Artiste/Groupe:

Trust

CD:

Trust

Date de sortie:

1979

Label:

Style:

Hard Rock

Chroniqueur:

Orion

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1977. Gouvernement Giscard - Barre. Marasme économique (eh oui, ça ne date pas d’hier…), crise du pétrole, affaire des diamants, politique de rigueur… Où en est la contestation ?  Pas à la télévision ou sur les radios en tout cas, qui parlent toutes d’une seule voix. Le Rock français ? Inexistant ou presque (Téléphone commence tout juste à se faire connaître). C'est sans doute pour faire bouger les lignes que Bernard "Bernie" Bonvoisin et Norbert "Nono" Krief fondent Trust, un groupe qui prêche la rébellion, entre Punk et Hard Rock. Se joignent à l’aventure Raymond Manna (alias Ray) qui tient la basse et un peu plus tard, Jean-Emile Hannela (alias Jeannot) à la batterie (après déjà à l'époque le passage de plusieurs batteurs – un problème récurrent chez Trust). Signé par le label Pathé Marconi, le groupe sort un premier 45 tours en 1978 : Prends Pas Ton Flingue. C'est un échec car le label mise tout sur Téléphone et n'assure aucune promo pour ce nouveau groupe, bien plus bruyant et moins consensuel.
Trust change donc de label et va signer chez CBS. Le premier album est enregistré en quinze jours dans les conditions live, ce qui lui confère ce son brut, naturel et ce côté immédiat.

Quand déboule dans les bacs des disquaires, en 1979, cette main ensanglantée avec pour seule inscription le mot Trust dans le coin droit, c'est un peu la surprise. D'où sortent-ils, ceux-là ? Quelle musique peut bien correspondre à ce visuel pour le moins énigmatique ? Un petit coup d’œil sur le verso et on s’aperçoit que les titres sont en français. Quoi ? Du Hard Rock chanté en français ? Mais ça n’existe pas, ça…
Il faut reconnaître qu’en chantant en français, Trust prend un risque car le Rock (et surtout le Hard Rock) était jusqu’alors totalement lié à la langue anglaise (pour preuve, les groupes allemands comme Scorpions chantent en anglais) ; mais les textes de Trust sont si percutants qu’il aurait vraiment été dommage de ne pas les chanter dans la langue de Molière. L’impact n’aurait pas été le même (et d'ailleurs, à titre personnel, je trouve qu'il n'est pas du tout le même sur les versions anglaises des albums de Trust). Ce sont justement ces textes qui ont fait la particularité de ce groupe.
D’autre part, il y avait un vrai manque sur ce créneau à cette époque. Des chanteurs français engagés, il y en avait un peu (Renaud, Lavilliers, Ferré...) mais sur une musique souvent bien plan-plan, ça manquait de mordant. Là, musique et paroles sont sur la même longueur d'onde, le message n'en est que plus fort. La preuve ? Préfabriqués, le premier morceau, nous donne tout de suite l'idée générale de ce qu'est Trust. Intro batterie incroyable (et, paraît-il, qui n'a jamais pu être rejouée à l'identique depuis), des guitares bien agressives (Téléphone est enfoncé) et un chanteur à la gouaille punk qui ne mâche pas ses mots (premiers mots lâchés : "je crache à la gueule de tout ce système..."). Ce premier titre est effectivement un véritable glaviot à la gueule de la société. L’héritage du mouvement Punk est évident dans ces textes contestataires, pour la durée très courte de certains morceaux mais aussi dans la musique elle-même, car sur des morceaux comme ce Préfabriqués, Police-Milice, Toujours Pas Une Tune ou Dialogue De Sourds, on est bien plus proche de l'énergie du Punk que du Hard Rock à la AC/DC.
AC/DC qui est toutefois une grande influence pour le groupe français. Trust a rencontré son chanteur Bon Scott lors de l’enregistrement du single Prends Pas Ton Flingue et le courant (ha ha !) est tout de suite passé. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont fait que la face B du single fut Paris By Night, une reprise en français du Love At First Feel des Australiens. Et on note encore sur ce premier album ce lien étroit entre les deux groupes puisque Trust reprend Ride On (présent lui aussi sur l’album Dirty Deeds Done Dirt Cheap) mais en anglais cette fois. La version de Trust est intéressante, avec ses chœurs féminins et son piano qui créent l’originalité.
Avec ce morceau, l’accent Blues Rock prend le dessus et montre finalement que ce premier album de Trust est un album assez varié dans ses ambiances. En effet, on passe du punkisant Préfabriqués à un Palace et sa basse funky. Puis on enchaîne sur Le Matteur qui est aussi un joyeux mélange d'influences, entre couplets très groovy eux aussi, refrains plus pêchus et solo de saxo. Et on continue avec Comme Un Damné, entre grosses guitares et rythme plus chaloupé. Entre ces deux derniers morceaux, Bosser Huit Heures revient à du bien rentre-dedans. Il faut dire que le texte demandait une musique plus hargneuse. Syndicat et patronat, tous dans le même panier pour s’accorder sur le dos de la classe ouvrière. Bernie, issu d’une famille prolétaire, sait de quoi il parle. C’est évidemment ce genre de titres que je préfère, quand Bernie montre les dents et que la guitare de Nono est plus tranchante. C'est le cas aussi de Police-Milice, dont le texte sera censuré (et le groupe par la même occasion) par la plupart des médias. Si ces morceaux ne sont pas tous devenus des grands classiques de Trust, ils montrent déjà tout le potentiel des Français.
Le groupe tient toutefois son premier tube avec L'Elite. Même si celui-ci sera sans commune mesure avec le succès de Antisocial sur l’album suivant, il permet à Trust de se faire connaître grâce à un titre facilement assimilable, dont le riff fédérateur accroche l’oreille.

Ce premier album est un succès auprès des Hard Rockers français qui tiennent là leur premier groupe national. On n’insistera pas sur l’impact de Trust sur la scène metal française tellement cela relève de l’évidence. Ils ont ouvert la brèche, il ne restait plus qu’à s’introduire dedans.
L’étend’hard sanglant était levé !

 

Tracklist de Trust :

01. Préfabriqués
02. Palace
03. Le Matteur
04. Bosser Huit Heures
05. Commme Un Damné
06. Dialogue De Sourds
07. L'Elite
08. Police-Milice
09. H & D
10. Ride On
11. Toujours Pas Une Tune