C’est un disque hors du temps que nous propose Erudite Stoner ; trente-quatre minutes d’un autre siècle, d’un autre style musical avec certainement d’autres objectifs. Un homme, une guitare sèche, des notes, des ambiances et beaucoup d’émotions. L’album éponyme d’Erudite Stoner est un ovni musical dans un temps où le bruit et le rythme prennent parfois le dessus sur les mélodies. A mi-chemin entre Mike Oldfield et le Concerto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo, l’album contient la puissance imaginative de l’un et l’étonnante modernité musicale de l’autre. Nous ne sommes clairement pas dans du metal. Alors calmez-vous, respirez un grand coup à fond, ouvrez votre esprit et plongez-vous dans l’extrême mélancolie de Erudite Stoner.

Le cadre d’abord. Erudite Stoner est le projet solo du guitariste et compositeur brésilien Matheus Novaes. Ce jeune homme, qui admet avoir des influences post-rock, doom-shoegaze (pas trop visibles à mon avis sur ce disque) nous propose un album de neuf titres courts, joués uniquement à la guitare classique. 100% musicaux, ultra émotionnels et hyper sensitifs, les titres nous font passer des plaines désertes et venteuses (Spiritual Deliverance) à l’extrême solitude humaine en milieu urbain (Far Away From City’s Walls). Ce qui est intéressant c’est que les morceaux semblent toujours placer l'auditeur comme observateur des événements. Du coup, il lui est très facile à de s’approprier les titres et donc de projeter ses propres visions et émotions sur la musique. Une vraie force qui permet de réécouter les titres presque en boucle.

Si l’album s’ouvre sur le rural et contemplatif Spiritual Deliverance, la suite est plus citadine et communautaire. Alienist nous sert de jonction. Le titre sous ses tonalités inquiétantes est, peut-être, celui qui se rapproche le plus de notre style musical préféré. Le trio Ride To Nowhere, Far Away From City’s Walls et There Is No Home me fait personnellement et totalement penser au travail de Mike Oldfield du début des années 1970. Entre approche hippie et une touche de rock, les titres sont tenus à bout de bras par la virtuosité de Mattheus Novaes. Les atmosphères et les rythmes changent, laissant toujours derrière eux une irrépressible trace de mélancolie et le frisson de tristesse d'un passé glorieux mais révolu. Pour ma part, j'ai eu un coup de coeur pour There Is No Home. Mélodique et poignant, ce titre me rappelle ma découverte, il y a de ceci plus de trente ans, des albums Ommadawn et Tubular Bells. Une cure de jouvence bienfaitrice. 

Waiting For The Storm est plus classique dans sa construction initiale et dans les émotions qu’il soulève. Si ce n’est les trente secondes médianes qui représentent l’orage qui s’abat sur nous, le titre ressemble un peu à une comptine de notre enfance. Le schéma est assez similaire pour Sand Path, mais avec des teintes plus américaines qui évoquent les grandes plaines d’Arizona. Cette teinte cowboy solitaire se poursuit avec le Roads To Somewhere. Mais un cowboy hispanique, qui prendrait une pause près d’un feu dans une vaste étendue de la Sierra Nevada. Le titre reste fin mais les superpositions de gammes et les ruptures musicales lui donnent un peu plus de volume. Left Behind est un très beau titre de conclusion. Il tient en tout cas la place qui lui convient dans l’album. Ses consonances presque médiévales lui donnent un charme étonnant, quelque chose d’hors d’âge.

Un joli album, à écouter si on désire faire un break et profiter d’un moment de contemplation et d’introspection.

Tracklist de Erudite Stoner :

01. Spiritual Deliverance
02. Alienist
03. Ride To Nowhere
04. Far Away From City's Walls
05. There Is No Home
06. Waiting For The Storm
07. Sand Path
08. Roads To Somewhere
09. Left Behind