Groupe:

Djiin

Date:

8 décembre 2021

Interviewer:

philippec

Interview Djiin

Pouvez-vous vous présenter ? Et nous dire comment vous vous êtes rencontrés?

Allan : On est Djiin et on joue du Stoner Progressif à tendance psychédélique, arabisante, et avec quelques fulgurances Sludge/Doom le tout dans une esthétique 70’s vintage. Le groupe est né de la rencontre entre Allan Guyomard (batteur) et Johan Godefroy (ancien guitariste et bassiste de Djiin). Allan était à la gare de Rennes et Johann est apparu pour lui demander une cigarette. Ils sont allés dans un bar du centre ville pour faire connaissance et ont discuté musique. Le projet a germé comme ça assez rapidement. Un ami de lycée s’est rajouté à la basse et deux semaines plus tard, ils ont rencontré Chloé dans un autre bar de Rennes. Elle parlait fort avec la voix rauque et éraillée et Allan lui a demandé si elle savait chanter. Le week-end suivant, elle est venue en répétition avec sa harpe. En trois semaines le groupe est né et les concerts ont commencé quelques mois plus tard. Depuis, le line up a beaucoup évolué jusqu’à début 2020 où nous sommes arrivés à notre formation définitive.

Quelle a été votre parcours musical à chacun (autodidacte ? école ? prof ?) ?

Chloé : J’ai commencé la musique dans une petite école de musique avec de l'éveil musical, puis de la découverte musicale car je n’arrivais pas à choisir un instrument. J’ai finalement découvert la harpe à huit ans durant un événement sur l'Irlande à Rennes. J’ai donc ensuite pris des cours de harpe pendant dix ans, je jouais alors principalement de la musique tard avec l'école ou en fest-noz. J’ai également toujours aimé chanter mais je n’avais jamais travaillé la voix avant de commencer Djiin, je ne pensais pas pouvoir chanter du fait de la particularité de mon timbre, j’ai fait un peu de chorale mais les profs ne savaient jamais trop où me placer. Aujourd’hui je considère ma voix comme mon instrument principal malgré mon parcours d’autodidacte dans ce domaine. J’ai également complètement modifié mon approche de la harpe en passant sur une harpe électrique accompagnée de son Pedalboard, en passant du trad au rock. 

Tom : J’ai commencé les cours de guitare quand j’avais six ans. Je suis resté avec le même prof pendant six ou sept ans à “apprendre le rock” avant de passer deux ans avec un prof de country/bluegrass ce qui m’a permit de développer ma dextérité main gauche (je suis gaucher) via le finger picking / chicken picking. Au collège, j’ai pris l’habitude une fois les cours terminés de mettre des albums entiers sur la chaine hifi de ma chambre et d’improviser dessus à la guitare électrique, c’est principalement comme ça que j’ai appris à construire des solos, au début sur les Who et Led Zepplin puis uniquement sur du Frank Zappa pendant facilement une année entière. 

Charlélie : J'ai commencé la musique vers treize ou quatorze ans, quand j'ai pris conscience que le rock existait. J'ai pris quelques cours de basse au début mais mon prof n'était pas très assidu... C'est donc principalement en montant ou en rejoignant des projets avec mes potes que j'ai appris à jouer et à composer. 

Allan : J'étais un enfant hyper actif. Mes parents m'ont inscrit à des cours d'éveil aux percussions quand j'ai eu six ans. À huit ans j'ai choisi la batterie comme instrument principal et j'ai continué les cours jusqu'à mes dix-sept ans dans une petite école de musique, en campagne. J'ai aussi joué dans quelques formations jazz et musiques actuelles proposées par l'école de musique de mes onze ans à mes seize ans. En seconde, j'ai rejoint un groupe avec des amis lycéens qui s'est splitté après le bac. J'ai ensuite monté Djiin avec Johann à mes dix-neuf ans. 

Pourquoi avoir choisi Djiin et pas Djinn comme nom de groupe et quelle est la signification de ce mot ?

Allan (sur le reste de l'interview): Le nom “Djiin,” C’était une idée de Johan (ancien bassiste et guitariste du groupe) qui est très attaché à la culture Touareg et à la musique Gnawa. Selon certaines croyances et traditions sémitiques, les djinns sont des esprits bienveillants, malveillants, ou neutres qui ont la faculté d’être invisibles, d’apparaître où ils veulent et de prendre possession du corps des mortels. Ils ont aussi la particularité d’être attirés par la musique sous n’importe quelle forme et peuvent prendre possession des musiciens sur scène et du public. C’est cette idée de corps possédés et en transe qui nous a beaucoup plu et qu’on essaye de transmettre en concert. Par contre, nous avons choisi l’orthographe “Djiin” et non “Djinn” (qui est la véritable écriture du mot) pour une question de référencement google, d’esthétique graphique, et pour éviter de nous approprier une culture qui n’est pas la nôtre au quotidien et sur laquelle nous ne sommes pas assez informés à titres personnels. 

La performance live a l’air importante pour vous. En 2017, avant de sortir un premier album studio, vous en avez sorti deux enregistrés en live, pourquoi ce choix ?

Au début de Djiin, pendant au moins deux ans, notre démarche c’était vraiment de jouer le plus possible, partout, tout le temps. Chloé avait dix-sept ans, et Allan dix-neuf. On n’y connaissait rien sur le milieu musical et son fonctionnement. On arrivait dans un lieu en demandant si on pouvait venir y jouer et en décrivant notre musique, parfois même sans rien avoir à faire écouter au programmateur à part quelques démos mal enregistrées dans mon garage. Mais ça marchait. Et on faisait ça partout. Les bars, les mairies, les festivals locaux, les petites salles, MJC etc... On ne pensait pas du tout au studio. Nous, on voulait juste faire des concerts. Et puis un jour, sur un live, dans le cadre du Festival de l’Œil Glauque, à Rennes, on nous a proposé d’enregistrer en multipiste tout le concert et on s’est dit : “Ah oui, ce sera vraiment mieux que nos démos !”. On a donc sorti le “Live at FOG”. Nous avions aussi vécu cette situation pour le “Live à l’Etage”, un an plus tôt. 

Vous sortez donc votre premier album studio intitulé The Freak en 2019, en avez-vous eu de bon retour de la part des auditeurs et médias et que cela a-t-il changé pour vous ?

Les retours sur The Freak ont été très positifs et encourageants. Cet album est plus une sorte de compilation des morceaux que nous avons joués en live pendant des années avant de les enregistrer. La démarche était vraiment de poser ces titres sur l'album de manière à les fixer sur la forme et de façon durable. Depuis le temps que le groupe existait, on se devait de sortir un album studio. On ne s’attendait pas à autant d’engouement. C’est vraiment cet album qui nous a permis d’augmenter notre nombre de tournées et de partir plus loin et plus longtemps. On évitait le studio pour ne se consacrer qu’au live, et c’est un album studio qui nous a permis de faire du live jusqu’en Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Italie etc...

Vous êtes de retour avec un nouvel album intitulé Meandering Soul qui est apparemment un concept album. Racontez-nous, où avez-vous trouvé l’inspiration pour écrire les textes et comment s’est déroulé son processus de composition?

Pour “Meandering Soul”, on voulait vraiment composer un album concept, avec une histoire, une narration, différents personnages, une évolution, etc…  A l’inverse de “The Freak” où nous avions composé la musique au préalable, en jam, en reprenant des riffs en boucle, en collant les parties ensembles et où la voix de Chloé et ses textes se sont rajoutés ensuite, pour ”Meandering Soul”, Chloé a d’abord écrit les textes et toute l’histoire de l’album en puisant son inspiration de ses rêves, qu’elle transcrit ensuite sur papier, et nous avons, dans un deuxième temps, composé la musique en essayant d’illustrer au maximum le propos. Il y a plusieurs "leitmotiv", des transitions réfléchies, une ambiance choisie pour chaque morceau, un ordre et des arrangements dans le set qui correspondent bien aux événements racontés. La composition nous a pris du temps et nous sommes très heureux du résultat. 

Son artwork est vraiment beau. Qui l’a réalisé ? A-t-il une signification précise ?

C’est Flobath, un artiste Nantais, qui a réalisé l’artwork. Les textes de nos morceaux sont déjà très imagés et on voulait qu’il fixe une représentation de ces derniers dans son propre style. Les quatre scènes de l’artwork décrivent le déroulé de l’histoire racontée dans Meandering Soul.

Votre chanteuse Chloé est bluffante. Quelles sont les vocalistes qui l’ont inspiré ? Et comment travaille-t-elle sa voix ?

Janis Joplin fait partie des artistes qui l’ont beaucoup influencée quand elle était plus jeune et durant ses années d’apprentissage du chant avec Djiin. Dans ce lot d’artistes chanteurs il y a également Grace Slick (Jefferson Airplane) , Alison Mosshart (The Kills / The Dead Weather), Jim Morrison (The Doors), Elin Larsson (Blues Pills), Patti Smith… Le rapport entre sa voix et ces artistes, c’est le côté exutoire du chant, ce grain de folie que chacun exprime à sa manière, une profondeur des textes et une manière de les faire vibrer qui l’a beaucoup inspirée. Elle a notamment beaucoup lu les textes de Jim Morrison et cela l’a beaucoup aidé à s’inspirer pour l’écriture des textes de Djiin ainsi que pour le concept de l’album Meandering Soul. 

Dans le groupe elle joue aussi de la harpe électrique, a-t-il été difficile d'incorporer cet instrument dans votre musique ?

L’incorporation de la harpe s’est faite naturellement. Quand Chloé est rentrée dans le groupe en tant que chanteuse, elle nous a indiqué qu’elle était harpiste et on a voulu voir ce que ça donnait dans une formation rock, tout simplement. La harpe de Chloé est électrique. Il n’y a pas de caisse de résonance et l’instrument se branche sur un ampli. Aucun problème pour la sonoriser du coup. La harpe celtique électrique est constituée de cordes nylon avec micros piezzo ce qui lui donne un son proche de la guitare classique amplifiée lorsqu'elle est en son clair. Il y a certains moments où la harpe est enfouie dans la fuzz ce qui lui donne un son proche d'une guitare saturée. La principale contrainte de la harpe dans Djiin est que c’est un instrument diatonique, et étant donné qu’on aime changer de gammes dans un même morceau, Chloé doit se réaccorder régulièrement pendant qu’elle joue. 

Parlez-nous un peu de vos influences musicales et littéraires ?

Nos inspirations, c’est toujours compliqué car on a chacun des affinités pour des styles de musique différents. Lali adore la pop à la Beatles, le desert-rock et la funk. Chloé écoute beaucoup de blues, stoner psyché/doom et rock psyché 70’s. Tom est fan de prog 70’s, concepts albums et canterbury et moi (Allan) en ce moment je suis  à fond sur le post-punk/post-hardcore 90’s. Donc, pour que ce soit plus simple, voilà une liste non exhaustive de groupes que nous  validons tous : All Them Witches, King Gizzard and the Lizard Wizard, Slift, Kadavar, Electric Wizard, Kanaan, Gong, Egg, Black Sabbath, The Doors, Pink Floyd, Sleep, Black Midi, Fuzz, The Black Angels, Kikagaku Moyo, Acid Dad, Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs, Green Lung, Church of the Cosmic Skull, Elder, Lowrider, OM, Korto...

Pour les influences littéraires, on est tous assez branchés SF, Post-apo, Fantastique, BD, comics etc...  et ça nous oriente vers l’imagerie Stoner, Psychédélique et Krautrock : les grands espaces, le désert aride, les forêts vierges, la voie lactée. Globalement, tout nous ramène quand même à la musique finalement.

A la fin de l’été vous avez sorti Black Circus votre premier single sous forme de clip vidéo. Qui en est le réalisateur ? Et comment s’est passé le tournage ?

C’est Maureen Piercy, réalisatrice, photographe, vidéaste, monteuse et illustratrice qui s’est occupée du clip de Black Circus (réalisation, édition, montage). Petite Anecdote : lors du tournage qui avait lieu dans un bois, proche de la forêt de Paimpont en Bretagne, la maire de Paimpont, puis ensuite la police, ont débarqués croyant que nous organisions un début de Teuf/Rave party (à cause de la file de voiture sur le bord de route). Ils ont été assez gênés et surpris en voyant les "figurantes sorcières" du clip seins nus et peinturlurés sur tout le corps et ils sont très vite repartis.

Comptez-vous en réaliser d’autres ? Si oui lesquelles ?

Nous avons sorti le clip de “The Void” depuis, toujours réalisé par Maureen Piercy, et nous avons un autre clip pour le titre “Red Desert” qui a déjà été tourné cet été et qui sortira début janvier 2022.

Difficile de ne pas aborder le sujet crise sanitaire. Est-ce que cela a été une période créative pour vous et comment vous êtes-vous adapté à la situation ?

Avant même le covid, nous avions déjà commencé à composer de nouveaux morceaux d’une manière différente de ce que nous avions l’habitude de faire. Les différents confinements et l’annulation des concerts et des tournées les uns après les autres nous ont poussé à continuer dans cette nouvelle direction. Quand on a beaucoup de temps, on prend plus son temps. Ainsi, pour “Meandering Soul”, on a vraiment voulu composer un album concept, avec une histoire, une narration, différents personnages, une évolution, etc…

Quels sont les plans à venir pour vous ?

Nous serons au Marquis de Sade à Rennes le 10 décembre 2021 pour défendre ce nouvel album dans notre ville natale. Pour le reste, nous ne pouvons pas encore trop vous en dire mais nous préparons de chouettes choses (notamment une tournée aux côtés du groupe Wormsand au printemps 2022 et quelques festivals cet été)

Merci de nous avoir accordé cette interview, je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…

Nous vous souhaitons à tous de prendre du plaisir à découvrir cet album dont nous sommes fiers et sur lequel nous avons dépensé énormément de temps et d’énergie. L’album est disponible sur le merch de notre bandcamp en format CD digipack + livret et en format vinyl (limited band edition) + livret. Pour la suite, suivez-nous sur les réseaux et nous vous dévoilerons prochainement ce à quoi vous devez vous attendre pour cette fin d’année 2021 et début 2022. C’est grâce à vous qu’on peut et qu’on va continuer à jouer de la musique, notre musique, celle qui vient de nos tripes. Alors on ne peut vous demander qu’une chose : Venez en concert! Remplissez les salles, les clubs, les cafés concerts ! Retournez danser sur de la musique live! C’est ce qui nous permet à tous de continuer. On vous aime.

Venez donc discuter de cette interview sur notre forum !