Groupe:

No One Is Innocent

Date:

19 Juin 2016

Interviewer:

Didier

Interview Shanka et Kemar (face à face)

Salut les No One. Alors ce Hellfest ? Comment ça s’est passé pour vous ?

Shanka : Ecoute je crois que ça c'est très bien passé. La foule était présente et on a bien assuré. On avait préparé une setlist spécifique, et je pense qu'elle a bien fonctionné. On est resté très soudés, bien en place.

Sympa ce petit Motörhead. Finalement, il n'y en a pas eu tant que ça pendant le week-end...

Kemar : Oui c'est étrange. Mais quand tu as fait cinq ou six gigs avec Motörhead, et que Motörhead fait partie de ton éducation musicale, t'as envie de reprendre un morceau. En plus on a choisi "We Are The Road Crew" qui est un vrai morceau collectif, c'est Lemmy qui parle de lui de ses techos, de tout le monde, et nous ça nous correspond bien

On peut dire que vous avez été présents sur de sacrés événements cette année, avec notamment votre prestation en première partie de AC/DC pour les deux soirées du Stade de France. Comment se sont passées ces deux dates ?

Kemar : C'était génial. Tu parles ! AC/DC, ce sont des héros de notre jeunesse. C'était incroyable de voir le monde qui se déplace pour un concert d'AC/DC. Ils arrivent à faire deux stades de France, c'est impressionnant. On était bien sûr ravis de pouvoir jouer devant des fans aussi fidèles. T'as qu'à juste voir quand Angus fait son solo, sur "Let There Be Rock" et qu'il s'arrête et tend l'oreille, t'as tout le stade de France qui lui répond. C'est dingue !

Avez-vous eu des contacts avec les membres d’AC/DC ?

Kemar : Non malheureusement

Que pensez-vous de la polémique sur Axel Rose ?

Shanka : Je trouve que c'est injuste et que les gens ont été très durs avec lui. On le connait depuis le tout début, avant que le groupe s'appelle Guns 'n' Roses, et OK c'est peut-être devenu un peu une diva mais c'est un sacré bon chanteur, en plus il est fan absolu de AC/DC, et surtout de l'époque Bon Scott. Il n'a pas eu de bol, en plus de se péter le pied. Le pauvre Angus a dû s'arracher les cheveux

No One a aussi pas mal changé de line-up. Penses-tu que les musiciens s’adaptent au style du groupe en le rejoignant, ou bien l’inverse ?

Shanka : Bonne question. Les deux, je pense. Quand tu rejoins un groupe, tu te fonds dans une sorte d'être vivant, de bête, donc tu changes. Mais tu apportes aussi tes idées donc tu influes aussi sur cette bête qui évolue en permanence...

Revenons sur votre actualité, vous avez sorti un double CD/DVD Live "Barricades", qui est juste une tuerie. C’est votre second DVD en fait ?

Shanka : Merci. Oui on avait déjà sorti un DVD en 2005 mais celui-là est un sacré bel objet. Notre label, pourtant un petit label [NDLR: Verycords] a fait un super boulot. C'est un gros package qui s'ouvre en quatre, avec les deux CD, le DVD et même un livret... Non vraiment c'est un super objet, et on en est très fier !

Comment avez-vous vécu cette date seulement deux semaines après le carnage du Bataclan ?

Kemar : C'était l'enfer. La Cigale, ce soir-là, devait être l'endroit le plus sûr du monde. Police, armée, ça a été compliqué, très compliqué. Du coup tout le monde était là pour se défouler. Sur scène et dans la salle. Fallait que ça sorte, toute cette horreur, cette frustration. C'était aussi l'envie de dire non et de résister

Auriez-vous pensé que les textes comme ceux de "Djihad Propaganda" pouvaient autant coller à l’actualité au moment où ils ont été écrits ?

Shanka : Pfff c'est dingue, on nous a traité de démagos à nos début, et maintenant on nous traite de groupe prophétique...

Avez-vous une appréhension aujourd’hui quand vous êtes sur scène ?

Kemar : Non. Tu ne peux pas. Il ne faut pas.

Vos textes sont toujours très engagés, n’avez-vous jamais peur de vous mettre à dos des groupes dangereux et subir des représailles ?

Kemar : Non, mais tu sais, nous c'est rien, il y a des gens qui prennent beaucoup plus de risques que nous. Des gens sur le terrain, en Afghanistan, au Mali ou ailleurs...

Vous avez pas mal de guests sur ce DVD, tu peux nous en dire un mot ?

Kemar : Oui, en effet, on a fait venir Fred Mariolle, un de nos super potes, qui avait travaillé avec nous au début de "Propaganda". Fred de Tagada Jones qui nous a fait l'honneur de venir chanter sur "Charlie". Nikko Bonnière, le guitariste d'Eiffel qui est un super pote qui a aussi joué avec No One. On a eu Yann Coste, notre ancien batteur, et puis Fred Duquesne, l'américain, notre réalisateur, qui nous sublimé Propaganda.

Petit question technique, on le voit sur plusieurs morceaux, Shanka gueule dans le corps de sa guitare pour produire une voix type talkbox. Comment ça marche ce truc ? Tu l'as fabriqué toi même ?

Shanka : Non j'en serais bien incapable. Je travaille avec un luthier qui s'appelle Laurent Hassoun, sa marque s'appelle Roadrunner Guitars, du côté de Nancy. On avait déjà travaillé sur plusieurs instruments, et avant je criais dans les micros de la guitare, mais il fallait vraiment hurler pour entendre quelque chose. Je me suis dit que j'allais finir par m'éclater les cordes vocales, et donc on a conçu ce truc. On a mis une petite cellule de micro d'harmonica dans la corne supérieure de la guitare, avec un switch et je peux chanter dedans, mais ça passe quand même par l'ampli. Ca fait une voix distordue.

Je l’avoue j’ai vraiment découvert le groupe avec "Progaganda". J’ai pris une claque. Pensez- vous que, comme moi, d’autres ne vous ont découvert qu'avec cet album monstrueux ?

Shanka : Oui je pense qu'il y a eu un vrai renouveau du public, et ça a fait boule de neige.

Comment aujourd’hui composer pour l’après "Propaganda" ? L’actualité continue-t-elle de nourrir votre inspiration (Tuerie d’Orlando, assassinats de policiers, hooliganisme...)

Kemar : Ouais mais c'est ça le challenge dans No One, on va pas réécrire maintenant sur le Djihad. Il faut le repenser différemment. C'est comme pour "Putain Si Ca Revient", un morceau de "Propaganda" sur la dérive d'un mec vers les idées FN. On en a pas fait douze mille des morceaux sur le FN mais, à un moment donné, il faut savoir être malin, pour que à la fois la musique et le texte te fasse penser à quelque chose de vraiment différent. Et puis en fait c'est pas trop les textes qui viennent en premier chez nous, c'est la musique

Shanka : C'est l'ambiance du morceau qui va déterminer un peu le sujet en fait...

Vous n’avez pas peur du syndrome de la page vide ? Surtout après le succès de "Propaganda" et de son live ?

Shanka : Non. Tu sais, composer, c'est comme une maladie à un moment. Tu t'arrêtes jamais. On ne sait pas si on fera mieux mais la suite arrivera

Kemar : On a déjà commencé à composer des trucs.

Arrivez-vous à tourner à l’étranger non francophone pour la promo de "Propaganda" ?

Shanka : Pas vraiment. On a été en Belgique, mais on va essayer de voir avec notre tourneur pour aller au Québec.

Dans le reportage sur "Rammstein in America", ils disaient que c’était le seul groupe étranger à tourner aux US dans sa langue natale. Pensez-vous tourner un jour aux US ?

Shanka : Génial ce documentaire.

Kemar : Je ne sais. Faut voir. Même si t'as des étrangers dans un festival comme le Hellfest, c'est pas eux qui décident. Ca ne suffit pas d'avoir quelques milliers de gens qui t'écoutent et qui t'aiment, il faut des gens autour de toi, qui tapent du poing sur la table et qui disent ok, on y va. C'est malheureusement toujours des histoires de thunes et les choses ne se font pas. Donc le Canada reste plus crédible, ou bien d'autres festivals à l'étranger. Ca c'est possible, on l'a déjà fait dans l'histoire de No One, mais pas récemment. C'est surtout une question de réseau.

D’autres choses dans votre actualité ?

Shanka : Là, on tourne en France jusqu'à fin novembre. Après ça on rentrera dans une phase de composition...

Vous arrivez à composer sur la route ?

Shanka : Non c'est carrément impossible. On fait l'équivalent d'un match de foot par concert, après on va pas se mettre à écrire

Kemar : Après un concert t'es vidé, t'as plus le physique et le mental. Avec ce qu'on donne sur scène, après un concert, on a besoin de redescendre. Et quand tu fais quatre ou cinq dates par semaine, t'as le cerveau qui ne répond plus, donc impossible pour moi d'écrire une seule ligne.

Shanka : C'est très compliqué d'être créatif quand t'es en phase de tournée où t'arrêtes pas, t'es jamais au même endroit, c'est une course permanente. Il y en a qui y arrivent... mais ils ont des tour bus !

Kemar: Même avec un tour bus, c'est pas les bons lieux ni les bonnes conditions pour sortir un bon riff. Nous, on a besoin d'être apaisés en tout cas.

Merci, je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…

En choeur: Hellfeeeeeeessst !