Groupe:

Seven Eyed Crow

Date:

23 Janvier 2022

Interviewer:

Didier

Interview Aurélien Bouleau

Bonjour à vous, pouvez-vous nous présenter d’abord les membres du groupe Seven Eyed Crow, ainsi que les origines de sa formation ?

Le groupe se forme vers 2013 sur les cendres d’E-Breed (Néo métal - Bordeaux) ou nous avons évolué Tom (basse) et moi (Oreye – guitare). Nous voulions un projet toujours aussi rock, mais aussi plus groovy et plus complexe. Nous avons contacté Alex (guitare) dont le jeu dans Dham et Psome indiquait que nous avions la même approche inspirée de Tool et A Perfect Circle. Le coup de foudre guitaristique est immédiat. Fredo nous a rejoint via une annonce et son jeu puissant et groovy ainsi que ses influences arty (Mr Bungle) et fusion ont fait perdurer la symbiose. Fredo était aussi guitariste dans Mantra, et le chanteur de ce groupe, Jay s’est greffé dans un deuxième temps, parachevant l’alchimie avec un background rock mais aussi hip hop et jazz. Après notre album « Organized Chaos », Tom a dû nous quitter dans un moment difficile de sa vie où il a dû mettre la musique de côté. Ce fut dur pour nous, et particulièrement pour moi car je jouais avec lui depuis plus de quinze ans. Yoann (basse) fut un choix évident de par son expérience (Nihil, Silverama) et son professionnalisme.

Pourquoi ce choix de nom ?

Oula ! ca vient d’un moment imprégné (rire). C’est venu comme une sorte de révélation. Et si notre réalité, dans un lieu et un temps donnée, n'était qu'une des multiples couches ou dimensions d'un tout plus grand? En creusant plus loin dans le thème, nous avons imaginé sept réalités possibles. Sept mondes. Du passé au présent jusqu'au futur. Mais aussi de l'Enfer au Purgatoire et jusqu'au Paradis. Six couches, transcendées par la dernière : le rêve, comme un vaisseau pour passer de l'une à l'autre. L'imagination a fait le reste. L'idée d'un corbeau à sept yeux, chacun capable de voir travers une seule dimension, est devenue le nom du projet. C’est aussi un visuel terrible. Mais rien à voir avec GOT.

Est-ce que ce projet est le premier projet sérieux de ses membres où ils ont participé à d’autres ?

Avec presque tous vingt ans de rock dans les pattes, on a tous eu pas mal de projet sérieux : Nihil, E-Breed, Dham, Psome, Dr Jekyll, N fusio… Bref à nous tous on doit avoir au moins une douzaine d’albums dans les pattes.

Quelles sont les influences majeures du groupe ?

Seven Eyed Crow est un melting pot musical en permanent recentrage. L’émotion et le rock puissant sont les éléments centraux qui luttent contre des divergences fusion, jazz, hip hop, pop ou avant-gardistes. Le fil conducteur est subtil et nous laisse sur une ligne de rock progressif mélodique à la Karnivool, Leprous ou Agent Fresco. Nous avons tous pas mal trempé dans le néométal et la fusion dans notre jeunesse et nous en avons gardé l’absence de limites musicales et l’esprit d’ouverture qui animait ces groupes. C’est une « niche » musicale qui peut débouter pas mal de puristes.

Vous avez déjà une belle discographie derrière vous, avec un EP et un album (que nous avons complètement zappés d’ailleurs, bravo !), avez-vous travaillé différemment pour la composition de ce nouvel EP, Icarus ?

L’arrivée d’un nouveau musicien fait forcément évoluer le processus créatif. Les confinements et le travail à distance aussi. Globalement nous avons gardé la même formule : nous développons tous ensemble un canevas apporté par l’un des musiciens et nous le retournons, le tordons, le peaufinons pour qu’il devienne du 7EC. Ce processus compositionnel est assez long car très démocratique mais nous permet de ne pas nous perdre.

Peut-on parler d’un album du confinement ? Est-ce que cette période trouble a été au moins favorable à la créativité ?

Cela nous a empêché de nous lancer sur de nouveaux morceaux. Nous avons donc beaucoup arrangé et laissé murir ce que nous avions. Sans la crise nous aurions probablement fait un album.

Pourquoi ce titre Icarus, peut-on parler d’un EP concept ?

Icarus est imprégné de thèmes dystopiques et de réflexions sur l’avenir de l’espèce humaine. Nos parentalités et nos deuils récents nous amènent à questionner le futur et à nous interroger : où va l’humanité ? Ne finira t’elle pas par se brûler les ailes à vouloir se rapprocher du soleil, à vouloir se faire dieu ? L’artwork interroge aussi : explorer l’espace pour abandonner la terre ou essayer de la sauver du défi climatique ? Sans aller jusqu’au concept EP, il y a un fil conducteur tout du long.

Pourquoi un EP maintenant, plutôt qu’un album un peu plus tard ? L’EP est-il un format plus adapté de nos jours vous pensez ?

A l’issue de ces cinq morceaux, nous voulions tourner une page et renouer avec de la scène et une actualité dont nous avions été trop absents. D’où un EP mais de longue durée (27 minutes). Nous sommes imperméables à cette pression actuelle de l’immédiateté. C’est vraiment les difficultés que nous avons traversées et la crise sanitaire qui ont bousculé cette sortie.

Votre chanteur, Jay possède une superbe voix et un phrasé parfait en anglais, d’où tient-il son accent irréprochable et quelles sont ses idoles vocales ?

Merci pour lui. Jay est un universitaire et un fan absolu de la musique anglosaxonne. C’est donc un mélange de travail, de passion et de talent et il reste toujours insatisfait de son accent. Je citerai pour lui : Chris Cornell, Mike Patton, Stevie Wonder et Jon Anderson de Yes. Je ne citerai pas Brandon Boyd, parce que malgré les similitudes que tout le monde relève, il a très peu écouté et reste peu fan d’Incubus.

Est-ce aussi lui qui se charge des textes ? Quels sont les thèmes abordés par vos morceaux ?

Jay notre chanteur est en autonomie totale sur l’écriture de ses textes. Ils nous les fait relire voire nous les traduits. Nous n’y trouvons jamais rien à redire. C’est souvent très personnel et quand ca l’est moins, nous sommes en totale osmose avec sa vision que nous partageons. Nous ne travaillons ensemble que sur les mélodies. Les thèmes sont ceux que je t’ai cité un peu plus haut.

La production globale de l’album est excellente, qui s’en est chargé ?

Nous l’avons enregistré à Bordeaux chez « Bud Studio » géré par Matt le guitariste de Gorod. L’homme derrière le son est David Thiers du « Secret Place Studio », un des grands noms de la production Rock/Métal bordelaise comme Mobo du « Conkrete studio » qui avait fait les deux précédents opus. David est vraiment un magicien d’une grande patience et d’une grande compétence. Sa bonne humeur et son talent sont communicatifs.

J’ai lu que Yoann, le bassiste vous a rejoint plus récemment. Il est très présent dans le mix et j’adore ses lignes de basse. Participe-t-il déjà aux compositions dans Icarus ? Je pense à l’intro de tapping de Weird Boy par exemple.

Yoann a été présent sur la composition de tous les morceaux. Il a beaucoup plus d’expérience que nous autres à la fois en tant que musicien professionnel et technicien du spectacle. C’est un compositeur prolixe et son oreille musicale est épatante. Il s’est glissé dans le groupe en gardant le groove hérité de Tom que l’on souhaitait, et en y apportant une énergie rock brute sans fioritures. Il est capable de lignes simples ultra mélodiques héritées du grunge ou d’une pop à la « U2 » et de sortir du tapping basse en mesures asymétriques dignes de « Tool » ou de « Haken ». Il nous a désinhibés dans un songwriting plus complexe pour sûr et nous a redonné confiance après le départ de Tom.

Je me demandais aussi comment sont répartis les plans de guitare entre Aurélien et Alex ?

Alex et moi avons un jeu tellement symbiotique qu’il n’y a pas de lead et de rythmique. Globalement je gère un peu plus les nappes et les ambiances et lui un peu plus les phrasés. On fonctionne intuitivement dans la répartition. Nous n’avions jamais joué avec un autre guitariste avant de se rencontrer et la coopération s’est faite sur le mode coup de foudre. Ce n’est pas mon double mais nous sommes le complément idéal l’un de l’autre.

Au final il n’y a pas vraiment de solo de guitare dans l’album, c’est un choix artistique ? Un peu comme le fait Vola, vous connaissez peut-être ?

Sur Until, je joue le premier solo et Alex le deuxième. Il joue aussi un solo sur la fin de Eyes Wide Shut. C’est effectivement les seuls soli. Nous ne sommes pas fans des soli égocentrés, hyper-techniques et nous en sommes incapables d’ailleurs. J’aime les soli de Jerry Cantrell, toujours très mélodiques et jamais démonstratifs. C’est ce qu’on privilégie si on doit en faire un.

Par contre on sent qu’il y a beaucoup de travail dans les mélodies, vocales notamment et les refrains qui sont très accrocheurs. Je me trompe ?

La mélodie c’est devenu un tic musical avec les années. Plus un refrain est mélodique, plus Jay se sublime sur son chant donc c’est très motivant. Cela nous est arrivé de composer une vingtaine de refrains pour n’en garder qu’un au final. Moi j’ai grandi avec Pop Rock station de Zegut, et un refrain ca doit rester dans la tête.

Le titre plus personnel To My Old Man est-il dédié à quelqu’un en particulier ?

Jay a récemment perdu son papa. Ce texte est très autobiographique.

A l’écoute de cet EP, je me dis que même si vous ne les citez pas comme influences, les fans de groupes comme Haken ou Pain Of Salvation, devraient s’y retrouver dans votre musique. Ce sont aussi des groupes de référence pour vous ?

Oui aussi, un peu plus pour Haken. On ne pouvait pas tous les citer. On pourrait rajouter Tesseract et Twelve Foot Ninja aussi.

J’imagine que vous êtes chauds bouillants pour aller défendre cet album sur scène ?

Ben trois mois de répétitions intensives pour une annulation de tous les premiers concerts c’est un peu dur à vivre. Donc : Oyez, Oyez bonnes salles ! Nous sommes disponible et encore brûlants. (rire)

Ca doit être frustrant cette période de pandémie, vous arrivez à faire face ?

Travail, famille (mais pas la patrie…) nous aident à tenir. On en profite pour continuer à composer. L’influence de la crise se ressent sur la dureté des compositions à venir d’ailleurs.

Quels sont vos plans pour les mois à venir ?

Composer jusqu'à ce que l’on puisse recommencer à jouer. Une date subsiste à Bergerac et à Bordeaux et une autre se profile à Angoulême.

Je vous remercie et vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…

STAY METAL !

 

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