Ainulindalë

Artiste/Groupe

Ainulindalë

CD

Nevrast

Date de sortie

Mars 2014

Label

Indépendant

Style

Néofolk

Chroniqueur

Mythos

Note Mythos

17/20

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C H R O N I Q U E

Nevrast. Un magnifique paysage côtier se dessine peu à peu dans une douceur acrylique aux couleurs surannées. Les quelques hommes encore présents dans le village s’activent à leurs tâches, les enfants jouent, insouciants, avec les filets attachés aux barques des marins revenus de la grande pêche printanière. Une nostalgie apaisante habite le tableau ainsi dessiné, en nous laissant tranquillement porter par un charme marin des plus reposant.

Mais on entend, au loin, une musique infiniment douce et altière, qui semble être charriée par le vent salé venu de contrées lointaines et inconnues. Cette musique, on l'appelle Ainulindalë, la "Grande Musique", ou "Musique des Ainur" en langue quenya. Le démiurge à l'origine de cette musique se nomme Engwar. Il porte le projet depuis maintenant plus de dix ans et Nevrast est le dernier album en date du poète.

Chanté dans un registre folklorique très moderne, l’album narre les chroniques d’une région côtière nommée Nevrast, inspirée librement de l’oeuvre du bien connu J.R.R. Tolkien. Ainulindalë, ou la "Musique des Ainur", est le premier récit du Silmarillion. Histoire qui raconte comment le chant des Ainur a formé le monde imaginaire tolkenien. L'album est très réussi et fonctionne pour moi sur une grande synesthésie des sens, des couleurs et des notes. Comme Rimbaud dont je ne peux m’empêcher de reprendre ici les quelques vers de son célébrissime poème Voyelles, qui siéent d'ailleurs si bien à l’album de Engwar :

« Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;

I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles

Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;


U, cycles, vibrements divins des mers virides,

Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides

Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux. »


Nevrast s’inscrit complètement dans ce registre, dans une intersignifiance globale du support matériel en lui même (très bien réalisé), de l’image qui l’accompagne (par l’artiste française Florence Guillot) et évidemment de la musique produite par le groupe, dans laquelle les paroles, très poétiques, jouent un rôle essentiel. Synesthésie qui invite l’auditeur dans un voyage aux sonorités folkloriques et imaginaires du plus bel effet.

Avec ses vingt musiciens, les instruments à cordes qui prennent une place centrale, les voix et chœurs tout aussi centraux et un trombone qui offre une certaine dimension chaleureuse au tout, Ainulindalë nous sert une œuvre construite dans un écrin de velours, tout en douceur, majestueusement poétique et parfaitement maîtrisée. On en vient à regretter le temps trop court de l’album, quarante minutes tout de même, mais quarante minutes magiques, passées dans une barque, elle-même emportée par les flots tranquilles d’une région côtière, emplie d’une mélancolie maritime et touchante.  

Une belle jeune fille, cheveux d’ébène, yeux en amande, visage doux et souriant, se déplace, comme une ombre, à travers ce sublime paysage, riant, courant, puis s’asseyant face à la mer, d’un air nostalgique et altier. Tel est pour moi le tableau qui s’est dessiné sous mes yeux à l’écoute de Nevrast, tant la capacité projective de cet album est à la fois puissante et belle...

A la croisée de groupes comme Artesia ou Vàli, Ainulindalë a donc réussi un pari intéressant, celui de construire dans un registre Néofolk de la plus belle facture, une épopée à la fois douce et mélancolique, sur fond de références poétiques et littéraires qui s’échappent dans des lignes de fuites musicales et forcément personnelles. Nevrast est aussi une réappropriation très intéressante et très originale de l’univers de Tolkien, qui redonne un second souffle à l’œuvre gigantesque du romancier, en lui apportant une nouvelle touche plus poétique et romantique.

Très beau travail de la part d’Ainulindalë sur ce Nevrast, que je recommande chaudement à tous les amoureux de musiques Néofolkloriques, à tous les amoureux d'imaginaires littéraires et synesthésiques, et bien sûr, sans les oublier, à tous les amoureux des bancs publics...



Tracklist de Nevrast :

01. Hither Land

02. The Parting

03. By The Shore

04. Namarië

05. Vinyamar

06. Under May’s Moon

07. Nevrast

08. Distant Land


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