Anthrax

Artiste/Groupe

Anthrax

CD

Worship Music

Date de sortie

Septembre 2011

Style

Thrash Metal

Chroniqueur

Hellblazer

Note Hellblazer

15/20

Site Officiel Artiste

Myspace Artiste

C H R O N I Q U E

Huit ans de gestation, enregistré avec Dan Nelson, celui-ci viré, John Bush rembauché en interim, reparti entre-temps, Joey Belladonna revenu (après une première embauche) puis testé sur une tournée de reformation, avant que Worship Music ne soit ré-enregistré avec lui. Ce qui a permis au combo non seulement de tester les titres en live, mais en plus de donner au bon vieux Joey l'occasion de s'approprier cet album, et enfin de solidifier les compos lors de la ré-écriture d'une bonne partie du disque. Dire que les New-Yorkais étaient attendus au tournant est un violent euphémisme, tant leur crédibilité en avait pris un coup avec les multiples revirements précités. Et boum, voilà Worship Music l'arlésienne qui débaroule tout de même, juste avant d'être classé cousin germain de Chinese Democracy, avec quatorze titres dont un bonus sur l'édition limitée.

Quid du contenu de ce tant attendu opus ?

Worship ressuscite une habitude qui a tendance à se perdre : la bonne vieille intro qui met le ton en faisant monter la pression sur une ambiance fantômatico-religieuse ou des larsens éthérés préviennent l'auditeur qu'ici on vénère la musique et que ça va décoiffer. Ca démarre donc pied au plancher sur une rythmique 100% thrash avec un Earth on Hell qui résume plutôt bien le grand écart que fait le groupe entre passé (époque Belladonna et ses galettes fondatrices) et futur (époque Bush et son énergie créative pour une version plus moderne d'Anthrax). Up-tempo furieux breaké d'un salvateur mid en béton, avant de repartir pédale au plancher, ce titre n'est pas vraiment une révolution, mais plutôt une bonne synthèse de l'oeuvre du groupe.

Mais la surprise vient de là où on ne l'attendait pas forcément : Joey Belladonna se voit offrir une seconde chance et le bougre ne se la joue pas snob, il envoie du gros, avec une énergie impressionnante (il a dû secrètement écouter Bush...). Sa voix est immédiatement reconnaissable, mais son turbo est dans la zone rouge et il donne tout ce qu'il a. Résultat : une osmose retrouvée avec ses comparses et un vrai cadeau pour les fans qui pouvaient craindre une reformation plus médiatique que pertinente.

Derrière, ça enchaine sévère avec le tubesque The Devil You Know, plus moderne, up-tempo moins classique que le thrash type. Ponctué de breaks et changements, ainsi que d'un solo de Caggiano (c'est une nouveauté, et il en est fier). Axé sur un riff efficace où l'on retrouve le son qui faisait aussi la réussite de WCFYA, voilà un morceau rentre-dedans qui fera mouche en live, soutenu par un refrain à la mélodie imparable.

Fight'Em Till You Can't ouvre les hostilités sur un sample vocal de policier qui annonce à la radio que les morts se réveillent, puis abat ses cartes illico : thrash total sur guitare furieuse, avant qu'un break n'annonce la véritable struture de la chanson, déclamée avec rage par Belladonna. Refrains scandés en rythmique rapide, repris par un riff tournoyant sur une mélodie épique et à laquelle le groupe ne nous a pas habitué. L'on sent qu'ils se sont pris la tête pour proposer un niveau un peu plus élevé que le menu de la cantine. Là encore, Rob Caggiano s'éclate sur sa six cordes avec un chouette solo que renforce Scott Ian à la rythmique acérée. Jolie baffe.

I'm Alive, en cinquième position, s'ouvre en crescendo ténébreux avec une rythmique guitare soutenue en mid-tempo, des choeurs guerriers qui montent, et explosent au bout d'une minute sur un mid dévastateur... quel son ! Joey étonne par ses modulations, ce titre proposant une réelle alternative avec ce qu'a fait Anthrax jusque-là. Un refrain - encore une fois à tendance épique - qui ferait presque partie de la famille Edguy (certains vont hurler !) dévoile clairement une nouvelle facette du groupe, dont un beau solo inspiré et pas démonstratif (eh oui, encore). Original et sans (trop de) violence (même s'il envoie bien), ce titre permet de souffler et crée un ensemble avec la sobriété de Hymn 1 et ses quarante secondes de violoncelle très bas qui se coule en rythmique soutenue (façon Apocalyptica), pour laisser débouler le tocsin de In The End... quelques secondes après, un riff débarque avec un backsound atmosphérique à la fois inquiétant et aux allures de conquête guerrière... Le tout se mue, une minute plus tard, en un mid-tempo sec (batterie qui claque couplée au riff diabolique du sautillant Scott), aeré par un refrain altier très mélodique qui ne perd pas en puissance, grâce aux deux bretteurs guitaristes, et au timbre de Joey qui ne lâche rien et prend son rôle très au sérieux. L'ensemble n'est vraiment pas commun chez Anthrax, et personne, à son écoute, ne pourra leur reprocher de ne pas se renouveler ! D'autant plus quand se dévoile la seconde moitié du titre, plus rapide, avec double ration de riffs sauvages et des atmosphères rares jusque-là chez Anthrax (un genre de Black Lodge en plus sec), avant de calmer le jeu jusqu'au retour du tocsin et un final explosif. Mention spéciale au son très costaud et épais qui transpire de cet abattage en règle de presque sept minutes, qui reste l'un des meilleurs du disque pour son originalité et son ambiance.

Comme on ne peut complètement oublier son passé, The Giant puise dans les racines du groupe, rappelant immanquablement la furie saccadée de I'm The Law avec un peu plus de densité dans les refrains. Et toujours des attaques de riffs assassins ponctuées de soli du père Caggiano en libération totale.

Hymn 2 est un roulement de tambour façon militaire de quarante quatre secondes aux allures de récréation, avant Judas Priest et son riff ponctué de silences et cymbales en intro, puis un déroulement en trois actes pour partir sur une ligne vocale plus nasillarde, un mid-tempo plombé de up-tempi... un vrai titre à tiroirs hommage à vous devinez qui, avec un refrain rapide et la hargne de Joey qui suinte...

Crawl et son intro en gratte désincarnée laisse penser que Miles Kennedy ou John Bush ont repris le micro (et encore, belle prouesse de Belladonna dont le chant a vraiment du relief)... une fausse lenteur qui explose après une minute sur un mid en acier trempé, entrecoupé de breaks étonnants, la suite étant relancée par un couplet plus soft mais bien soutenu, qui monte, qui monte... et ça repète, en up-tempo. Très original, enflammé de soli inspirés, l'ensemble finit en crescendo fédérateur qui lui aussi fera mal en live. Voici encore un morceau hyper créatif qui nécessitera plusieurs écoutes pour être domestiqué, mais qui laisse son empreinte dés la première écoute, avec cet petite outro en cymbales inattendues.

The Constant ne rigole pas non plus, attaqué sur les chapeaux de roues avec un riff méchant sur un mid en béton, qui laisse place à Joey pour envoyer la purée sur une rythmique solide, qu'un refrain plus classique (pour le groupe) soutient en mid et en up-tempo (les changements de rythmes sont légions dans le disque, c'est aussi jouissif que déroutant), reprenant sa route bille en tête sur ce mid bien méchant avec un solo à la wah-wah bien envoyé.

Revolution Screams clôture la fête avec une déflagration sonore de trente secondes (Anthrax a appris le sens de la mise en scène !) qui ouvre les portes à une cavalcade pur thrash, avec de surprenants breaks plus lents, où Joey hurle la révolution. Scott, pour la fin, campé sur son instrument, défouraille ses rythmiques implacables sur une batterie rapide, tandis que Belladonna lâche son texte avec une lenteur paradoxal pour un effet garanti. Orgasme final de tous, menés par un Caggiano en furie, pour un titre qui se veut un hymne et une revendication à la fois.

Pfiouu... on sort de ce trip avec la tête bien rempli et l'impression globale qu'Anthrax a fait de son mieux pour proposer de la densité sur ce disque. Il y a un travail énorme, un son du même calibre, et une inspiration égale. Cependant, l'on sent aussi que le groupe, sous prétexte d'offrir un travail soigné, s'est un peu compliqué la tâche, là où We've Come For You All (au hasard...), faisait mouche, allait à l'essentiel et se dotait d'une inspiration folle.

On est donc un cran en dessous, indéniablement, mais très, très largement au-dessus de ce que l'on redoutait de découvrir avec tristesse. Un vrai tour de force des New-Yorkais, donc, qui propulsent presque ce disque au rang des meilleures livraisons de leur ère "moderne", et qui trouvera donc sa place dans un tryptique composé de WCFYA, Sound Of White Noise et... Worship Music, donc.

Globalement, une belle surprise et un bien bel effort auquel on ne croyait plus, et même si l'on est toujours plus exigeant avec des calibres comme les membres du Big Four, il serait malhonnête de ne pas reconnaître leur talent, car cet opus enfonce pas mal de disques actuels. Toutefois, on est un peu passé à coté d'un retour flamboyant doté d'un album légendaire... pour la prochaine fois, peut-être ?

 

Tracklist de Worship Music :

01. Worship (Intro)
02. Earth on Hell
03. The Devil You Know
04. Fight 'em 'Til You Can't
05. I'm Alive
06. Hymn 1
07. In the End
08. The Giant
09. Hymn 2
10. Judas Priest
11. Crawl
12. The Constant
13. Revolution Screams
14. New Noise (reprise de
Refused - Bonus Track)

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