Marilyn Manson n'est, en 1998, pas encore tout à fait le pire ennemi de l’Amérique ; on le prend encore pour un illuminé qui ne passera pas l’hiver et qui va se noyer dans ses multiples provocations. Ce n’est pas en se torchant avec la Bible, en faisant disparaître des micros dans son rectum (ou celui du voisin) ou bien encore en utilisant l’imagerie fasciste que l’on construit une carrière… Ah si, on peut, en fait ?
Bref, le révérend, homme aux multiples talents, surtout en terme d’image, nous fait le coup du contrepied ! Ah ben dis donc, celle-là on ne l’avait pas vue venir ! Imagerie digne de David Bowie, androgyne, à la fois super glam et super inquiétant. C’est la surprise générale ! Ben il est passé où, le Manson anti-chrétien ? Eh bien pratiquement disparu ; nouveau disque, nouveau concept, et donc deux nouveaux cycles :
Le premier avec The Dope Show - New Model No. 15 - I Want To Disappear - Fundamentally Loathsome - I Don't Like The Drugs (But The Drugs Like Me) - Rock Is Dead - User Friendly, puis le second avec The Great Big White World - Posthuman - The Speed Of Pain - The Last Day On Earth - Disassociative - Mechanical Animals - Coma White. La première partie est axée sur le showbiz et les médias, tandis que le second balaye des sentiments alambiqués et plus torturés.
Il ne deviendra pas pour autant l’idole de l’Amérique, puisque Manson passe une bonne partie du disque à louer les substances psychoactives, ce qui en termes de bienséance à l’américaine ne colle pas bien. Il vaut mieux être blanc, raciste, et si vous avez une mèche rousse et aboyez comme un chien, vous avez plus de chances de devenir président ! C’est aussi ça, le rêve américain.
Mais je m’égare une fois de plus et pour en revenir à la qualité intrinsèque de cet album, eh bien c’est certainement l’album le plus rock au sens noble du terme, jalonné de tubes, débordant d’ambiances variées et surtout virevoltant entre des styles bien différents les uns des autres.
Il y a d’abord les tubes, Rock Is Dead (merci Matrix) et The Dope Show. Ces titres sont d’une efficacité incroyable qui, à l’inverse du sentiment de révulsion et de malaise d’Antichrist Superstar, est fait pour la population qui écoute la radio. Et même s'il reste quelques réminiscences indus sur Posthuman ou User Friendly, on comprend de suite que la rupture avec Reznor est bel et bien consommée. Autre exemple, un titre comme I Don't Like The Drugs (But The Drugs Like Me), avec sa conclusion sur fond de chant gospel, donne là encore une nouvelle dimension à ses compositions. C’est clairement un nouveau chapitre qui s’ouvre pour Warner et consorts…
Et puis cet album dispose de titres forts en émotions, The Great Big White World propose un voyage tout en douceur et en grandiloquence, Coma White ou encore Mechanicals Animals nous offrent des sensations tout en désillusion, et la « ballade » The Last Day On Earth (que je ne saurais trop vous conseiller sur le live qui a suivi) enterre définitivement le peu de joie qu’il restait au fond de votre petit cœur.
Manson est au sommet de son art sur cet album, à la fois complexe et direct, doux et dingue, amour et haine ; il se détruit pour reconstruire un nouveau personnage qui restera, à mon sens, le plus emblématique de sa carrière.
Tracklist de Mechanicals Animals :
01. Great Big White World 02. The Dope Show 03. Mechanical Animals 04. Rock Is Dead 05. Dissociative 06. The Speed Of Pain 07. Posthuman 08. I Want To Disappear 09. I Don't Like The Drugs (But The Drugs Like Me) 10. New Model No. 15 11. User Friendly 12. Fundamentally Loathsome 13. The Last Day On Earth 14. Coma White 15. Untitled
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