Pain Of Salvation

Interview date

23 Novembre 2011

Interviewer

Didier

I N T E R V I E W

Photo de Nina Voronova

Interview Léo Margarit (En face à face)


Salut Léo, enchanté de faire ta connaissance et merci d’accepter de répondre  aux questions du webzine auxportesdu.metal.com

Salut.

Alors pour commencer, revenons un peu sur le Hellfest 2012. Comment est-ce que tu as vécu cette expérience ?

Très bien. C’était la troisième participation du groupe au Hellfest, la deuxième fois pour moi, mais seulement la première pour moi comme musicien car la première fois, j’avais juste rencontré le groupe et je ne jouais pas encore avec eux. Chaque année était de mieux en mieux, surtout avec le public car cette année, il y avait beaucoup de monde devant la scène. On avait l’impression qu’il y avait entre huit et dix mille personnes qui avaient l’air ravi. C’est sûr qu'il y a encore beaucoup de gens qui ne nous connaissent pas, mais quand tu vois que les gens écoutent un peu et restent, ça fait plaisir. C’était un bon concert, on a pas mal joué en plus, on arrivait du Brésil donc on était bien en forme.

Depuis l’album "Road Salt 2" est sorti, avec le recul êtes vous contents du résultat ?

Oui, toutes les chroniques sont très bonnes, sauf peut-être une ou deux un peu plus mitigées. Faut dire qu'ils ont été habitués avec la première partie, en fait. Le changement a été beaucoup plus brutal avec "Road Salt 1". Maintenant ils sont habitués au son, à la nouvelle direction, donc les préjugés sont un peu tombés. Je pense que l’album est aussi un peu plus direct. La première partie était un peu plus variée, il y avait pas mal d’influences, un peu de tout et de rien, plutôt surprenant pour l’auditeur. Celui-ci est plus direct, plus facile à aborder, il est plus homogène. Les gens s’y retrouvent probablement plus, il y a toujours la touche Pain Of Salvation.

Dans ma chronique je vous ai déclaré premier groupe 100% bio. Ca t’inspire quoi ?

Ecoute franchement, ca me plait bien en fait. Ca colle complètement. C’est exactement ce qu’on veut, un son organique, un vrai groupe qui joue des vrais instruments et pas des machines qui ont tout retouché. C’est une bonne analogie.

Vous tournez avec Opeth, pour la plupart de vos fans c’est une affiche de rêve, vous avez conscience de cela ?

Oui, on a beaucoup de fans en commun, même si Opeth est beaucoup plus gros que nous et donc il y a certainement des fans qui ne nous connaissent pas ou qui ne nous aiment pas. Mais on s’en rend bien compte. Par exemple quand on était en Angleterre, il y avait entre trois et cinq mille personnes par soir, et on avait très peu de fans, mais par contre les gens étaient très réceptifs, et je crois qu’on a réussi à les intéresser.

Daniel dans son interview disait que l’Angleterre était un territoire difficile pour vous, pourquoi ?

Je ne sais pas, peut être juste qu’on n'a pas beaucoup joué là-bas et que le nom n’est pas très répandu, les gens ne connaissent pas le groupe. On a peut-être mauvaise réputation.

Je vous avais vus en première partie de Apocalyptica à Londres. D’ailleurs, j’avais un peu les boules que vous soyez en première partie et pas l’inverse.

On a eu des galères avec le label et tout ça. Mais tu sais c’est pas si grave que ça. Au contraire même. Ca veut dire qu'il y a un intérêt des médias, des labels, qui veulent te pousser et qui pensent que tu as du potentiel. Pour nous c’était une bonne chose, on jouait devant beaucoup de monde, beaucoup plus que si on jouait tout seul, et même si il y a pas mal de monde qui nous connait, ceux qui ne nous connaissaient pas étaient, je pense, agréablement surpris. Et comme ça, la prochaine fois qu’on passera, ils viendront nous voir, nous. Quand on est en tête d’affiche, le public qui vient nous voir est un peu toujours le même, il est déjà amateur, et même s’ils amènent une personne ou deux, c’est pas forcément là qu’on gagne de nouveaux auditeurs.

Vous connaissiez la musique de Opeth ?

Moi oui, d’ailleurs j’étais venu les voir en 2004 au Rockstore, avant que je déménage en Suède. Moi j’aime beaucoup mais je ne sais pas si les autres aiment bien ou pas. On se voit pas beaucoup en fait pendant la tournée. On se croise pas mal mais on a pas trop l’occasion de discuter vraiment. On a chacun notre tour bus, chacun nos loges, quand ils jouent on est dans nos loges et inversement.

Tu es le dernier arrivé dans le groupe et aussi le seul qui n'est pas suédois, raconte-nous un peu comment ça se passe pour toi ?

Oui j’ai déménagé depuis quatre ans. Je suis quelqu’un qui s’adapte assez facilement en fait. Je parlais anglais quand je suis arrivé et je parle toujours beaucoup anglais, disons 90% du temps. Mais j’ai quand même pris des cours de langue pour les étrangers, à raison de quatre heures par jour pendant sept ou huit mois, et ça m’a fait une bonne base. En plus maintenant je vis en couple avec une suédoise, ça aide aussi beaucoup. Je ne parle pas couramment, mais je comprends bien. C’est une langue pas facile, la grammaire est complexe, c’est particulier. Bref je me suis bien adapté. Tu sais, ça dépend aussi de ton tempérament.

Daniel nous expliquait qu’il avait complètement changé ta batterie pour obtenir le son qu’il recherchait sur "Road Salt". Tu peux nous en dire un mot ?

Oui, au début c’était pas facile, j’avais un super set  bien puissant et on a tout fait pour que ça sonne à l’opposé de ce que ça donnait à la base. On a détendu les peaux, donc il y avait plus de rebond, il y avait peu de résonnance, c’était plus difficile à jouer. Donc oui, au début, ça a été difficile et il m’a fallu m’adapter. Mais bon, je suis très satisfait du résultat final.

Quel est ton morceau préféré dans ces deux albums et quel est celui qui est le plus difficile à jouer ?

C’est difficile à dire. J’aime beaucoup "If You Wait", sur "Linoléum", parce qu’en fait c’était un bœuf, très improvisé, et j’aime bien ce côté impro. Après, un morceau comme "Deeper Cut", pas mal improvisé aussi, a été un des plus difficile à jouer. Je me rappelle encore quand on a enregistré ça, c’était une période où il faisait froid, en novembre, c’était un de mes premiers hivers là-bas, c’était un peu la déprime. J’avais pas trop de fric, pas trop de truc à faire, pas trop de copains encore, ça a été très dur de jouer. En plus, Daniel, ce jour là, avait été très exigeant, toujours insatisfait, sur des petits détails, à vouloir la refaire, et comme on joue tous ensemble, s’il y en a un qui foire, on refait tout. On a passé huit heures à jouer ce morceau, et comme il est intense, à la fin, j’en pouvais plus.

D’ailleurs quand j’ai proposé à Daniel de jouer ce morceau en live, il a de suite répondu qu’il devait t’en parler et que tu allais finir la tournée en forme physiquement dans ce cas…

Non, on ne le joue pas pour l’instant. Tout a été un peu stressé pour cette tournée, on a pas eu le temps de trop travailler de morceaux en plus, donc on fait quelques nouveaux morceaux mais celui-là demande plus de travail si tu veux que ça rende bien. C’est aussi un morceau avec beaucoup de basse, pas évident. Parce qu'en fait, ce morceau-là, c’est Gustaf Hielm qui avait enregistré la basse. Il a joué avec Meshuggah pendant dix ans. Sur le reste de l’album c’est Daniel qui joue la basse sauf aussi sur le dernier morceau de l’album où c’est encore Gustaf. Sur "Deeper Cut", il a fait une prise et on s’est regardé... ouais bon d’accord, c’est un tueur.

Tu aimes bien aussi jouer les vieux Pain Of Salvation non ?

Oh ben oui, je m’éclate. Et ça ne me dérangerait pas d’en jouer plus. Je me régale avec les nouveaux morceaux parce que c’est mes trucs à moi, mais avec les vieux je me retrouve en tant que fan qui jouait sur les disques à la maison, et là je les joue en vrai, donc c’est un vrai plaisir.

Ils sont plus durs à jouer ?

Pas forcément non. Je dirais même plus facile, même si ça sonne plus difficile. C’est surtout plus mécanique, mais une fois que tu les a appris, c’est bon quoi. Il y a certains anciens morceaux où il y a beaucoup d’informations, mais encore une fois, quand tu les as appris, c’est bon, tu les joues comme un robot. Par exemple un morceau comme "Handful of Nothing", ça impressionne beaucoup les gens mais c’est pas si difficile à jouer en fait, une fois que tu l’as appris. Par contre, "Linoléum" qui semble assez simple, et bien, il y a en fait plein de détails qui font que le morceau peut être super ou pas. Les gens ne sauront pas pointer exactement du doigt ce qui n’allait pas mais il trouveront que le morceau ne sonnait pas super aujourd’hui, tu vois ?

Le son des "Road Salt" est difficile à rendre sur scène ?

Il est travaillé oui. Et c’est difficile par ce qu’on n'a pas toujours les instruments vintage qu’il faudrait dans les tournées. Quand tu as une guitare qui coûte 4000 euros, tu ne la prends pas en tournée parce que tu ne veux pas l’abimer. Donc c’est pas évident. Pour la batterie, on arrive à quelque chose de très proche du son de l’album, j’enlève les peaux de dessous, et ça sort bien je crois.

Alors parlons un peu des départs du groupe de Johan et de Fredrik, c’est un peu un choc non ? Ils finissent la tournée ? Qu’est-ce que va devenir Pain Of Salvation ?

D’abord on reste en très bon terme et donc oui, ils finissent la tournée. C’est un peu comme lors du départ de Johan Langell, l’ancien batteur. Ca devient trop difficile pour eux de partir des semaines en tournée. Tu sais, c’est pas évident, je t’assure, surtout comme là dans une tournée comme celle-là, on joue quarante minutes et le reste du temps, tu attends dans le bus. Moi j’ai ma copine avec moi, elle s’occupe de la boutique, donc c’est plus facile, mais par exemple pour Johan, qui attend un deuxième enfant, c’est plus dur. Pour Fredrik, c’est pareil, il a une copine et il n'est pas vraiment taillé pour la route, sans être négatif, mais ça faisait quelques tournées déjà que l’on voyait que ça lui pesait. On en a parlé et ils ont dit que ça ne leur convenait plus. C’est plus honnête de partir plutôt que de le faire à contre cœur, de se forcer et que les fans voient sur scène que les mecs n’y sont pas.

Donc pas de rapport entre leurs départs et l’évolution du son de Pain Of Salvation sur les deux derniers albums ?

Non, pas du tout. C’est vraiment un choix personnel, qui n’a pas de rapport avec la musique. Johan va faire des morceaux à lui, à la maison. En plus il a un travail à temps plein aussi, tu vois c’est pas simple pour les tournées. Il travaillera dans son studio à la maison et ça prendra le temps qu’il faudra et on le retrouvera dans des projets solo, sans pression, qu’il veut mettre à disposition sur internet gratuitement.

Et pour toi, alors ?

Moi, c’est différent, je suis là seulement depuis quatre ans et je suis le plus jeune. Quoique non, là sur scène c’est notre bassiste, Daniel Carlsson qui est le plus jeune, il a 25 ans. On avait déjà joué avec lui en Inde, où il assurait les claviers, car Fredrik ne pouvait pas venir. Avant, il était guitare tech pour nous. Et d’ailleurs pour la deuxième partie de la tournée, en février, il reprendra les claviers et c’est Gustaf qui assurera la basse. Il faut qu’on trouve un nouveau guitariste. On a beaucoup de monde qui postule mais on a pas eu encore trop le temps de s’en occuper. Ca va être court, on a un mois pour le trouver et lui apprendre tous les morceaux. On ne sait pas si ça sera un guitariste juste pour la tournée ou un guitariste pour le groupe, on verra.

L’avenir de Pain Of Salvation est donc assuré ?

Oui, Daniel est toujours motivé même si évidemment il a eu une période d’incertitude avec le départ des piliers du groupe. Il m’a demandé, et je pense que si j’avais dit que j’arrêtais aussi, il aurait probablement terminé le projet, mais je lui ai dit : écoute, moi je suis là, j’ai déménagé de France pour la Suède pour ce groupe, maintenant je suis là, les choses commencent à arriver sérieusement, j’ai pas envie d’arrêter maintenant. Donc soit on trouve des nouveaux membres et on reprend en fin d’année un processus de composition tous ensemble ou bien, c’est aussi possible, qu’on s’enferme tous les deux dans un local et qu’on commence  à jouer tous les deux et qu’on voit comment ça se passe. On n'a pas encore vraiment parlé de tout ça. Peut-être aussi qu’il a déjà des morceaux en tête et qu’il va juste me demander de jouer de la batterie dessus.

Les compositions, c’était un peu son boulot, non ?

Il apporte les idées, et on construit ensuite le morceau ensemble. Il arrive souvent avec un riff qu’il a en tête depuis quelques temps, il commence à le jouer, je joue par-dessus ça, et tout le monde se greffe. Il y a beaucoup de bœuf, après ça part dans tous les sens, on réécoute, on réduit, et on garde ce qui a bien rendu. Donc l’idée de base est de Daniel mais ça reste une composition de groupe. En tout cas pour les derniers albums. Je sais qu’avant, il écrivait plus ou moins tout, y compris les parties de batterie. Je crois qu’aujourd’hui il est content d’avoir quelqu’un qui veut faire son propre truc. On se nourrit l’un l’autre d’idées rythmiques. Daniel est très bon rythmiquement donc c’est rigolo de jouer avec lui, on s’amuse souvent.

Donc ça commence par un riff, pas une mélodie vocale ?

Oui plutôt un riff. La mélodie, il l’a peut-être aussi dans la tête, qu’il adapte et change en fonction du riff.

Merci pour ton temps, je te souhaite un bon concert et te laisse le mot de la fin...

Ca m’a fait très plaisir de parler en français pour vous, j’espère que vous me retrouverez sur les prochaines dates de Paris et de Toulouse. Je suis content qu’on descende un peu dans le Sud. Déjà Montpellier, ensuite Toulouse… Je suis ravi d’être dans ce groupe, on est toujours là, donc ne perdez pas patience, on sera là l’an prochain et les années à venir…


Venez donc discuter de cette interview, sur notre forum !