Groupe:

Leprous

Date:

21 Mai 2015

Interviewer:

Lurk

Interview Einar Solberg

Bonjour et merci de nous accorder cette interview, nous sommes le webzine "Aux Portes Du Metal"

Bonjour à vous ! Je vous en prie !

Pour commencer, pouvez-vous présenter le groupe et ses membres ?

Leprous est un groupe de prog originaire de Norvège cherchant à aller de l'avant et à éviter le bourbier que sont les vieilles habitudes. Le groupe a été fondé en 2001, mais on ne peut nous considérer comme "professionnels" que depuis la sortie de notre premier album studio, "Tall Poppy Syndrome", en 2009. Aujourd'hui, les membres permanents composant Leprous sont :
Einar Solberg (moi-même – chant, claviers) ; je suis le créateur principal et le frontman, c'est aussi moi qui gère l'administratif.

Tor Oddmund Suhrke (guitare) : c'est le parolier principal, le comptable, et le meilleur pour la fin, il fait un guitariste rythmique très précis. C'est le seul membre fondateur avec moi-même, nous sommes comme le yin et le yang, l'équipe parfaite, haha.

Øystein Landsverk (guitare) : expert en informatique, c'est notre fantastique guitariste soliste (qui ne place jamais un seul solo).

Baard Kolstad (batterie) : virtuose hyperactif, il est une véritable bouffée d'air frais au sein du groupe !

Et ce serait une honte de ne pas mentionner Simen Daniel Børven, notre bassiste de session. C'est le bassiste impressionnant qui a joué sur "The Congregation" et que vous aurez l'occasion de voir sur scène avec nous cette année.

Ce n'est peut être qu'une impression personnelle, mais il semblerait que vous deveniez énorme au sein de la scène metal progressive (je pense en particulier à votre position en tête d'affiche à l'Euroblast et au Progpower 2015). Comment le ressentez vous ?

Eh bien, énorme, c'est peut un peu exagéré, haha ! Mais nous essayons de construire notre parcours pierre par pierre, et il semblerait que cette année, beaucoup plus de pierres que d'habitude viennent s'ajouter au processus de construction. Mais par exemple, je suis très heureux que nous soyons en tête d'affiche d'un festival (Progpower Europe) où nous avions joué en ouverture il y a seulement quelques années. Quand tu ressens cette lente construction de ta carrière à notre manière (avec tous les hauts et les bas que cela comporte), tu ne remarques pas vraiment ce succès soudain. Ce que je vois cependant, c'est que nous arrivons enfin à faire un peu d'argent avec Leprous, me permettant ainsi de, progressivement, m'impliquer moins dans mon travail quotidien et plus dans Leprous – ce qui est un but pour moi depuis longtemps. Je ne fais pas ça pour l'argent, mais on sait tous qu'il faut de l'argent pour survivre, et je veux vivre de Leprous uniquement. C'est mon rêve et c'est très satisfaisant de le voir lentement se réaliser. Mais juste pour l'info, jusqu'à aujourd'hui, Leprous n'a représenté que des frais pour moi, haha. Mais ouais, c'est définitivement en train de changer.

Votre prochain album, "The Congregation", sort en même temps que cette interview. Pouvez-vous nous en dire plus sur sa genèse ?

La première règle que j'ai, c'est de toujours aller de l'avant et de ne pas rester enfermé dans de vieilles routines. Cette fois-ci, j'étais déterminé à composer d'une manière complètement différente, ne pas me retrouver à me noyer dans le bourbier des vieilles habitudes. Je veux dire, c'est impossible de ne pas se répéter si tu répètes tes méthodes d'écriture encore et encore. Non pas que ça soit un but de ne jamais nous répéter, mais il faut que chaque album propose un nouveau feeling et une nouvelle approche. Donc cette fois-ci, j'ai choisi d'utiliser mes oreilles plus que mes connaissances pour écrire la musique. A mon avis, logique et art ne cohabitent pas très bien, et plus tu en connais, plus tu as de chances d'utiliser cette pensée méthodique pour atteindre ton but. Cela mène à mon avis à un résultat très clinique, dépourvu de réelle passion ou émotion. Alors après m'être longuement interrogé, j'ai réalisé que je devais composer sur mon ordinateur. Ainsi, je pouvais placer les notes n'importe où, où je souhaitais qu'elles soient, sans analyser la théorie à chaque fois, en utilisant uniquement mon oreille pour déterminer si cela sonnait suffisamment bien. Je sais aussi par expérience que je travaille bien mieux avec des échéances, je m'en suis donc fixé à chaque répétition (nous répétions deux fois par semaine durant la période de composition) pour arriver à chaque fois avec une ébauche. Nous avons continué ainsi jusqu'à avoir environ trente ébauches. Durant cette période, j'ai aussi passé un nombre incalculable d'heure à écouter et évaluer ces ébauches, prévoyant les changements possibles où envisageant de les jeter à cause d'un manque de potentiel. Après l'élaboration des ébauches, nous avons fais un vote et la moitié avec le moins de points a été jetée. On s'est donc retrouvés avec quinze ébauches, et j'ai commencé à faire les changements que j'avais imaginés précédemment. A cette étape, toutes ces ébauches ont commencé à devenir de vrais morceaux. Trois morceaux ont été écartés avant d'entrer en studio, en laissant douze à enregistrer, dont un qui deviendra un morceau bonus. Et pendant l'enregistrement, beaucoup de changements et d'améliorations ont été faits. Je pense que la clé pour évoluer, c'est l'évaluation. Il ne faut jamais arrêter de s'auto-évaluer, chercher ce qui pourrait être mieux fait. Il y a toujours des choses à améliorer quand tu gardes l'esprit ouvert. Beaucoup de gens ne font pas ça à cause d'une sorte de fierté ou d'insécurité, mais il faut rester ouvert à la critique (de soi-même ou venant de personnes en qui l'on a confiance) pour évoluer.

Einar, tu es le principal compositeur pour "The Congregation". Celle-ci a eu lieu en premier temps sur ordinateur, alors quels logiciels et matériel as-tu utilisé ?

Pour la composition, j'ai utilisé mon MacBook pro avec Logic Pro X comme séquenceur. J'ai parfois utilisé mon tout petit clavier maitre Akai Mpk Mini, mais j'ai principalement utilisé le clavier.

Est-ce que tu as une vue d'ensemble de ton morceau quand tu commences à l'écrire ?

Non pas du tout haha ! Au début, tout est très aléatoire en fait. La qualité première d'un bon compositeur est de savoir reconnaitre une bonne idée musicale, mais pour commencer, il faut écrire quelquechose. Si je pars déterminé à écrire un certain type de chanson, je vais toujours finir sur quelquechose de très différent. Ainsi j'ai appris que la première partie du processus de composition devrait être quelquechose d'ouvert, pour éviter de fixer toute sorte de barrière à sa créativité. Et un peu plus tard, une fois que j'ai bon nombre d'idées à trier, je peux pousser le tout dans une certaine direction.

Tu commences par les paroles ou la musique ?

Nous commençons toujours par la musique, vu que la créativité dans notre manière d'écrire les paroles est plus "contrôlée" que la créativité musicale, et par ailleurs c'est utile d'avoir une certaine ambiance pour déclencher cette créativité.

Par la suite, comment les autres membres ont appris les morceaux ?

Ils viennent juste de les apprendre pour la tournée à venir haha. Eh bien, je leur envoyais en fait les fichiers midi pour qu'ils répètent auparavant, mais puisqu'il s'agit d'une matière première très difficile, ils n'ont pas pu apprendre aisément trente ébauches. Pendant l'enregistrement, les guitaristes ont donc procédé étapes par étapes. Donc apprendre les morceaux en entier, c'est quelque chose qui ne s'est concrétisé que durant le printemps. Dur, haha !

Les autres membres n'ont aucun rôle dans le processus de composition ?

Tout le monde à la possibilité d'écrire quoi que ce soit pour Leprous, et je n'en ai pas le monopole. Cependant, il semblerait que cette fois j'ai été le plus motivé à faire la majeure partie du boulot. Tor a écrit quelques riffs, Baard a contribué avec quelques ostinatos rythmiques et améliorations de grooves que j'avais écrit. Tout le monde a donc le rôle qu'il souhaite avoir, mais on a des échéances très strictes alors on ne peut pas attendre que les membres soient plus motivés ou plus créatifs haha ! Il y a eu aussi quelques ébauches écrites par d'autres membres, mais nous n'avons pas voté pour celles-ci au final. On a fait un vote totalement juste à propos des idées à garder ou pas, donc tout est démocratique.

Penses-tu que la musique puisse être plus personnelle et unique lorsqu'elle est écrite par une seule personne ?

Pas nécessairement, mais comme je me suis senti très inspiré cette fois, ça peut jouer. Souvent, les collaborations entre deux compositeurs peuvent donner des compositions fantastiques, mais encore une fois, c'est une question de travail acharné. Je me suis senti assez à l'aise à composer seul, mais je suis totalement ouvert à l'idée de collaborer avec les autres pour de futurs projets, s'ils s'en sentent l'envie. Je pense que "The Congregation" est mon album préféré de Leprous, parce que c'est le plus travaillé : chaque chose est à sa place. Avec cet album, il était question de maximiser le potentiel des MEILLEURES ébauches au lieu de faire du mieux possible avec ce qu'on avait, comme nous avons pu faire dans une plus grande mesure auparavant.

Alors que je suis en train d'écrire cette interview, je n'ai écouté votre album dans son intégralité qu'une seule fois mais je suis d'ores et déjà impressionné. Mais aussi désemparé. C'est un gros morceau à avaler et j'aurai besoin de quelques écoutes supplémentaires pour l'assimiler. Mission accomplie ?

Tu sais, ce n'est pas notre but de désemparer les gens, mais je peux comprendre que pour certains, ce soit beaucoup à avaler. Mais comparé à beaucoup de plus grands noms de la scène prog, je pense en fait que "The Congregation" est plutôt catchy. Ce n'est pas si souvent qu'on entend de la musique complexe avec une structure "pop". Intro, couplet, refrain, pont etc. Beaucoup de groupes progressifs ne travaillent pas comme ça, haha. Donc je pense qu'on est plutôt accessibles, d'un point de vue progressif.

L'une des choses qui, à mon avis, vous font vous démarquer, c'est le chant. As-tu appris par toi-même ou as-tu pris des cours ?

Merci ! Oui, j'ai pris des cours avec ma mère, qui est professeur de chant, et j'ai pris des cours de piano avec un autre prof. Je me suis très peu servi de livres ou de vidéos pour apprendre, mais j'ai eu des profs et j'ai beaucoup expérimenté dans mon coin. C'était super important au début alors que je développais ma technique et mon expression, et je conseillerai à tout le monde d'avoir des bons profs lors des premières étapes, pour être bien guidé.

Cette question vous a sans doute déjà été posée un millier de fois, mais quelle sont l'origine et le sens de votre nom de groupe ?

En fait, cette histoire n'est pas si intéressante que tu pourrais le penser. On a formé Leprous en 2001, alors que j'avais 16 ans, et on a simplement cherché dans un dictionnaire pour trouver un nom cool. On a trouvé "Leprous" (et on a vu que ça avait un sens assez "sombre") et ça sonnait bien. On a souvent entendu dire que les gens nous prenaient pour un groupe de death metal ou autre, et bien que je sois d'accord sur le fait que ça ne fasse pas penser à un groupe de prog, je ne peux pas m'imaginer le changer maintenant. Ce nom est devenu une partie de nous même.

Quels groupes t'ont le plus influencé ?

J'ai eu beaucoup de périodes différentes qui sont probablement restées dans mon subconscient, que ça me plaise ou non. Durant ma jeunesse, j'écoutais énormément de metal extrême mélodique, ce qui a évolué en quelques années en un intérêt pour les groupes de prog, vieux ou récents. Maintenant cependant, mes favoris comprennent Massive Attack, Arvo Pärt, Radiohead etc.

Quels sont tes albums favoris des dernières années ?

J'ai adoré "The Satanist" de Behemoth, le songwriting est excellent et il a fallu beaucoup de culot. L'album "The Brothel" de l'artiste norvégienne Susanne Sundfør est d'ores et déjà un classique pour moi, tout comme "Heligoland" de Massive Attack. Ces deux derniers ne sont pas particulièrement récents, mais j'étais trop occupé à écrire pour faire attention haha.

Un mot sur le téléchargement illégal ?

Le téléchargement illégal n'a-t-il pas été remplacé dans une grande mesure par le streaming légal ? Je n'ai jamais su ce que ça fait de gagner de l'argent grâce aux ventes de CDs, vu que je n'appartiens pas à cette génération. Alors quand je suis arrivé sur le marché de la musique, c'était avec l'idée en tête de faire au mieux avec ce qu'il est devenu au lieu de me plaindre de "comment c'était mieux avant". Même si j'estime que la musique est quelque chose qui devrait être rémunéré (comme toute autre production), je pense qu'internet à aussi ses avantages, en terme de promotion. Tous tes fans potentiels sont à portée d'un clic.

Le dernier mot est pour vous :

On est très heureux à l'idée de revenir en France et de jouer pour notre public favori (et ce n'est même pas pour vous flatter !) aux dates suivantes :

5 Octobre – Le Divan Du Monde, Paris
6 Octobre – Le Ferrallieur, Nantes
12 Octobre – Ninkasi Kao, Lyon