Artiste/Groupe:

The Ocean

CD:

Phanerozoic I : Palaeozoic

Date de sortie:

Novembre 2018

Label:

Metal Blade Records

Style:

Sludge Metal

Chroniqueur:

JimBou

Note:

18/20

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The Ocean - Phanerozoic I: Palaeozoic, ou la symphonie des temps anciens...

 

C'est en 2013 que nous avions quitté The Ocean au fond des abysses avec le poignant et immersif Pelagial, le cœur lourd mais comblé. Et alors que l'horizon paraissait si loin, voilà que cinq ans plus tard le groupe refait surface pour une aventure épique dont il détient le secret entier. Si les mélodies de leur chef-d'oeuvre précédent résonnent encore et toujours, le temps d'une nouvelle ère est arrivé. Mais pas tant que cela en réalité, car Phanerozoic I : Palaeozoic, comme il s'intitule habilement, nous plongera non pas dans les eaux profondes cette fois-ci, mais dans des temps immémoriaux qui s'imprégneront de toute la poésie qu'ils méritent, à défaut d'avoir largement précédé l'humanité. Ce septième album n'arrive pas comme une pièce manquante, mais comme une évidence, car au-delà de prolonger l'idée originale de Precambrian, paru onze ans plus tôt, il viendra parfaire la discographie du groupe qui dépeint dans ses grandes lignes la fresque du monde à travers le temps et son histoire. 

Phanerozoic reprend donc là où Precambrian nous avait laissés, plus exactement à la période du Cambrien qui a débuté il y a tout juste cinq cent quarante-et-un millions d'années. Si la compréhension du projet s'avère être une tâche ardue, il faut l'avouer, elle aura le mérite de nous renseigner largement sur les intentions du groupe et de cerner son orientation particulière. Pour un maximum de clarté, il faudra simplement retenir que l'album se penche sur l'éon du Phanérozoïque, et plus particulièrement sur la première de ses trois ères : le Paléozoïque, lui-même divisé en six périodes, qui constitueront les six pistes principales de l'album.

Ce point obscur sur les périodes géologiques éclairci, nous redouterons peut-être un peu moins le titre racoleur de certaines pistes aux noms difficilement prononçables. Et nous comprendrons assez aisément là où la deuxième partie de l'album, attendue courant 2019, voudra en venir, car les albums de The Ocean, qu'ils soient doubles (Precambrian) ou en deux parties (Anthropocentric/Heliocentric), ont l'avantage de se compléter et de s'embellir les uns les autres. Mésozoïque, Cénozoïque ou les deux à la fois ? Les deux autres ères du Phanérozoïque auront leur album dédié, comme le laissait entendre le cerveau et guitariste du groupe Robin Staps dans une récente interview. Mais cessons les spéculations pour nous attaquer au vif du sujet qu'est Phanerozoic premier du nom, dont l'étendue du voyage marquera les esprits bien au-delà d'une simple carte postale.

Permian: The Great Dying, parue deux bons mois avant la sortie de l'album, avait de quoi mettre l'eau à la bouche, car en dépit de cinq longues années d'attente, les fans pouvaient se rassurer :  les Allemands n'ont pas changé de formule. Leur sludge est toujours aussi clinquant, et leur charme marqué par une touche atmosphérique opère plus que jamais. Une mise en bouche de luxe donc, mais sans vouloir trop s'étaler pour le moment, le gros paquet renfermera bien d'autres surprises. A commencer par les premières notes de The Cambrian Explosion, qui feront sans trop de difficultés leur travail d'immersion, en livrant une bien belle ode aux premières heures du règne vivant. Comme s'il suffisait de fermer les yeux pour s'y projeter et s'évader, nous voilà dans les méandres d'une conspiration d'astres d'où Cambrian II viendra nous extirper, avec sa force de dissuasion et ses envolées aussi claires qu'obscures. Loic Rosetti, qui avait rencontré par le passé quelques problèmes de santé liés à ses cordes vocales, n'a finalement rien perdu de son timbre de voix si particulier et s'en donne même à cœur joie, que ce soit dans un registre guttural ou mélodique. Un démarrage en trombe certes, mais qui ira dans la continuité, avec les riffs surpuissants d'Ordivicium et son refrain exploité à merveille, au gré d'un interlude planant, dont le ciel semble être la seule limite. Si certains pourraient encore, à ce niveau-là, évoquer l'éventuel côté pompeux de l'album, Silurian: Age Of Sea Scorpions fera taire les ragots les plus facétieux. Car la piste de plus de neuf minutes ne donnera ni plus ni moins qu'un nouveau souffle musical à l'album. L'introduction éminemment plus sludge et stoner qu'à l'accoutumée, digne d'un High On Fire sulfureux, lance parfaitement le train, dont les grondements millimétrés de Mattias Hagerstrand à la basse effectueront un vrai travail de fond. L'expédition, agrémentée d'arpèges envoûtants, de contre-temps déroutants et d'hymnes au piano déchirants, donnent un poids et une légitimité sans égal aux divers changements d'ambiance du morceau, qui s'avère être une des plus belles réussites de The Ocean. Et puis vint Devonian: Nascent, qui de par son introduction en demi-teinte, ornée de notes éparses et d'un violon lugubre, se détache de son ombre pour s'élever dans les vagues d'un progressif où le groupe s'est rarement aventuré avec tant d'entrain. Un rouleau compresseur lent et hypnotique aux saveurs de Post/Ambiant indéniables, dont l'apogée, marquée par les "Nascent!" d'un  Rosetti furieux, finiront par nous rappeler les grandes heures d'Anthropocentric, morceau éponyme, dont la puissance à elle seule faisait cligner des yeux.

Nous retiendrons à ce stade que, morceaux après morceaux, les samples de Robin Staps qui se fondent toujours aussi bien aux décors, ne manquent jamais de relief. Et le groupe ne serait pas ce qu'il est sans ses petits à côté ; sans ces acteurs de l'ombre qui manient avec dextérité cuivres, violons, violoncelles et pianos, pour ne citer qu'eux. Dans la foulée viendra The Carboniferous Rainforest Collapse, où l'étendard purement instrumental marquera le terrain de jeu de Paul Seigel qui, du haut de son talent indéniable à la batterie, se sera fait plaisir sur l'oeuvre, de long en large. Ainsi nous en revenons à Permian: The Great Dying, la dernière marche du palais citée plus tôt qui, publiée un temps avant la sortie la sortie de Phanerozoic en porte drapeau, n'avait fait qu'éveiller les soupçons avérés quant à son contenu grandiose. 

 "I don’t love humanity, not a bit", phrase tirée de cette dernière, marque avec brio le parallèle tant éloigné entre notre ère moderne telle que nous la connaissons et celle dépeinte tout au long de l'album : peuplée d'une vie primitive mais encline à devenir ce que nous sommes. Et si l'intégralité du message n'a pas encore été divulguée à l'heure de Phanorozoic I, le collectif de The Ocean ne tardera pas à lever le voile sur les mystères et le surnaturel qui font sa force. Une certitude demeurera néanmoins : The Ocean n'a rien perdu de sa superbe. Car les quatre Allemands, au line-up inchangé depuis 2015, ont assurément entretenu la formule qui fait leur force depuis toujours. Et quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, rien ne ressemble de près ou de loin à The Ocean, ni dans le fond, ni dans la forme.

 

Tracklist de Phanerozoic I : Palaeozoic

01. The Cammbrian Explosion
02. Cambrian II : Eternal Recurrence
03. Ordovicium : The Glaciation Of Gondwana
04. Silurian : Age Of Sea Scoprions
05. Devonian : Nascent
06. The Carboniferous Rainforest Collapse
07. Permian : The Great Dying

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