qu’ils viennent. Nous serions tellement heureux de pouvoir à nouveau jouer chez eux et leur apporter un peu de répit avec notre musique comme on l’a fait à plusieurs reprises avant 2013.
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