Qu'attendre d'un douzième album de Primal Fear, groupe qui semble avoir enclenché le pilote automatique depuis un petit moment ? Personnellement, la dernière fois qu'il m'a surpris (et enchanté), c'était en 2007 avec l'excellent New Religion... Point de suspense inutile : si vous vouliez voir la formation allemande adopter une nouvelle approche et aller là vous où vous ne l'attendiez pas, faites-vous une raison immédiatement car Apocalypse reprend sagement la formule prévisible (mais parfois bien efficace) des disques précédents. Dans le détail, on notera deux ou trois petites choses qui font que cet album n'est pas un copié/collé de Rulebreaker, sorti il y a deux ans, mais dans l'ensemble, on reste tout de même sur quelque chose de très connu. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Chacun répondra à cette question en fonction de ses attentes. Cependant, le style abordé ne fait pas tout. On peut faire dans le classique mais avec une qualité d'écriture qui rendra le produit final très plaisant (Delivering The Black) ou servir une collection de compos banales qui, en plus de ne pas surprendre, ne remplissent même pas le contrat en terme de plaisir immédiat ou divertissement (Devil's Ground). Avec Primal Fear, on peut régulièrement (une fois sur deux, en gros) compter sur un savoir-faire qui fait passer la pilule... Sans que cela donne quelque chose de totalement satisfaisant, les qualités montrées ici par le combo évitent à cet opus de sombrer dans la médiocrité.

Déjà, le début de ce nouvel essai me plaît un peu plus que le démarrage de Rulebreaker qui, malgré les aptitudes habituelles du groupe (le gros son, un super chanteur, des mélodies entraînantes, etc.), m'avait déçu. Après Apocalypse, l'intro instrumentale de rigueur qui plante le décor sombre avec ses battements de coeur et ses cloches, déboule à cent à l'heure New Rise, un titre power mélodique parmi les plus véloces jamais composés par le groupe, qui lorgne nettement plus du côté d'un Gamma Ray que d'un Accept ou d'un Judas Priest. Efficace. On remarque (et ça se vérifiera sur l'ensemble du disque) que Scheepers chante de façon moins systématiquement aiguë ou agressive, ce qui n'est pas forcément un mal et lui permet de prendre ses distances par rapport au modèle Halfordien de rigueur. Ensuite, The Ritual fait dans le gros heavy puissant, plus lourd, agressif et classique tel qu'on a l'habitude de se le faire servir par ce combo. Pas surprenant mais le riff fait le taf, la section rythmique est implacable... ça passera tout seul en live. Et bien sûr, le son (Mat Sinner et Jacob Hansen, encore une fois) est superbe. 

Alors oui, Primal Fear ne propose pas grand-chose (voire rien) de révolutionnaire... mais le groupe a un atout que beaucoup n'ont pas : un excellent chanteur en la personne de Ralf Scheepers. Un Scheepers, ça ne fait pas tout, je vous le concède... mais ça ajoute un petit plus à des compos pas forcément éblouissantes. C'est ce que je me dis à l'écoute de King Of Madness, pas renversante mais pas désagréable, très "single" (d'ailleurs, elle a eu le droit à sa vidéo). Les Allemands reprennent du poil de la bête avec Blood, Sweat & Fear, un morceau de heavy classique, rythmé, carré et taillé pour le live. Avant d'avoir atteint le milieu du parcours, il reste Supernova, une chanson plus proche de la ballade aux mélodies aguicheuses soutenues par du clavier (sans doute la touche Magnus Karlsson, l'un des trois guitaristes - qui font tous du beau boulot - mobilisé, pour rappel, aux côtés de Tom Naumann et Alex Beyrodt)... certains trouveront ça gnangnan, je le conçois mais je l'aime bien quand même. La presta de Scheepers permet à la compo d'accéder à un autre stade... on dira que c'est mon petit plaisir coupable de cette galette qui, si on fait le calcul, commence vraiment pas mal. 

La deuxième moitié de l'album est un peu moins constante et confirme qu'après le démarrage robuste constitué par New Rise et The Ritual (qui laissait augurer un opus costaud), le groupe préfère creuser un sillon mélodique et mid-tempo. N'attendez pas de petite speederie des familles qui décoiffe. On reste tout de même face à du heavy carré mais on a connu Primal Fear plus remuant. On y trouve cependant de bonnes choses (Hail To The Fear avec ses mélodies chiadées et ses leads de guitares Maideniens ou la piste épico-symphonique de rigueur, Eye Of The Storm, plutôt bien foutue). Après, on a Hounds Of Justice, très classique sur le couplet, mais qui propose un petit effort mélodique moins convenu sur le refrain qui échappe donc aux clichés heavy habituels. On n'en dira pas autant de The Beast, mid-tempo épique qui me fait penser à du Hammerfall, pourvu d'un refrain que j'ai du mal à prendre au sérieux (avec ses "You woke up the beast, the beast" servis par de gros choeurs). Enfin, Cannonball termine sur une note résolument heavy en mode double grosse caisse... Même remarque que pour The Beast, le refrain ("Shoot, shoot... like a cannonball!") sonne un peu con-con et me fait sourire. 

Même si Apocalypse n'est pas le sursaut qui permettra à Primal Fear de rejoindre la première division des groupes de heavy, il ne serait pas juste de le qualifier de ratage. Il a des qualités et quelques morceaux vraiment bien ficelés qui fonctionnent. Il ne rivalisera pas avec les meilleures oeuvres du groupe mais me semble un petit cran au-dessus de son prédécesseur (surtout grâce à sa première moitié) et certainement pas aussi médiocre que des disques comme Jaws Of Death ou Devil's Ground. Tout cela ne suffit pas à en faire un opus indispensable, son principal défaut restant son aspect routinier, mais les amoureux forcenés de heavy teuton et les fans du groupe devraient trouver là de quoi passer un bon moment. Ce cru 2018 ne me rend donc pas fou, vous l'avez compris, mais il demeure suffisamment bien gaulé pour me donner envie de voir le groupe le défendre sur scène en octobre prochain (d'autant plus qu'il sera accompagné de Riot V). Amateurs de metal traditionnel joué par des pros du genre : à vos agendas car voilà une soirée qui s'annonce bien !
 

Tracklist d'Apocalypse :

01. Apocalypse
02. New Rise
03. The Ritual
04. King Of Madness
05. Blood, Sweat & Fear
06. Supernova
07. Hail To The Fear
08. Hounds Of Justice
09. The Beast
10. Eye Of The Storm
11. Cannonball