Il aura fallu quatre ans à Scorpions pour sortir le successeur de leur plus gros succès, Love At First Sting. Peur de se planter ? Recherche de la recette miracle du succès en allant voir ce qui marche chez les autres ? A trop vouloir peaufiner, on finit par sortir un album sans âme. C’est un peu ce qui est arrivé aux Allemands avec ce disque.

1988. Scorpions est devenu un groupe énorme, notamment grâce au succès rencontré par son album précédent et aussi à la grosse tournée qui a suivi, immortalisée par le second album live du groupe, World Wide Live, sorti en 1985. Et depuis cette sortie, le groupe prend son temps. Mais le paysage musical évolue très vite. Aux Etats-Unis notamment où des groupes comme Bon Jovi et Def Leppard remportent un succès considérable. Il était donc tentant pour les Allemands d’aller jouer dans cette cour qui ne leur semblait pas inaccessible. Bien plus inaccessible était celle d’un autre groupe qui venait de tout fracasser avec son premier album, Guns N’Roses. Et cette révolution-là (moins de chichis, plus de rock n’ roll), les Allemands ne l’ont pas prise en compte. Dommage…

Parlons tout de suite du sujet qui fâche : le son. Bien trop policé, sans véritable relief, ce disque sonne comme plus comme un album de Pop que de Hard Rock. Production pourtant à la mode à ce moment-là (cf le Hysteria de Def Leppard). Certaines compositions sont également marquées par ce besoin de proposer l’album le plus "easy listening" possible. On sent là encore que les Allemands ont eu envie de croquer une part du succès rencontré par Def Leppard aux Etats-Unis et se sont dit "pourquoi pas nous ?". Ils ont d’ailleurs même essayé de copier le look très en vogue à l’époque : permanentes pour tout le monde ! Le problème, c’est que ça va moins bien à certaines personnes qu’à d’autres… et à Scorpions, ça ne leur va pas ! Quelle tristesse de découvrir une de mes idoles de l'époque, Rudolf Schenker, avec cette coupe de cheveux sur le verso de la pochette !
En dehors de ces aspects purement commerciaux, on trouve tout de même (et heureusement) de bons morceaux sur cet album. A commencer par Don’t Stop At The Top au riff tenace qui donne un bon élan à l’album (élan pas trop suivi par la suite, dommage). Parmi les titres les plus musclés, on a un We Let It Rock… You Let It Roll et un Love On The Run qui passent bien. On retrouve ici le Scorpions qui pique. Dans un autre style, plus calme, Walking On The Edge est agréable ainsi que le plus aventureux Media Overkill. Le reste est tout de même très aseptisé. Rhythm Of Love, Passion Rules The Game et Every Minute Every Day sont vraiment très gentillettes. Ma copine de l’époque qui n’aimait pas le Hard Rock avait aimé cet album. C’est un signe. Quant à la ballade Believe In Love, ce n’est pas celle qu’il faut retenir de ce groupe qui sait pourtant en écrire de très belles.
Certes, l’album a cartonné et connu un beau succès. Mais le groupe n’a-t-il pas un peu vendu son âme sur ce coup-là ?

Savage Amusement, ainsi que tous les albums de la période 1977 - 1988, a été réédité pour l’occasion des 50 ans du groupe l’année dernière (la vache ! ! 50 ans déjà ! !) et cette réédition vaut le détour. Déjà parce qu’elle propose six compos inédites ou rares, bien plus intéressantes que la plupart des morceaux présents sur l’album d’origine. On retrouve notamment la reprise des Who, I Can't Explain, qui avait été éditée pour la compilation Stairway To Heaven, Highway To Hell. Cette compilation regroupait les combos qui avaient participé au "Moscow Music Peace Festival" de 1989 (Skid Row, Bon Jovi, Cinderella…), chacun reprenant un titre d’un groupe dont un membre était mort à cause de la drogue ou de l’alcool, les bénéfices de cette vente devant aller à l’association caritative "Make A Difference Foundation". Ne vous inquiétez pas non plus du caractère "démo" de ces titres, la production est bonne, même meilleure que sur l’album (pour les raisons susmentionnées). Taste Of Love et Dancing In The Moonlight sont des titres qui ne manquent pas de mordant, plus dans l’esprit de l’album suivant (Crazy World) que de celui-ci. Le bien lourd Edge Of Time et le speed Fast And Furious (instrumental) sont sympas également. Enfin, Living For Tomorrow est une ballade, meilleure que Believe In Love à mon sens.

Le DVD offre un reportage de quarante-quatre minutes sur la première tournée de Scorpions en Russie (et première d’un groupe international je crois me souvenir) intitulé "To Russia With Love". L’image est évidemment d’époque. Je me rappelle avoir vu ce reportage à la télé aux Enfants du Rock je crois. Il était sous-titré. Là, c’est moins simple à suivre puisque les sous-titres sont inexistants. Dommage. Ca n’empêche pas de découvrir quelques scènes assez hallucinantes, notamment quand le groupe arrive dans un club ou je ne sais quoi dans lequel jouent des groupes locaux (attention les oreilles, ça pique !). Les Scorpions s’emparent alors des instruments pour jouer The Zoo... et sur du matériel aussi pourri, il faut saluer la performance !
Pas de sous-titres non plus pour le documentaire sur la réalisation de l’album, constitué d’interview des protagonistes (vingt-six minutes). Enfin, on a les quatre vidéos clips de l’époque qui font en fait partie intégrante du premier reportage, sauf celui de I Can’t Explain. N’ayez pas peur du kitsch absolu, surtout en ce qui concerne la vidéo de Rhythm Of Love que je ne peux résister à l’envie de partager ici :

Savage Amusement est donc un album très moyen dans la discographie des Allemands (qui en compte pas mal d’autres, sortis après celui-ci) mais dont la réédition pour l’anniversaire du groupe lui ajoute une plus value certaine, surtout grâce aux morceaux inédits. Amis collectionneurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Tracklist de Savage Amusement :

01. Don't Stop At The Top
02. Rhythm Of Love
03. Passion Rules The Game
04. Media Overkill
05. Walking On The Edge
06. We Let It Rock ... You Let It Roll
07. Every Minute Every Day
08. Love On The Run
09. Believe In Love
10. Taste Of Love (demo song)
11. Edge Of Time (demo version)
12. Fast And Furious (demo)
13. Dancing In The Moonlight (demo version)
14. Living For Tomorrow (demo song)
15. I Can’t Explain

DVD Bonus :
- Reportage "To Russia With Love"
- Music Videos :
Rhythm Of Love
Passion Rules The Game
Believe In Love
I Can’t Explain
- Documentary : the story of Savage Amusement