Artiste/Groupe:

Alkaloid

CD:

Liquid Anatomy

Date de sortie:

Mai 2018

Label:

Season Of Mist

Style:

Death Technique et Progressif

Chroniqueur:

JimBou

Note:

19/20

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Alkaloid - Liquid Anatomy, ou l'émancipation cosmique...

 

Il existe, parmi la constellation de groupes qui gravitent dans l'immense sphère musicale, ce que l'on se plaît à appeler des supergroupes. Sous ce terme élogieux se cache en réalité non pas un gage de qualité, mais une congrégation de grands esprits qui, après avoir en partie évolué dans différentes formations, ont décidé d'unir leurs talents pour apporter bien souvent quelque chose d'inédit et de particulièrement abouti. Et bien qu'aucun de ses supergroupes ne se targue lui-même d'un tel superlatif, force est de constater que l'aura des membres qui les composent s'en charge naturellement. Alkaloid est l'un d'entre eux.

Rien de très étonnant au vu de son casting cinq étoiles venu des quatre coins de l'Allemagne. Car ce n'est un secret pour personne, la scène Technical Death, qui y est extrêmement prolifique aujourd'hui, jouit d'une réputation mondiale grâce à sa myriade de cracks en tous genres. C'est donc par l'absolue force des choses que le projet d'Alkaloid vit le jour en 2014, sous l'impulsion de l'hyperactif et inépuisable batteur Hanness Grossmann (ex-Necrophagist, Obscura, Blotted Science...). Il avait pour l'occasion rassemblé deux de ses anciens camarades d'Obscura : l'incontournable soliste Christian Muenzner et Linus Klausenitzer à la basse, ainsi que le talentueux guitariste/vocaliste Morean (Dark Fortress) et Danny Tunker (Aborted) en troisième guitariste pour boucler la quintette. L'union sacrée qui avait donné naissance au premier album, The Malkuth Grimoire en 2015, était arrivé sans prétentions, ni cérémonial, et livrait pourtant déjà un contenu massif acclamé de toutes parts.

Si ce premier opus s'avérait plutôt difficile d'accès et s'adressait à des auditeurs chevronnés de par son orientation Extrême Progressif aux effluves Technical Death, Liquid Anatomy, son successeur direct, viendra fluidifier l'approche des cinq musiciens en conservant néanmoins la recette qui donne tant de charme à l'OVNI qu'est Alkaloid. On y retrouve ainsi des morceaux aux influences affirmées et bien plus diverses qu'auparavant, pour un format de huit pistes bien huilées sur, une nouvelle fois, le thème de Lovecraft dans son étendue cosmique avec les créatures difformes qui la peuplent.

 

Kernel Panic, qui ouvre le bal des confins interstellaires, débarque sur d'étranges notes de clarté dont les airs au synthétiseur et à la guitare, surplombés par un riff taillé dans le marbre, rappellent étonnement quelques ambiances du légendaire groupe Rush. Et si le charme opère d'emblée et va perdurer tout le long du morceau, il sera parfaitement distillé dans la cuvée traditionnelle du groupe avec ses revers éparses d'Extrême Progressif. Une prouesse signée Hannes Grossmann, qui s'est complètement lâché en faisant parler son cœur, pour le plaisir inéluctable de nos oreilles. As Decreed By Laws Unwritten, qui lui emboîte le pas, n'aura pas la même prétention question finesse, car son amas de riffs dévastateurs, qui pourraient décoiffer un chauve, est tracé dans du papier millimétré. Ce pur produit de Danny Tunker, aussi puissant qu'un Gojira énervé, démontre par A plus B l'incroyable capacité que possède Alkaloid à faire rimer prouesse technique et simplicité apparente. Une impression qui viendra se confirmer une bonne fois pour toutes avec Azagthoth, que l'on doit cette fois-ci à l'esprit insondable et visiblement torturé du chanteur Morean. Nouvelle ambiance donc, et nouveau regain, car c'est ce qui fait la force de cet album, qui de long en large s'est forgé à travers l'expression singulière et le génie de chacun de ses membres. Un génie que Morean démontrera suffisamment pour rendre jaloux le plus fervents de ses adeptes, notamment sur ladite Azagthoth, où il se permet même d'introduire avec un solo de guitare des plus dantesques, sur fond de musique orientale gourouesque.

Mais en dehors de ces talents de guitariste, c'est à ses vocalises d'une rare diversité que l'on doit les nombreux aspects de Liquid Anatomy. Car si divers aspects il y a, brin de fraîcheur il y a. Et c'est à la piste-titre qu'incombera ce rôle au sein de l'oeuvre, car portée par ses arpèges harmonieux, ses refrains légers et le solo magistral d'un Christian Muenzner illuminé, elle s'avérera plus calme et éminemment plus belle et abordable que ces semblables. Mais les travers du groupe referont rapidement surface avec l'ultra-progressive In Turmoil's Swirling Reaches où le groupe dévoile la quasi-intégralité de sa palette technique dans un tourbillon saisissant. Hannes Grossmann y fait parler la poudre aux cotés d'un Klausenitzer impérial à la basse, tandis que les solos successifs de Tunker, Morean et Muenzner y sont si propres qu'on pourrait les manger par terre. Non rassasié, Grossmann se fera remarquer une fois de plus sur l'incroyable tandem guitare/batterie qui transcende la merveilleuse Interstellar Boredom dont la structure, totalement inédite et innovante, serait à inscrire dans les manuels d'école de musique. Chaos Theory And Practice quant à elle, s'étalera sur deux parties distinctes : la première extrêmement technique dont la rythmique incessante évoque tout bonnement le chaos, à l'image de son titre ; et la deuxième d'une rare finesse, où les envolées lyriques de Morean, dignes de Between The Buried And Me, donneront un sentiment d'apesanteur des plus salvateurs. Une totale réussite pour ce chef-d'oeuvre torturé qui reprend ouvertement le thème de l'épique Dyson Sphere, présente sur l'album précédent. Puis le clou du spectacle surviendra avec Rise Of The Cephalopods qui, avoisinant les vingt minutes, reprendra l'ensemble des thématiques musicales abordées sur l'album au travers de ses six parties bien remplies. Et si l'on pourrait regretter quelques longueurs par-ci, par-là, cette dernière, qui demandera bon nombres d'écoutes afin d'être apprivoisée, bouclera tout de même l'album avec brio.

Avec Liquid Anatomy, que ce soit intentionnel ou non, Alkaloid a su arrondir les formes par rapport à son premier album en produisant huit pistes de caractère, renfermant chacune leurs approches et leurs mélodies propres. Cette oeuvre restera néanmoins plutôt réservée à un panel d'habitués du genre, mais n'aura aucun mal à se faire entendre raison auprès du premier curieux venu, de par ses qualités indéniables. Que pouvons-nous espérer pour la suite ? Les messagers de Lovecraft ont-ils divulgué l'ensemble de leurs commandements ? Malheureusement, les supergroupes sont bien connus pour être éphémères car, si leur lumière nourrit l'espoir, de leur disparition jaillit un trou noir.

Tracklist de Liquid Anatomy

01. Kernel Panic
02. As Decreed By Laws Unwritten
03. Azagthoth
04. Liquid Anatomy
05. In Turmoil's Swirling Reaches
06. Interstellar Boredom
07. Chaos Theory And Practice
08. Rise Of The Cephalopods

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