Groupe:

Day Of Harcore 2019

Date:

06 Avril 2019

Lieu:

Angoulême

Chroniqueur:

JeanMichHell

En ce samedi 06 avril 2019, La Nef et Back Scratch s'associent pour une cinquième édition du Day Of Hardcore, un événement qui devient de plus en plus incontournable puisque pour la première fois depuis la création de ce festival, il est sold out. Une belle reconnaissance du public envers un événement sincère, monté par des passionnés pour des passionnés.

Le concept de l’événement est d’offrir à la fois un plateau hardcore avec huit groupes découpés en deux sessions de quatre avec un interlude "skate contest". Les groupes présents cette année sont, et accrochez-vous bien parce qu’il y avait du très lourd : Elephants tout droit venu de Rouen, les Anglais de Guilt Trip, les Allemands de Slope, les Toulousains d’Alea Jacta Est pour la première partie. Et pour la seconde, pas moins que les légendes européennes du genre Knuckledust, les Québécois très énervés de Get The Shot, les Belges de Nasty et les Californiens de Stick To Your Guns. Si là on n’est pas dans du pointu ! Malheureusement, compte tenu d’une météo bien trop maussade, toutes les animations extérieures, dont le skate contest ont dû être annulées. Dommage…

 

Ce sont les Rouennais d’Elephants qui ouvrent le bal de la furie en ce samedi après-midi. Ce groupe, formé en 2013, a déjà deux albums à son actif, Sickness Before Us (2015) et Abuse/ Power/ Fame (2017), et vient aujourd’hui défendre son dernier EP, Desire, sorti il y a quelques semaines.
La prestation du groupe est de très bonne facture, l’énergie mise par Baboune au chant lui permet de chauffer très rapidement le public, qui commence à monter en température dès la troisième chanson. Le pit est déjà prêt à en découdre, le KDS (Karaté dance style) prend place, les pieds et les poings volent, l’échauffement est en marche.

 


Musicalement, le groupe arrive à rester dans les codes du genre tout en incluant beaucoup de riffs différents, agrémentés de breaks et de ruptures rythmiques bien pensées. Ils ont une capacité à proposer une approche non linéaire de leur musique. Le t-shirt Napalm Death de Grégoire le guitariste, fait preuve d’une vision plus ouverte du Hardcore que des standards habituels.

La base rythmique est elle aussi intéressante, le jeu de batterie de Benito prend des allures plus metal par instant avec des accélérations à la double pédale particulièrement bien placées. Quant au bassiste Quentin, il accompagne ses acolytes via les changements rythmiques mais a aussi en charge les chœurs en chant clair, qui évitent le piège du trop « guimauve ».

 

A la fin du set, les échos dans le public sont unanimes pour dire qu’Elephants aura livré une prestation des plus intéressantes. Le groupe aura réussi le pari de mettre le public à bonne température, le festival débute sous de très bons auspices.


Second groupe de la journée, Guilt Trip prend place sur scène, un gros quart d’heure après Elephants. C’est d’ailleurs un des points forts de ce festival : son rythme. Les groupes ont plus ou moins trois quarts d’heure pour jouer, les changements de plateau sont rapides et efficaces, ce qui fait que la journée/soirée est très rythmée. Le quintet mancunien fait dans un registre un peu différent de leurs prédécesseurs. Les compositions sont plus linéaires mais aussi le tempo s’est nettement élevé. Il y a un je ne sais quoi qui me fait penser à Hatebreed, certainement le riffing de guitare qui se rapproche du jeu plus rapide de la dernière production du gang de Bridgeport. Il y a un peu moins de riffs lourds, à tendance mosh-part dans ce que propose ce groupe, qui tend finalement plus vers du punk-metal-core.

 

Et comme le propos se muscle sur scène, cela se muscle aussi dans la fosse. Les slams commencent à être plus anarchiques, et l’envahissement de la scène plus important. La preuve avec le chanteur qui prend un bon coup de pied en plein visage lors d’une des nombreuses sessions de piles-on de la soirée. Rien de bien méchant, et puis ça fait partie du jeu.

Malgré cela, le groupe tient son show avec sérieux et professionnalisme. Enfin, sauf du côté du bassiste, qui ressemble étrangement à mon pote Chico que j’embrasse au passage (ah tout le monde s’en fout ?) et qui arbore un magnifique sweat léopard du plus bel effet. Comme quoi on peut être sérieux dans le propos sans se prendre au sérieux.

 

Troisième protagoniste de la soirée, et véritable première grosse découverte me concernant, le groupe Slope. Ces allemands ont une vision bien à eux du Hardcore. Exit le schéma de composition classique « 2 step - refrain – moshpart » ; ici le Hardcore s’acoquine avec du funk, du pur rock’n roll, et du metal, entre autres… Le chant des possibles est très ouvert, et ces garnements du contrepied me font terriblement penser à Stuck Mojo en un peu plus rugueux.

 

Autre particularité, le groupe possède deux chanteurs, dont les voix se confondent un peu. Il y a peu de complémentarité vocale, en revanche leurs présences scéniques sont bel et bien complémentaires, voire par moment coordonnées. Vous imaginez deux lions dans une cage qui attendent leur morceau de viande, c’est leur attitude sur scène, prêts à se jeter dans la fosse à chaque instant.

La base rythmique est on ne peut plus solide, il suffit d’écouter un morceau pour se rendre compte de la diversité du jeu. Mais celui qui est le maitre du jeu, c’est le guitariste, il est celui qui impulse et oriente les compositions. Il est capable de jouer une quantité de riffs différents avec une aisance incroyable, il est totalement stupéfiant.

Suite au Day Of Hardcore, j’ai gratté, et surtout écouté un peu plus en profondeur les deux EP du groupe disponible sur leur Bandcamp, je peux vous assurer que j’ai retrouvé tous les éléments que je vous cite. Bravo Arnaud, programmateur en chef du festival, tu as trouvé en Slope une très jolie pépite.

 

Changement d’ambiance, et de calibre avec les Toulousains de Alea Jacta Est. Avec treize années actives au compteur, ces vieux briscards du hardcore hexagonal font partie des parrains du genre, et comme bon porte étendard, ils sont bien là pour mettre les points sur les i, des barres sur les t et des grandes mandales dans notre tronche ! Leur réputation les précède pour cette débauche énorme d’énergie sincère et dévastatrice.



Cette montée en puissance est rapidement illustrée par quelques symboles, la fosse rentre littéralement en ébullition, ça devient de plus en plus chaud, la fournaise prend forme, et les services de sécurité doivent prendre soin de quelques protagonistes. Autre point dès la deuxième chanson, Eric le batteur, qui m’aura particulièrement impressionné derrière ses fûts, explose littéralement une baguette, preuve de son implication massive.

Musicalement, Alea Jacta Est donne dans le Hardcore proche de ce que peut nous proposer un Madball ou un Sick Of It All avec les potards poussés à 11. Globalement c’est lourd, plein de puissance et sans aucune forme de compromis. Les quelques poses entre les titres sont souvent accompagnées par des samples, dont quelques extrais de Rocky avec le fameux discours " On va plutôt miser sur la bonne vieille force brute, sur les coups qui font mal. Il faut le sonner [...] on veut lui causer une telle douleur que ça secouera ses ancêtres. Après chacun de tes coups de poing, il devra se sentir comme s'il avait essayé d'embrasser un train ... Ouais on va transformer tes poings en bombe " Vous voyez, des grandes mandales !

 

Sur scène ça ne tient pas en place une seconde. Entre les guitaristes Pierre, et Olivier qui vont chercher l’énergie dans le public et Vincent au chant qui passe son temps à parcourir en long et en large la scène tout en crachant ses lyrics avec une rage énorme. Quant à Pierre, il monte sur les retours, hurle les paroles, et vise le public avec sa basse tout comme Lemmy. Bref c’est intensité à tous les niveaux, et le miroir que leur renvoie le public est totalement à la hauteur.

Alea Jacta n’aura laissé que peu de survivants. A l’image de leur clip, c’est un véritable tank qui aura traversé la salle de la Nef. Il est bien temps de faire une pause rafraichissement - repas, le tout accompagné du DJ Big Deedee.

 

Attention légende, après les parrains français, voici les patrons européen puisque Knuckledust entre en scène. Le groupe londonien “Too punk for hardcore...Too hardcore for punk “ va expliquer à l’ensemble de l’auditoire pourquoi ils sont certainement la plus grosse référence du genre en Europe.

Et leur réputation n’est pas usurpée puisque le groupe fait parler la poudre d’entrée de jeu. Tout d’abord on peut louer leur professionnalisme évident, des musiciens habitués à chauffer les salles, à communiquer et à transmettre leurs valeurs simples et bienveillantes. Wema, le guitariste, demande de se rapprocher de deux pas pour sentir la chaleur humaine, puisque nous sommes tous de simples personnes. Tandis que Pierre, le chanteur, nous remercie à de multiples reprises pour être présents et nous pousse à nous ouvrir à l’autre. Il finira d’ailleurs le concert au milieu du pit, à chanter avec le public, comme quoi il marie le discours et les actes.

 

Musicalement là aussi c’est très pro, c’est limpide. Le groupe sait alterner les riffs enclume, comme d’autres groovy à souhait. Sans oublier des ponts crescendo qui font monter la mayonnaise, avant l’explosion sonore qui colle au mur. Nic, le bassiste, est le grand artisan des coups de boosts, puisque dès qu’il se met devant son micro, ce dernier prend cher. Quant à Ray, il se lève régulièrement de son tabouret pour aller haranguer le public et le motiver à rester dans cette énergie de tous les instants.

Ce qui est particulier avec ce groupe, c’est que l’image qu’il renvoie visuellement est totalement à l’image de leur état d’esprit : contrasté. Entre Pierre, casquette vissée, qui doit faire un mètre soixante, Wema et son double mètre, bassiste et son attitude punk, et le batteur et sa dégaine de metalleux, eh bien le groupe est éclectique visuellement comme dans son état d’esprit. Une belle leçon à retenir…

 

On continue la soirée avec Get the shot, un autre groupe attendu de pied ferme. Les Canadiens ne sont pas là pour rigoler. D’entrée de jeu, le chanteur J.P. –dont son nom de famille, Lagacé, lui va à merveille – arrive comme un furieux dès les premiers accords sur un high kick des familles, suivi d’un premier bain de foule qui présage d’un show en énergie.

Et de l’énergie, il va y en avoir. Déjà le groupe, qui se compose de Guyp et Tom aux guitares, Dan à la basse, et de David à la batterie, dégage une unité sur scène. Ils sont tous là pour donner le maximum, une telle intensité sur scène est remarquable. La base de leur musique est évidement hardcore mais il faut reconnaitre que ça joue bien plus vite que dans des formations classiques du genre. L’école thrash est venu biberonner le quintet, les solos confirment cette tendance, c’est agressif, brutal et sans aucune forme de compromis, juste à prendre en pleine face. Tout comme Hatebreed et son dernier méfait, on peut penser à Slayer dans le riffing des guitares, la preuve en est faite avec un interlude Season In The Abyss.

 

Autant la partie musicale est brutale, autant J.P., lui, ne tient pas en place. Il bombe le torse, sort les muscles, monte sur le public et se déplace sur lui grâce à son soutien. Il est intenable ! Cette puissance et cette force qu’il dégage est non seulement physique mais également dans le discours. « Je m’élève contre toute forme de racisme et de fascisme ! » le discours est clair et à l’image d’un chanteur engagé dans tous les sens du terme, qui voit sa musique ainsi : « La musique hardcore est un moyen de remettre en question l'ordre établi et de dénoncer les conditions sociales contemporaines qui creusent les inégalités et rejettent la différence, ce qui a pour conséquences d'accroître les discours haineux et la peur d'autrui. »

C’est la guerre sur scène mais que dire de la fosse devenue, le temps d’un set, un véritable volcan. L’ébullition au centre du pit est incroyable, des sauts, des hurlements, des poings qui volent, c’est de la pure folie ! Les slams se comptent par dizaine, pratiquement comme un flow ininterrompu, jusqu’à la rupture. J.P est obligé d’interrompre le concert quelques minutes, le temps d’évacuer un slammeur qui se sera mal réceptionné. Il sort sous les applaudissements du public. Mais cela n’empêchera pas de finir en mode fiesta avec la montée sur scène d’une bonne partie du public féminin, pour un final où public et musiciens se confondent à l’image des valeurs du Hardcore.

 

Get the Shot aura tout explosé ! Une prestation incroyable de bout en bout. Le groupe mérite la réputation de bête incontrôlable, et de dévastateur de scène, un moment jouissif, d’une pure énergie, bref un grand moment en-core.

Difficile de passer après ne telle prestation, mais les belges de Nasty ont également des arguments à faire valoir. Là encore on s’écarte des bases du Hardcore, puisque le groupe table plus sur un Beatdown qui mixe le core et des aspects plus Metal, et death en particulier.

Ce sera donc la prestation la plus metal de la soirée. Les musiciens varient pas mal les tempos, dont quelques accélérations cataclysmiques avec riffs death et blast à l’appui. Nash le batteur, malgré son kit de batterie minimaliste, utilise beaucoup sa double pédale pour rendre les titres plus lourds, et accentue les accélérations. Cet équilibre entre Hardcore et Death est vraiment bien fait et permet de ne pas rester dans le carcan un peu serré par instant du genre.

 

Matthias leader charismatique de la formation possède une foi qui se marie bien avec le genre, une sorte de growl-core. Sa prestation est puissante, il a envie de l’avoir en retour et passe son temps à demander au public d’en faire toujours « plus, plus, plus » ! Il enchaine également les clins d’œil amusants, en introduction du titre Fire On the People il frotte son micro comme un morceau de bois, imitant un départ de feu de scout, joue du pipeau avec son micro, bref comme il n’est pas très à l’aise avec le français, il essaie de transmettre ses discours autrement.

Nasty, ce sont bien des vilains, qui s’encombrent de peu de fioritures. Rien ne viendra contrecarrer les plans de destruction massive du groupe. On balance, on envoie du gros son. Et il faut leur reconnaitre un certain talent dans ce domaine. Le public ne s’y trompe pas et continue à répondre présent malgré l’heure qui avance. La prestation fut belle, le public aura su y répondre positivement, décidément peu de fausses notes dans ce Day Of Hardcore !

 

Enfin c’est ce que je croyais jusqu’à l’arrivée de Stick To Your Guns sur scène. Bon, on va être clair, ce que je vais en dire -tout comme le reste de cet article d’ailleurs- n’est que mon point de vue et je comprends que le groupe puisse attirer les foules, mais pour ma part, c'est mon seul bémol de la soirée. La foule est toujours là en masse en cette fin de journée pour les soutenir.

Je vais commencer par le côté positif de leur prestation. Le groupe est clairement bon, taillé pour la scène, c’est carré, musicalement on se situe dans des chemins connus et reconnus du metalcore. Ils offrent une prestation qui navigue entre mélodie et lourdeur. Le tout est agréable sans être révolutionnaire.

 

Mais ce chant clair, quel horreur ! C’est tout ce que je ne supporte pas dans le metalcore actuel. Ce chant mielleux, limite en voix de tête me fait tellement mal aux oreilles que je suis à deux doigts de me les arracher pour avoir quelque chose à leur lancer dessus. Bon, vous l’aurez compris, je fais dans l’exagération racoleuse mais ce que propose ce groupe n’est clairement pas fait pour moi. En tout cas les fans encore bien présents sont ravis et je suis ravi pour eux.

 

Le Day Of Hardcore propose un événement rare, peut-être même unique en France, grâce à une programmation très pointue dans le genre. Ce festival a une vraie carte à jouer, le public qui a répondu présent cette année l’atteste. L’affiche alléchante, couplée à un état d’esprit totalement dans la veine coreuse, sont forcément les bons ingrédients pour fidéliser dans la durée.

Sans oublier mes remerciements à JC Robidas pour ses photos, et une petite pensée pour la rotule de Julie…

Venez donc discuter de ce live report sur notre forum !