Deadly Carnage

Artiste/Groupe

Deadly Carnage

CD

Manthe

Date de sortie

Mars 2014

Label

ATMF

Style

Doomed Black Metal

Chroniqueur

Mythos

Note Mythos

16/20

Site Officiel Artiste

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C H R O N I Q U E

Avec un nom de cet acabit, on s’attendrait légitimement à entendre du bon gros Brutal Death sale et bien bourrin. Pourtant, le mal nommé Deadly Carnage ne fait pas dans le gore ; Manthe, troisième album des Italiens, est en fait un condensé de Black Metal assez sophistiqué, tout en contrôle, qui se laisse parfois aller à la lourdeur effective du Doom. Le résultat est pour le moins intéressant et mérite en tout cas une écoute attentive.

Avec sa voix de baryton purgée à la țuică ou à l’amaretto frelaté, Marcello en impose vocalement. Solidement et puissamment posée sur des guitares acides, la voix atteint parfois une perfection surprenante. Dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau évoque ce magnifique « cri de la nature », cet état présocial où l’homme vivait encore dans l’inconscience de la violence symbolique, que la construction collective de l’Etat allait bientôt faire apparaître. La voix de Marcello me fait vraisemblablement penser à ce cri naturel, cri pur et harmonieux, qui se laisse entraîner dans une complainte dithyrambique face à un monde qui change et crée ses propres démons. La cinquième piste, Il Ciclo Della Forgia, est la plus parfaite à ce niveau. Le groupe démontre en effet, avec une simplicité qui lui est propre, que le Black Metal est un genre dont les accointances avec la musique lyrique sont évidentes et qu’il ne faut pas hésiter à les saisir. Le risque d’échec total est fatalement présent, certes, mais si la réussite est au rendez-vous, comme c’est le cas ici, on admire alors la complexité des harmonies avec une euphorie évidente.

Deadly Carnage penche parfois vers du folk atmosphérique à la Empyrium, comme le montre la première piste de l’album, Drowned Hope, mais toujours avec une mélancolie parfaitement juste. Celle qui ne va pas se laisser entraîner dans le désespoir et les vaines lamentations, mais au contraire montrer son acharnement, sa détermination, d’entraîner le monde entier dans sa chute, avec une violence cathartique qui nous amène constamment au bord du gouffre du non-sens quotidien.

Past brings me down

As my body crawls around

Past suffocates all lights

As dark as my first night

I could feel the wounds

Bleeding inside

In the centre of the eye

Marcello crie ces magnifiques paroles avec une force parfaitement maîtrisée. On est tenté de l’accompagner au chant, seul dans notre douche ou dans le métro, tant la mélodie est accrocheuse, et ça, peu de groupes de Black Metal savent le faire avec autant d’authenticité. Les autres pistes suivent la danse, parfois violentes, comme c’est le cas avec Carved In Dust et Beneath Forsaken Skies, parfois plus mélodiques, comme Dome Of The Warders (très joli titre d'ailleurs). La dernière piste est quant à elle un savant et intéressant mélange des précédentes, elle conclut en quatorze minutes un album qui nous aura emporté dans une violence mélancolique, à travers des émotions à chaque fois criantes de finesse et de justesse.

L’album de Deadly Carnage touche musicalement et philosophiquement à la violence d’une prise de conscience brutale d’une vie sans but et sans fondement, dont le non-sens absolu en fait toute sa mélancolie et tout ce « je-ne-sais-quoi » qui caractérise notre présence ontologique au monde. Chez les Italiens, cette sensation passe par un « cri », cri extrême de la nature, qui bouleverse autant que soulève notre bile, pour le bien et le désespoir de notre propre conscience.

Tracklist de Manthe :

01. Drowned Hope
02. Dome Of The Warders
03. Carved In Dust
04. Beneath Forsaken Skies
05. Il Ciclo Della Forgia
06. Electric Flood
07. Manthe

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