Artiste/Groupe:

Godflesh

CD:

Post Self

Date de sortie:

Décembre 2017

Label:

Avalanche

Style:

Metal Industriel

Chroniqueur:

Kjeld

Note:

19/20

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Je n'en attendais rien. Godflesh s'était tu en 2001 après un Hymns destabilisant, moins magique, presque décevant. Treize ans d'un silence que l'on croyait définitif et puis le duo était revenu à la vie en 2014 avec un nouvel opus inespéré qui fit malheureusement l'effet d'une douche tiède. A World Lit By Fire, comme tous ces albums du come back, semblait forcé, surjoué, Godflesh partiellement vidé de son feeling désenchanté... Godflesh qui joue du Godflesh, mais qui n'est plus Godflesh.
Je n'attendais donc rien de ce Post Self et c'est finalement très distraitement que j'écoutais, une fois seulement, le premier extrait dévoilé quelques semaines avant la sortie du disque. Pas envie de m'investir, pas envie d'être déçu, déjà préparé à ne pas aimer. Et puis... et puis le groupe livra au monde un second titre quelques jours avant la sortie de la bête, l'énorme Be God. J'étais distrait, je suis scotché, choqué, le morceau tourne en boucle, je ne veux pas que ça s'arrête. En cinq minutes les Anglais mettent tout le monde d'accord, tout le monde à genoux. Le titre est intense, son aura est vénéneuse, Be God est oppressant, la profondeur d'antan intacte. Dix-huit ans après les dernières mesures de Us And Them, j'entends de nouveau Godflesh, l'unique, et je pleure d'espoir.

L'album confirmera quelques jours plus tard. Godflesh est redevenu lui-même, flippant et totalement désabusé. Le rejeton toxique de ce Birmingham industriel se refait l'écho triste des champs d'usines, redevient la bande son blafarde d'un paysage de hauts fourneaux crachant du noir dans un ciel déjà plombé. Godflesh, ce bruit parasite des villes blêmes et enfumées qui raconte l'envers du décor, la coulisse laide et cancérogène de notre monde impur, société fragile qui se tient sur un fil.
Que l'agression soit primitive, rugueuse, qu'elle soit brutalement appuyée par des rythmiques martiales et des beats dont l'austérité n'a d'égale que leur lourdeur extrême. Que la sentence soit déclamée par des cordes vocales déchirées ou psalmodiée d'une voix blanche filtrée dans cette célèbre réverb tombante, Godflesh expose froidement le prix à payer et signifie, avec ses sons à lui et cette musique urbaine que lui seul peut produire, la mort de nos espoirs, même les moins fous. Le duo joue avec les ambiances, toujours désilusionnées, il nous écrase sous le roulis d'une basse liquide, presque dronesque. La machine Godflesh nous malmène, nous concasse et nous soulève dans un tourbillon de guitares soudainement aériennes pour nous remettre à terre l'instant d'après alors que le riffing mécanique redevient massif et sans pitié.

Impossible d'extraire des moments forts quand aucun moment n'est faible. Evoquons à la volée Pre Self qui s'élève comme un mantra industriel, ses phrases qui se répètent et s'effondrent dans l'écho. La pulsation robotique de In Your Shadows et ses leads funèbres, le groove mort de No Body et le final, The Infinite End, magnifique de désolation, d'une splendeur glaciale que l'on ne retrouve que dans le toucher torturé de Justin Broadrick. A aucun moment Godflesh n'est en dessous de tout ce que l'on attend de lui. Le monstre Streetcleaner n'est pas si loin, Pure non plus... oui, nous sommes à ce niveau d'excellence. Durant ces quarante-cinq minutes inattaquables et inimitables, la scène métallique industrielle des années 90 semble renaître de ses cendres froides. Passe même, comme un spectre, le dub acide du vieux Scorn dans ce Post Self souverain qui replace le groupe sur un trône que lui seul peut occuper, et ce jusqu'à la fin des temps, peu importe ce que la concurrence pourra proposer.

 

 

Tracklist de Post Self : 

01. Post Self
02. Paradise
03. No Bodies
04. Mirror Of Finite Light
05. Be God
06  The Cyclic End
07. Pre Self
08. Mortality Sorrow
09. In Your Shadow
10. The Infinite End