C H R O N I Q U E

Chacun a bien le droit d'avoir son album de Maiden préféré. La subjectivité est de mise quand il s'agit d'art et qui sommes-nous pour affirmer que Powerslave est meilleur que The Number Of The Beast ou que Killers enterre le premier album ? Au fond, tous les disques sortis par le groupe dans les années 80 contiennent leur lot de classiques intemporels et vouloir les départager peut s'avérer aussi compliqué qu'inutile. Si vous venez me voir et me dites que Piece Of Mind est le meilleur album d'Iron Maiden, je ne partagerai pas votre point de vue... mais je ne serai pas choqué. Mais Fear Of The Dark ? Non, je ne peux pas. Je ne comprends pas. Et j'ajouterai même que cet opus, sorti en 1992 (et donc hors de la décennie magique), est pour moi l'un des disques les plus surestimés de la bande à Steve Harris. Tout cela n'est qu'affaire de goût bien sûr, et je n'ai pas plus (ou moins) raison que quelqu'un d'autre... mais je vais quand même m'expliquer.

Commençons par le positif et par ce qui pourrait donc expliquer, en dehors du fait que quelques fans ont découvert Iron Maiden avec ce disque, l'engouement démesuré (à mes yeux) de certains pour cet album. L'extérieur tout d'abord. On sait que les illustrations jouent un rôle à ne pas sous-estimer dans la carrière des Anglais et la pochette de Fear Of The Dark est une vraie réussite. Singulier, sombre... le visuel est marquant. Le contenu maintenant. Le son ? Meilleur que celui de No Prayer For The Dying car plus costaud. Les chansons ? Oui, il y a de beaux morceaux. Doit-on parler de la chanson titre, hymne parmi les hymnes, dont le groupe ne saurait se défaire en concert ? N'ayons pas peur des mots, Fear Of The Dark (la chanson) est un chef-d'oeuvre. L'intro est à la fois calme et inquiétante, puis vient la tempête (une belle accélération secondée par des mélodies ravageuses) avec ses changements de rythmes et de superbes parties de guitares. Une vraie réussite ! Et en live, cette chanson reprise par des milliers de voix reste un grand moment. Il y a aussi la rapide et incisive Be Quick Or Be Dead qui ouvre l'album avec punch et agressivité. N'oublions pas la belle Afraid To Shoot Strangers, au couplet planant et aux mélodies accrocheuses, une compo épique à l'atmosphère particulièrement prenante. Et puis ? Et bien... on arrive au coeur du problème, parce qu'à part ces trois chansons, il n'y a (presque) plus grand chose de consistant à se mettre sous la dent !! Et l'album contient tout de même douze morceaux pour environ une heure de musique. Et c'est long... trop long.

Pour avoir le droit de goûter aux trois très bonnes compos sus-citées, doit-on subir un paquet d'autres chansons plates et sans envergure ? Est-ce le prix à payer ? N'est-il pas un peu trop élevé ? Fear Is The Key, Wasting Love, The Fugitive, Chains Of Misery, The Apparition... Vous vous en souvenez ? Le groupe lui-même s'en souvient-il ? Pas vraiment semble-t-il, si on se réfère aux setlists de Maiden depuis bientôt vingt ans. Combien de ces chansons sont devenues des classiques ? Et combien ont été reprises par d'autres groupes sur des tribute albums ? Vous connaissez les réponses à ces questions... rhétoriques. Mais vous allez me dire : "Oui, enfin ça ne veut rien dire, ces titres ne sont pas forcément mauvais pour autant". Soit. Et il est vrai que quelques compos pas si soporifiques que cela se cachent dans ce Fear Of The Dark. Par exemple, je n'ai pas cité Judas Be My Guide. Très sympa. Et dans une moindre mesure, la plus hard rock Weekend Warrior s'écoute aussi. From Here To Eternity, moui... à la limite (malgré ce refrain un peu pénible car très répétitif). OK, admettons. Mais si on compare tous ces morceaux aux innombrables classiques présents sur les albums de la décennie précédente, avouez quand même que c'est un peu mince. Non ? Ajoutez à cela un Bruce Dickinson fatigué (et parfois fatiguant) qui ne livre pas sa meilleure performance et vous aurez compris pourquoi, décemment, Fear Of The Dark ne peut pas, à mon avis, figurer parmi les classiques de la vierge de fer.

Comment se fait-il que les Anglais soient restés si populaires après avoir servi une brochette d'albums oscillant entre le médiocre et le franchement pénible (le décevant No Prayer For The Dying, l'inégal Fear Of The Dark, les deux albums suivants avec Blaze Bailey) pendant une décennie ? Iron Maiden est un groupe qui peut compter sur ses fans et cela n'a pas de prix. Artistiquement parlant, sur le disque qui nous intéresse aujourd'hui, le quintet (il n'y avait que deux guitaristes à l'époque) était en tout cas déjà en nette perte de vitesse. Le manque d'inspiration commençait à sérieusement se sentir. Alors bien sûr, comme je le disais au début, chacun peut bien avoir son album de Maiden préféré. Mais tout de même, prenez garde à rester crédible ! Fear Of The Dark ? Sérieusement ??

Tracklist de Fear Of The Dark :

01. Be Quick Or Be Dead
02. From Here To Eternity
03. Afraid To Shoot Strangers
04. Fear Is The Key
05. Childhood's Ends
06. Wasting Love
07. The Fugitive
08. Chains Of Misery
09. The Apparition
10. Judas Be My Guide
11. Weekend Warrior
12. Fear Of The Dark

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