Groupe:

Myrath

Date:

23 Février 2016

Interviewer:

Blaster Of Muppets

Interview Elyes Bouchoucha (face à face)

Bonjour Elyes. Merci de répondre à quelques questions pour le webzine auxportesdumetal.com.

Merci à toi.

Vous voilà enfin de retour avec ce tout nouvel album appelé "Legacy"… on l’a sacrément attendu, celui-là. Plus de quatre ans se sont écoulés depuis la sortie de "Tales Of The Sands". Pourquoi a-t-il pris autant de retard ?

Il y a eu trois événements qui ont fait que la sortie a été décalée. Déjà, on a énormément tourné pour l’album "Tales Of The Sands…" ça nous a pris quasiment trois ans et demi. On fait plein de dates partout dans le monde, on a fait l’Inde, les Etats-Unis, Dubaï, l’Europe… on n’a pas arrêté. Il y a eu aussi le décès du papa de Malek qui était également notre manager. Pour nous, ça a été un événement majeur et tragique… ce n’était évidemment pas qu’un simple manager à nos yeux, c’était le père de Malek mais il était comme un père pour nous autres aussi. C’est lui qui nous a donné la chance et les moyens de faire du metal en Tunisie. On peut jouer du metal en Tunisie, bien sûr, mais il n’y a aucun soutien, aucune structure qui aide les jeunes dans ce sens. C’est lui qui a créé notre environnement. Il avait transformé la chambre de Malek en petit studio pour qu’on puisse répéter. A l’époque, on jouait des reprises de Symphony X… La troisième chose, ça a été la révolution en Tunisie dont tu as forcément entendu parler. Et ça nous a bloqués… parce qu’il y avait un couvre-feu et qu’il nous a fallu sortir, la nuit, sans faire de bruit, pour aller en studio enregistrer les violons ou autres orchestrations. On avait déjà dû le faire pour "Tales Of The Sands" et on a dû le refaire pour "Legacy"… et on est toujours vivants !

Est-ce que tu as le sentiment que tout le temps passé à tourner pour "Tales Of The Sands" a porté ses fruits et sens-tu la montée de la notoriété de Myrath ?

Je reçois pas mal d’offres pour faire des dates partout dans le monde, car je suis le manager du groupe maintenant, ce qui veut dire que la voix de Myrath a été bien entendue… et ça fait plaisir car ça veut dire que le groupe est en train de monter. Certes, on est encore un jeune groupe et on continue d’apprendre mais on franchit les étapes… les choses changent, c’est encourageant.

Comment avez-vous réussi à tourner autant et mener vos vies personnelles, gérer vos engagements professionnels hors musique, etc ?

En ce qui me concerne, c’est du pur hasard mais j’ai vraiment été chanceux… A chaque fois qu’il y a eu des tournées, des dates à faire, c’est tombé pile poil pendant les vacances scolaires. C’est très bien car je suis musicologue, j’étudie à la Sorbonne et je suis aussi enseignant, j’enseigne la musique en collège… Du coup, je travaille à mi-temps pour l’éducation nationale et le reste du temps, je m’occupe de Myrath.

Revenons à votre nouvel album. Je l’aime beaucoup et je trouve qu’il apporte vraiment quelque chose de plus par rapport à l’album précédent. On sent que vous avez beaucoup travaillé pour qu’il ne soit pas une réplique de "Tales Of The Sands".

Oui, exactement. C’est aussi pour cela qu’on a mis plus de temps à le sortir. Au début, nous nous sommes demandés ce qu’on allait faire. La même chose que "Tales Of The Sands" ? Peut-être que ça ferait plaisir aux fans… mais à nous, non. Chez Myrath, on ne veut pas stagner. Avec "Legacy", on a plus cherché des sensations, à retranscrire en musique des événements qui nous avaient touchés ou bouleversés plutôt que d’appliquer des théories. C’est un album très honnête et spontané.

Avez-vous le sentiment que "Legacy" dévoile davantage la véritable personnalité de Myrath ?

Tout à fait. Je pense que Legacy est bien plus personnel que nos premiers albums. Le groupe se cherche moins maintenant. On a commencé jeune et comme beaucoup de groupes, on a démarré en faisant des reprises… Du coup, sur les premiers albums, tu as des compos qui sonnent un peu comme du Symphony X, par exemple… et c’est un honneur pour nous d’être comparés à des dieux du prog metal, je le précise… mais c’est vrai qu’en grandissant, tu commences à mieux te connaître et à développer tes propres idées, tu mûris aussi.

"Legacy" est plus chargé en orchestrations et arrangements que les disques précédents. Vu que tu es le claviériste et celui qui s’occupe de la composition des parties orchestrales, ça a dû te donner beaucoup plus de travail…

Oui, il y a d’ailleurs une anecdote à ce sujet. Elle concerne l’enregistrement avec l’orchestre symphonique de Tunis. Imagine, il y avait le couvre-feu… le propriétaire du studio avait peur… il m’a appelé et m’a dit « je te donne quatre jours pour tout enregistrer, mais tu commences dans quatre jours ». Je n’avais pas commencé à écrire les orchestrations !! J’ai dû tout écrire en quatre jours et on a enchaîné directement avec l’enregistrement.

L’album se distingue des autres sorties power prog car vous utilisez beaucoup d’instruments traditionnels aussi, on trouve une touche orientale encore plus présente avec des arrangements qui m’ont aussi rappelé les derniers albums d’Orphaned Land, bien que vos origines et musiques soient différentes…

Oui, on a des percussions, le luth tunisien, une sorte de cornemuse tunisienne aussi… Nous sommes de la Tunisie, c’est notre propre culture, c’est important pour nous. C’est notre identité, on n’est pas un groupe européen qui veut faire du metal avec des touches orientales, tu vois. Même au niveau des paroles, sur certains morceaux, ce n’est pas de l’arabe, c’est du tunisien. Les gammes, les sonorités, ça vient de Tunisie. Et comme tu parles d’Orphaned Land, on les aime beaucoup, on a tourné avec eux, on est super potes et tout, mais il ne faut pas oublier que le premier groupe à enregistrer avec un orchestre arabe, c’est nous. Bien sûr, il y a eu Jimmy Page et Robert Plant… mais après, c’est nous, avec "Tales Of The Sands". C’était avant qu’Orphaned Land ne fasse "All Is One".

Le chant de Zaher a évolué aussi. Moins heavy, encore plus mélodique avec des choses qui sonnent nettement plus nord-africaines…

Tout à fait. Zaher ne voulait pas tant ressembler à ses idoles sur cet album. Il adore Iron Maiden, Symphony X, Dio, des trucs comme ça… mais il voulait laisser sa propre empreinte. Il a chanté cet album avec son cœur et c’est clair que ça sonne encore plus personnel qu’avant. Cet album a une vraie valeur émotionnelle, quand on joue les chansons, il y a vraiment quelque chose qui se passe pour nous, tout un film qui se déroule, ça nous rappelle des histoires, des anecdotes… ça a aidé Zaher à trouver sa propre voix aussi.

Tout en étant assez homogène et cohérent, "Legacy" est un album qui évite les répétitions, il y a une évolution de la première à la dernière piste qui le rend intéressant…

On voulait vraiment éviter que quelqu’un écoute l’album, les trois premières chansons, et qu’après, il se dise : "ça se ressemble, ça se ressemble"… qu’il ait une idée toute faite de l’album au bout de quelques pistes. C’était très important pour nous que l’album soit un peu comme un voyage, comme une aventure. Je suis content que tu l’aies remarqué.

Là, vous ouvrez pour Symphony X et c’est la première fois que vous pouvez proposez des extraits de votre nouveau travail au public. A-t-il été difficile de sélectionner une poignée d’extraits qui seraient la vitrine de "Legacy" sur cette tournée ?

Ouais, surtout quand on a un set de moins de trente minutes…

Moins de trente minutes ? Mais vous êtes le deuxième groupe sur l’affiche, c’est étonnamment court. Cette décision vient du manager de Symphony X ?

Ouais, c’est trente minutes et on n’a pas le droit de faire de soundcheck. Les gars de Symphony X sont très gentils, on est en contact avec eux, ce sont eux qui ont demandé à ce qu’on fasse la tournée avec eux… mais c’est le tour manager qui a voulu ça. Je ne me plains pas, ça reste un grand plaisir et un grand honneur pour nous. Mais oui, c’est comme ça.

Pour en revenir à votre approche de la musique, comment le mélange des genres (metal et musique orientale) s’est-il opéré ?

C’est lié à la famille dans laquelle j’ai grandi. Ma mère écoute de la musique orientale, mon père est plus un rockeur… J’ai donc été bercé par les musiques de deux mondes. Et c’était pareil pour Zaher, Malek… Quand nous nous sommes rencontrés, on a commencé à faire des reprises de groupes européens, occidentaux, mais après on s’est dit qu’on aimerait bien faire des mélanges des différentes musiques qu’on aimait. Voilà, ça a donné Myrath. On a eu des doutes au début, quand on a commencé à écrire nos propres compos. Mais après, Kevin Codfert, notre producteur et qui est vraiment le sixième membre du groupe, nous a vraiment poussés dans ce sens-là, à en mettre encore plus. Lui qui est européen trouvait intéressant qu’on mette en avant nos origines, nos arrangements dans notre musique. Nous, on ne savait pas top, on se demandait si le fait de trop mettre de sonorités tunisiennes dans nos compos n’allait pas nous faire passer pour un groupe un peu kitsch. Kevin a eu un rôle très très important à ce niveau-là.

On nous fait signe qu’on n’a pas plus vraiment de temps, je vais donc te laisser conclure :

Ok… alors, merci beaucoup pour l’interview, déjà. On espère vous retrouver d’ici la fin de l’année car on devrait avoir une tournée en tête d’affiche. Ce sera annoncé prochainement sur notre Facebook et notre site web. N’hésitez pas à nous contacter. Bon visionnage du clip "Believer" aussi… et un grand merci à nos fans. C’est grâce à eux qu’on a pu payer pas mal des dettes du clip. On voulait 10.000 € et on a eu 12, presque 13.000… on a énormément de chance d’avoir des fans qui nous soutiennent comme ça. C’est grâce à eux que Myrath existe.