Cela faisait un petit moment que nous étions sans nouvelles de Mr. Big. The Stories We Could Tell est sorti en septembre 2014, on apprenait la même année que Pat Torpey était atteint de la maladie de Parkinson, puis les autres membres ont été impliqués dans différents projets et on ne voyait pas grand-chose venir ces derniers temps... Jusqu'à ce qu'on nous annonce au printemps dernier que le groupe s'était réuni pour enregistrer son nouvel album. Et le voici déjà, ce Defying Gravity, neuvième opus de ces messieurs enregisté sous la houlette de Kevin Elson, le producteur des débuts (et des succès) du groupe (les quatre premiers disques du combo, c'est lui). Quelle rapidité ! Tout le monde s'est retrouvé en studio à Los Angeles et tout a été bouclé en six jours. En plus des quatre membres habituels, il faut cette fois-ci ajouter le batteur Matt Starr, qui a déjà tourné avec Mr. Big pour l'album précédent et a enregistré la majorité (mais pas la totalité) des parties de batterie puisque Pat Torpey n'est plus en mesure de le faire. 

Faisons tout de suite un petit point sur la direction musicale empruntée ici. On retrouve la marque de fabrique habituelle du groupe, à savoir un hard rock mélodique dans lequel viennent se fondre de redoutables plans techniques concoctés par un bassiste et un guitariste d'un autre monde (les flamboyants Billy Sheehan et Paul Gilbert). Mais comme c'était déjà le cas sur le cru 2014, on trouve plus de rappels au passé avec des influences 70s assez présentes et une touche blues rock qui se pointe ici ou là. Cette nouvelle production commence assez bien avec quelques titres au groove indéniable. Open Your Eyes balance un bon vieux riff efficace ainsi qu'un couplet rock'n'roll old-school bien sympa. On retrouve les harmonies vocales chères au combo sur un refrain qui ne dénote pas. Les gars n'ont pas raté leur chanson titre non plus : Defying Gravity est pêchue, enlevée, pourvue d'un petit riff entêtant et d'un excellent refrain... et Paul Gilbert est en grande forme, la guitare nous régale ! Everybody Needs A Little Trouble laisse davantage parler le côté groovy et blues de Mr. Big et s'avère bien plaisant. D'autres compos énergiques ou réussies se retrouvent plus tard comme la très bonne Mean To Me au riff génial (assez original en plus, on n'a pas l'impression de l'avoir entendu cinquante fois) ou le clin d'oeil au passé intitulé 1992 (dont les prouesses guitaristiques de l'intro rappellent Racer X, ancien groupe de Gilbert) qui possède l'un des refrains les plus accrocheurs de la galette.

Tout cela rassure, on se dit que Mr. Big reste un excellent groupe constitué de super musiciens qui savent toujours écrire de belles chansons. Paul Gilbert et Billy Sheehan se montrent, encore une fois, très impressionnants. Leur jeu exceptionnel laisse généralement pantois et certains soli du père Gilbert sont à tomber par terre. Mais Defying Gravity n'a pas que des points forts. Voici quelques faiblesses qui viennent légèrement ternir l'ensemble : 

. Eric Martin conserve sa patte et reste un très bon chanteur mais le poids des années fait que sa voix est plus faible qu'avant. C'est toutefois assez logique et certainement pas ce qu'il y a de plus embêtant avec ce Defying Gravity. En plus, j'ajouterai tout de même que, sur certains morceaux (comme la chanson titre, par exemple), le vocaliste apparaît en forme et surprend par la fraîcheur qu'il dégage. Mais bon, il est clair qu'en terme de puissance et clarté, ses plus belles années sont derrière lui... c'est comme ça, il faudra s'y faire.
 
. Defying Gravity est parfois un peu trop tranquille à mon goût. C'est pas que je n'aime pas un petit morceau cool de temps en temps, bien au contraire mais là, quand même : Damn I'm In Love Again (morceau acoustique enlevé et agréable), Nothing Bad (About Feeling Good) au couplet gentillet, Forever And Back, les cinq premières minutes et des poussières très bluesy de Be Kind (la fin voit le groupe s'emballer davantage et propose un excellent jam)... ça fait peut-être un peu beaucoup, comme on dit. Sur ces quatre pistes, trois sont d'authentiques ballades, la quatrième un peu moins mais reste quand même pas très énervée... Mais ce n'est pas tout, Mr. Big, même quand il reste relativement pêchu, verse parfois dans le rock aux accents pop très prononcés (She's All Coming Back To Me Now dont le couplet est à la limite de la BO pour teen movies ricains). 

. Et puis, il y a le souci qui a sauté aux oreilles de pas mal de personnes quand les premiers extraits sont apparus sur le net : le son n'est quand même pas extra ! La basse est trop en avant, la guitare s'en sort bien mais la batterie ne sonne pas terrible (elle est sous-mixée) et l'ensemble a quelque chose d'un peu étouffé et brouillon. Defying Gravity n'en est pas inécoutable pour autant, il ne faut pas exagérer, mais on était en droit d'attendre mieux d'un tel groupe et d'un tel producteur. Rappeler Kevin Elson pour ce résultat-là ? Dommage.

Defying Gravity est un album globalement sympa qui suscite de l'enthousiasme mais également un peu de déception. Personnellement, je l'écoute tout de même avec un certain plaisir et trouve toujours suffisamment de talent à ses géniteurs pour en retirer quelque chose mais, clairement, Mr. Big a fait mieux. On trouve ici quatre ou cinq pistes (les trois premières, Mean To Me, 1992...) qui valent le détour et le reste du disque en compte quelques autres qui, si elles ne sont pas forcément exceptionnelles, restent agréables. Avec une production plus soignée (un mix plus équilibré) et un peu plus de vigueur, ce neuvième opus aurait pu se trouver classé plus haut dans la discographie du groupe (dans mon classement, en tout cas) mais il demeure recommandable et fera passer un bon moment aux fans du groupe cet été. 

Tracklist de Defying Gravity :

01. Open Your Eyes
02. Defying Gravity
03. Everybody Needs A Little Trouble
04. Damn I'm In Love Again
05. Mean To Me
06. Nothing Bad (About Feeling Good)
07. Forever And Back
08. She's All Coming Back To Me Now
09. 1992
10. Nothing At All
11. Be Kind