C H R O N I Q U E

Imaginez un homme, seul, cloîtré depuis des jours et des jours dans une pièce ne dépassant pas les dix m2. Imaginez la terreur, la tourmente dans son esprit, les questions qui l’assaillent, les réponses qui ne se bousculent pas, la peur de finir à jamais dans un tombeau fait de silence et de plomb. Imaginez-le maintenant en musique, se dandinant sur les rythmes, les mesures et les sonorités, se débattant, seul, comme Don Quichotte face à ses terribles moulins à vent. Vous avez là le dernier album de Fäulnis, la dernière bombe de noirceur industrielle tout droit venue d’Allemagne.

Snuff // Hiroshima - c’est son petit nom - est un véritable condensé de violence acharnée, celle de l’homme, qui face à un mur de marbre, sans parole ni ressentiment, tente, inlassablement, de détruire cette prison qui l’accable.

Avec un Black Metal d’une efficacité sans failles, les guitares qui coupent dans la chair telles de véritables éclats de verre, le chant agressif et tourmenté, Fäulnis parvient assez facilement à convaincre l’auditeur avec une sincérité à la fois froide et violemment lucide. Et on ne s’y trompe pas, quand la première piste de l’album s’intitule Grauen, qui peut à la fois se traduire par « se lever », se lever, pour affronter, une dernière fois, la vie marquée du sceau du non-sens absolu. Mais aussi par "horreur" et "terreur", liés quant à eux aux thèmes morbides des snuff movies...

L’introduction est puissante, la voix bien posée, parfois même proche de celle de Niklas Kvarforth du groupe Shining (Suède), qui nous amène ensuite avec efficacité vers la piste suivante, sans doute le « tube » de l’album, Weil Wegen Verachtung, dont le groupe a même tiré un clip assez décalé. Vous avez là tous les ingrédients du tube dit classique : un refrain poignant, un chant criard et parfaitement maîtrisé, une mélodie entraînante et impeccable. Mais Fäulnis ne se résume-t-il qu’à ça ? Serait-il un Woland-bis ? Non, bien sûr que non, ça serait faire offense au groupe allemand de les associer à une mouvance Black en quête de sonorités accrocheuses et d’un public soi-disant avant-gardiste.

Atomkinder Und Vogelmensche et Distanzmensch, Verdammter montrent au contraire que le groupe travaille à la perfection son Black Metal acharné et suffocant. Dans la première citée on entend un son qui, pour nous français, nous est très familier, puisque c’est le son qui annonce traditionnellement le premier mercredi du mois ! Héhé !

Mais trêve de  babillage car Fäulnis ne fais pas dans la demi-mesure et les gamineries collégiales. Le groupe construit avec minutie une musique qui sait allier violence et démence du cri de Seuche, à des mélodies méchamment efficaces, comme sur  Distanzmensch, Verdammter. Il manquerait peut-être une petite touche de complexité, qu’auraient pu amener des pistes plus atmosphériques, et le tout aurait été parfait.

Pour autant, on retrouve notre fameuse histoire du début. L’image de l’homme torturé refait surface et nous fait penser aux sulfureux et inquiétants snuff movies. De temps à autres, en effet, on entend une voix désespérée, agonisante, sur laquelle vient ensuite prendre appui la violente et puissante voix de Seuche. Comme si la volonté de cet homme, cloîtré entre quatre murs, revenait peu à peu pour refaire surface et finir, une fois pour toute, un travail dont on ignore encore le but et l’accomplissement.

Mais ce que l’on peut voir, nous, en tant qu’auditeurs-spectateurs d’un récit à la fois bouleversant et sacrément prenant, c’est que le dernier Fäulnis, Snuff // Hiroshima, est une belle réussite. Du Black Metal violent et acharné, dont il faut avouer que le succès repose en grande partie sur la voix poignante et très bien maîtrisée de Seuche. On espère un travail encore plus soigné sur les ambiances pour les prochains albums, afin d'atteindre une possible perfection du groupe. Dans tous les cas, en ce que concerne le dernier, Fäulnis a rempli sa part du contrat, alors bravo. 

Tracklist de Snuff // Hiroshima :

01. Grauen
02. Weil wegen Verachtung
03. Distanzmensch, Verdammter
04. Abgrundtief
05. Paranoia
06. Durch Die Nacht Mit...
07. In Ohnmacht
08. Atomkinder Und Vogelmenschen
09. Hiroshima

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