Groupe:

Moonsorrow

Date:

01 Janvier 2015

Interviewer:

fimbultyr

Interview Ville Seponpoika Sorvali / Mitja Harvilahti

Bonjour, merci d’accorder une interview pour Auxportesdumetal.com. D’abord pouvez-vous vous présenter, vous et votre groupe ?

Ville : Je suis Ville de Moonsorrow. Je joue la basse et je chante chez Moonsorrow.

Mitja : Je suis Mitja et je joue de la guitare chez Moonsorrow.

Donc, à propos de votre dernier album, "Varjoina Kuljemme Kuolleiden Maassa". Le concept est centré sur la vie après la fin du monde. Comment cette idée vous est-elle venue ?

Ville : Elle est venue à Henri, le compositeur. Il a eu une idée en voyant des photos de Tchernobyl, et il a commencé à penser à une histoire qu’on pourrait faire avec Moonsorrow. On avait déjà un album, notre avant dernier, qui finissait avec la fin du monde. Donc on a pensé qu’on pouvait continuer un petit peu l’histoire.

C’était déjà prévu quand vous l’aviez écrit ?

Ville : Ce n’était pas intentionnel à ce point, et ce ne sont pas des histoires liées. Sur l’album précédent il y avait une chanson qui parlait de la fin du monde, et on voulait décrire comment ce serait après ça. Mais ce n’est pas vraiment connecté…

Quand Moonsorrow s’est formé il y a 20 ans, pensiez-vous arriver à ce niveau de succès ?

Ville : Vingt ans… Je suis vieux ! On n’a rien pensé en fait. On voulait juste créer de la musique. Notre but principal était de signer pour un album et de faire des concerts. On a signé le deal en 1999 et notre premier concert en 2000, et tout ce qui est arrivé après n’était pas vraiment planifié.

Mitja : Exactement, on n’a jamais visé quoi que ce soit. On veut jouer dans le monde entier et jouer notre musique. Tout le reste n’est arrivé que parce que les gens aiment ce qu’on fait et qu’il y a une demande pour notre musique.

Ville : Il y a deux jours, pendant que nous jouions à York, je me suis pris à penser : C’est vraiment étrange. C’était après une partie parlée. Je parlais finnois au public et quand j’ai fini, je me suis dit que c’était carrément absurde. Je veux dire, en Angleterre, je parlais finnois à des gens qui ne le comprennent pas et ils semblaient l’apprécier… C’est vraiment incroyable qu’on soit arrivé aussi loin.

Comment définiriez-vous votre style musical ?

Ville : Epic Pagan Metal. Je ne sais pas trop comment le définir. Ca a tellement d’éléments différents, du Black Metal, du Rock Progressif et de la musique Folk bien sûr. Je ne pourrai pas le définir exactement. Peut-être en demandant à Mitja !

Mitja : Oh Non ! Tu as déjà tout dit !

Ville : On a toujours voulu faire une musique qui nous ressemble. On n’a jamais intentionnellement voulu faire de la musique qui sonne comme personne d’autres, on voulait simplement faire quelque chose de personnel.

Vos chansons sont habituellement très longue, vous n’aimez pas les chansons courtes ?

Ville : On n’arrive pas à les faire.

Mitja : C’est très difficile, quand tu écris des chansons de quinze minutes ou plus, de revenir à des chansons de cinq à huit minutes. L’état d’esprit entier est différent, et on s’habitue à des structures plus lentes. C’est très différent des musiques en trois, quatre ou cinq parties. C’est devenu très dur pour nous de faire des chansons plus courtes.

Ville : notre façon de composer est plus proche de la musique classique que du punk-rock je dirai, parce que les chansons ont une structure plus classique. Ce n’est pas juste A, B, A, B…

Comment composez-vous vos chansons ? Quel est le processus ?

Mitja : On ne procède pas toujours de la même façon. D’habitude, chacun peut envoyer ses idées, et c’est Henri qui assemble le tout, toujours. Donc on lui envoie des idées ou des riffs, ou alors on va chez lui pour montrer ce qu’on a. Parfois il fait tout seul quand il a une idée qui lui plait. Il utilise l’ordinateur. D’habitude, on ne va jamais en répétition, jusqu’à ce qu’on aille en studio. Mais les choses sont faites à son home studio, toujours. Le procédé est que l’on peut être impliqué, mais parfois Henri compose seul, avec peu ou prou d’apports de notre part. Mais on en discute sans cesse, au téléphone ou chez lui. C’est un peu différent de la plupart des groupes.

Ville : Sur les six albums que nous avons faits, nous avons jammé un seul riff en répétition. Nous y avons testé un seul riff. C’est comme ça que nous travaillons. C’était le riff d’intro de "Pimeä". Tout le reste se passe sur l’ordinateur.

Vous avez signé chez Century Media en 2012, tout va bien de ce côté ?

Ville : Eh bien, nous ne leur avons toujours pas fait d'album pour le moment. Je pense que ça va bien. On a signé avec eux parce qu’ils étaient vraiment intéressés par notre musique, pas juste le business. Du moins c’est ce qu’on pense. Ils ont l’air de bonnes et honnêtes personnes et surtout des passionnés. Ils travaillent pour un label parce qu’ils aiment la musique, et c’est comme ça que j’aime les choses. Bien sûr, c’est un business, mais il faut aimer ce qu’on vend.

Mitja : Bien entendu, ils attendent encore qu’on finisse l’album ; Ça prend du temps, comme toujours. Ils doivent comprendre qu’on ne sortira l’album que quand nous en serons satisfaits. On avait déjà pas mal de chansons prêtes, mais on les a éliminées à un moment et on a tout recommencé, il y a environ un an.

Qu’est-ce que vous pouvez nous dire du nouvel album ?

Mitja : C’est différent de ce qu’on a fait avant. Ce coup-ci, on a des chansons un petit peu plus courtes. Un petit peu, pas beaucoup. Il y a énormément d’éléments différents cette fois. L’album précédent était très produit et uni ; cette fois, beaucoup de choses se passent dans la musique.

La plupart de vos albums doivent être écoutés sans interruption pour être parfaitement appréciés. Sera-ce différent cette fois ?

Mitja : C’est quelque chose qu’on ne peut pas dire pour le moment. Ça pourrait être plus facile à écouter cette fois, on pourra écouter les chansons séparément parce qu’elles sont assez différentes les unes des autres. On verra quand ce sera prêt, si c’est un concept album ou non.

J’imagine que vous ne pouvez pas nous donner de dates pour le moment ?

Ville : Non, pas encore. Je dirai d’ici environ un an.

Très bien. Qu’est-ce qui vous attire le plus dans le Pagan Black Metal ?

Ville : C’était très différent quand on a commencé. Par exemple, il n’y avait rien qui s’appelait Folk Metal. Les gens ne savaient pas comment nous étiqueter, nous ou Finntroll, Ensiferum ou Turisas, qui étions les groupes finlandais qui faisions le « même » genre de trucs. Les gens n’appelaient pas Folk Metal à l’époque. C’était censé être nouveau. Ce n’était pas si nouveau que ça en y repensant, il y avait déjà des groupes comme Skyclad par exemple qui faisaient du Folk Metal des années avant nous.

Mitja : Le Black Metal était très intéressant quand nous commencions à l’écouter, au début des années 90. C’était tellement différent du reste ! Les paroles bien sûr, tout le satanisme et le paganisme étaient très intéressant. Aussi, musicalement c’était très différent : Ça pouvait être extrêmement brutal avec des choses calmes et ambient. De très bons groupes comme Emperor m’ont fait découvrir l’usage des claviers. Darkthrone aussi.

Ville : Oui, le Black Metal était très intéressant parce que je suis persuadé qu’ils ne savaient pas exactement ce qu’ils faisaient, mais qu’ils faisaient ce qui leur semblait bien. On pouvait avoir un album cru de Darkthrone, où tout était enregistré en une prise et très dense, avec des chansons très agressives et tout d’un coup, un album acoustique. Ils expérimentaient juste des choses et ça, c’est ça qui est intéressant. Bien sûr, nous avons commencé en copiant les groupes que nous aimions le plus, mais on a essayé de faire des choses bien et d’expérimenter nos propres trucs. Notre premier album ressemblait pas mal à Enslaved mais on a évolué avec le temps, et trouvé notre propre son.

Que pensez-vous de la popularité grandissante du Folk et Pagan Metal ?

Mitja : Ce n’est pas une surprise, car c’est un des derniers nouveaux genres de Metal et si tu utilises sagement tes instruments, ça peut être extrêmement intéressant, très catchy. Donc oui, ça a beaucoup grandi ces dix dernières années. Je n’en écoute pas trop, je n’écoute pas trop de jeunes groupes... Je n’ai aucune idée de ce qui se passe en ce moment. Je devrais faire plus attention mais je vois comment ça a commencé. Par exemple pour Finntroll et Turisas, ils sont plutôt différents mais assez catchy dans leurs propres styles.

Ville : Il y a beaucoup d’influences que l’on peut tirer de toutes les formes de musique Folk. Moi non plus, je n’en écoute que peu, je ne sais pas trop comment c’est de nos jours. J’écoute plus de Folk/Rock. Je trouve ça plus intéressant que des cornemuses combinées à des guitares distordues.

Donc il n’y a pas de « jeunes » groupes que vous appréciez ?

Ville : Il y a des groupes que j’aime beaucoup, mais bien sûr je n’arrive pas à me souvenir de leurs noms maintenant… Je suis devenu vieux et fainéant et j’écoute surtout mes vieux trucs, ce que j’ai acheté quand j’avais quinze ans. Ils ont toujours une place spéciale dans cœur. La majeure partie consiste en du Black Metal Norvégien, mais aussi du rock progressif. Je ne saurai dire quel nouveau groupe a attiré mon attention.

Mitja : Pour moi il s’agirait d’un jeune groupe finlandais de Thrash Metal appelé Forced Kill. Je les ai beaucoup aimés. Il y a plein de groupes qui font du Thrash Metal à la sauce années 80 de nos jours, mais ces gars sont vraiment bons.

Ville : Il y a beaucoup de jeunes groupes très intéressants en Finlande de nos jours, de très jeunes gens qui ont à peine 18 ans. Ils jouent tellement bien et composent tellement bien que c’en est ahurissant, parce que je ne pouvais rien faire à leur âge. Je m’exerçais à jouer de la basse, parce que tout le monde voulait que je joue de la basse dans Moonsorrow. C’est la vérité, je ne la cache pas.

Pouvez-vous me parler de la scène Metal dans votre pays ?

Mitja : Eh bien, la Finlande est devenue vraiment vraiment grosse en tant que pays Metal, mais de nos jours ça baisse un peu. On a peu de nouveaux groupes à succès. Je pense que ces temps-ci, Le Folk est ailleurs qu’en Finlande. On a toujours les mêmes vieux groupes qu’on avait il y a dix ans, Children Of Bodom et tout... Mais je pense que le Metal a un peu chuté. A un moment, on avait plein de bars Metal, mais il y en a de moins en moins.

Ville : Et on ne va pas dans ce genre d’endroit parce qu’on n’aime pas écouter de Metal quand on boit de la bière ! Enfin si, on aime écouter du Metal quand on boit de la bière, mais pas à un volume assourdissant.

Quelle est la chose la plus étrange qui vous soit arrivée en tournée ?

Ville : Il y en a plein !

Mitja : Il y en a tellement ! Il y a des choses très drôles et d’autres vraiment horribles. Comme des gens qui se font tuer. On a assisté à des tirs de très près. Hier, je me suis rappelé une histoire très drôle qui m’est arrivée aux Pays-Bas. C’était quelques heures avant un concert, et je me suis baladé. J’ai vu une grande cathédrale, donc je suis rentré dedans, alors qu’ils étaient en train de fermer. Je me suis dit que j’aurais le temps de visiter un peu, voire les catacombes et tout. J’y suis donc allé. C’était un endroit d’un sombre absolu. Donc j’étais en train de chercher mon chemin avec mes mains, et c’était tellement silencieux que je commençais à entendre mes propres battements de cœur. Après un certain temps, je trouve le panneau exit, du coup je remonte et je me promène de ci de là dans la cathédrale vide. Il n’y a personne. Je vois un ascenseur qui m’a amené tout en haut de la cathédrale. De là j’ai regardé la vue pendant un certain temps, puis je me suis dit que c’était le moment de rentrer, parce que j’étais vraiment très en retard. Du coup, j’appuie sur le bouton pour descendre et rien ne se passe. J’étais juste bloqué là, à cent mètres du sol, qu’est-ce que j’étais sensé faire ? J’utilise l’interphone d’urgence, appele un type et je lui explique que j’étais bloqué, et qu’il fallait me faire descendre. Le mec était très énervé ; il m’a dit « Je viens de quitter cette putain de cathédrale il y a 15 minutes ! » Il est donc venu me délivrer. Après ça, je me suis perdu dans les rues. J’étais déjà très très en retard et heureusement j’ai trouvé un SDF super sympa qui m’a aidé à trouver mon chemin. Du coup, je lui ai offert un repas, parce qu’il était cool et qu’il m’avait aidé. C’était une journée très étrange… On a été en tournée pendant tellement d’années que si tu regardes le film "Spinal Tap", tous les trucs qui arrivent dans le film nous sont arrivés.

Ville : Il y a tellement d’histoires stupides… Une des pires est une histoire qui m’est arrivée aux US. On venait de sortir d’un bar et j’ai vu un arbre. Je me suis dit que vu que j’étais bourré comme un singe, autant agir comme un singe, et j’ai grimpé à l’arbre. Je me suis ramassé et je me suis cogné la tête vraiment fort. J’ai eu de grosses migraines pendant les deux jours suivants. Mitja était très en colère. Le tourman aussi était très en colère, Il disait que j’aurai pu me tuer, et qu’aucun de nous n’aurait de boulot. J’étais fort piteux. Je n’ai jamais fait de choses aussi stupides depuis, je ne veux pas me tuer ! Je veux encore vire trente-cinq autres années !

Les tournées de Moonsorrow sont rares. Quelle est la raison ?

Mitja : Tout d’abord, le temps durant lequel on peut être en tournée est limité, parce que les gens ont des familles et des emplois… Parfois caser cinq personnes dans un même emploi du temps est assez difficile. On n’a pas fait de tournée digne de ce nom en Europe depuis des années.

Ville : On n’a eu qu’une seule année avec deux tournées. Toutes les autres années il n’y a eu qu’une voire pas de tournée.

Mitja : On aime aussi tourner en Amérique, ainsi que des plus petites tournées ailleurs, comme en Chine et au Japon. Donc on doit trouver du temps pour tout ça et c’est compliqué.

Ville : J’aimerai pouvoir tourner 250 jours par an, si ça payait mes factures !

C’est très différent de tourner dans des pays comme la Chine ?

Mitja : Tu sais, dans les tournées européennes, tout est bien organisé. En Chine c’est très différent : tu ne sais rien sur rien. Si tu as une bonne équipe tout va très bien, on n’a jamais eu de problèmes. C’est intéressant de tourner dans des pays ou relativement peu de groupes passent.

Ville : La Chine change tout le temps, très vite. Le gros problème est la communication : pas grand-monde parle anglais là-bas.

Un dernier mot pour vos fans français ?

Mitja : Oh oui ! Les concerts en France nous manquent vraiment, le public est toujours super, ici. On veut vraiment revenir bientôt, et jouer plus en France !

Ville : Ouais j’adore jouer en France à chaque fois, la foule est si intense, et les gens vivent vraiment avec la musique. Je peux vous dire un truc marrant pour tous nos fans français : j’ai une feuille Excel de tous les concerts qu’on a joué, parce que je suis un nerd, et nos concerts numéros 100, 200 et 300 ont tous eu lieu en France, alors qu’on y a joué qu’une dizaine de fois. Tous nos gros anniversaires sont en France. C'est statistique !