Pain Of Salvation

Interview date

26 Novembre 2014

Interviewer

Didier

I N T E R V I E W

Interview Daniel Gildenlöw


Salut Daniel, merci d’avoir accepté de me répondre si tard dans la journée, je suis ravi de discuter avec toi, nous sommes AuxPortesDuMetal.com, un webzine français, et cette interview sera publiée en anglais et en français.

Tout le plaisir est pour moi.

Parlons un peu de toi pour commencer. Nous avons appris sur facebook que tu as eu des problèmes de santé en début d’année. Comment vas-tu ? Es-tu complètement rétabli ?

Oui. Je vais bien. J’ai du être opéré du bas du dos à cause d’une infection, et cette zone de mon corps ne sera plus jamais la même mais à présent je vais bien, et même mieux que jamais. J'ai dû faire de l’exercice pour me remuscler après les quatre mois que j’ai passés à l'hôpital. Quand je suis sorti, je ne pouvais pas monter plus de cinq marches d'escalier sans m’arrêter pour reprendre mon souffle. Je suis resté allongé pendant quatre mois, ça a été long.

De quel genre d’infection souffrais-tu ?

C'était une infection de la peau et des tissus causée par des bactéries qu’on appelle «bactéries mangeuses de chair.» Si cette infection n’est pas soignée très rapidement elle peut vous tuer en quelques jours. Une fois l’infection enrayée, vous êtes hors de danger. Le processus de guérison est très long car il faut guérir de l'intérieur. J'ai eu un trou dans le dos et on pouvait voir ma colonne vertébrale à travers.

As-tu eu peur de ne pas t’en sortir ?

Oui pendant quelques heures. Il s’agit d’une bactérie très répandue, notamment en cas d’infection de la gorge. Mais quand elle pénètre à l'intérieur de votre corps et qu’elle réussit à survivre, ce qui n’est pas censé se produire, alors elle commence à endommager et à ronger vos tissus. Et quand cela arrive, elles se multiplient très rapidement. J'ai ressenti une très forte douleur et j'ai cru qu’il s’agissait d’un abcès ou de quelque chose du même genre, et qu’il suffirait de m’opérer pour le retirer. Mais au lieu de cela, ils m’ont soigné avec plusieurs antibiotiques très puissants, pour essayer d’enrayer l'infection et d'éviter l’opération. Mais aucun des traitements n’a fonctionné. Et je pense que c’est de notre faute à tous, car depuis les années soixante-dix, nous utilisons trop souvent les antibiotiques sans raison valable. En tout cas, à ce moment-là, l’infection se propageait très rapidement et la douleur était vraiment... Je n'avais jamais autant souffert de ma vie. J’ai vu que les médecins étaient vraiment inquiets et j’ai réalisé que je pourrais mourir à tout moment si on ne parvenait pas à stopper l’infection. Mais je souffrais tellement que je n’ai pas vraiment eu le temps d'avoir peur. C'est assez étrange car au fur et à mesure, j’ai rencontré des personnes de plus en plus haut placées dans la hiérarchie de l’hôpital. D’abord les infirmières, puis les médecins, et après nous avons rencontré ce médecin bizarre, qui était apparemment très haut placé, car il n’avait visiblement pas l’habitude de parler à d’autres êtres humains [rires]... en tout cas il a dit qu’ils avaient finalement réussi à trouver le « bon antidote » [rires]. C’était le chef du service, et il nous a dit : c’est l’équivalent de la bombe A en antibiotique! C'est ce qu'il a dit [rires]. J’ai échangé un regard avec ma femme Johanna, et nous nous sommes dits : « Ça va aller, ils vont lancer la bombe». Pour la première fois, nous étions rassurés. Parce que nous étions sûrs qu’ils avaient enfin compris à quel point l’infection était grave. Elle est rentrée chez nous et je suis resté à l'hôpital, et c’est là que mon état a commencé à empirer. Le traitement n’a pas fonctionné, je souffrais toujours énormément, et l’infection continuait de se propager. Et dans la nuit, une chirurgienne est venue vérifier mes constantes et elle m’a dit « Bon, on ne peut pas vous laisser dans cet état, on vous emmène en chirurgie.» Je croyais qu’elle voulait m’y emmener le lendemain mais elle a ajouté : «On y va tout de suite, la table d’opération est prête, vous devez y aller maintenant !» J’ai ressenti une étrange sensation. Quelques jours auparavant, j’étais en bonne santé ; et là je devais être opéré en urgence à cause d’une maladie qui risquait de me tuer, c’était vraiment bizarre. Comme je l’ai dit dans une autre interview, c’est dans ces moments là qu’on voit la différence entre un film et la vraie vie. Dans un film, la musique m’aurait annoncé qu’il allait se produire quelque chose de grave. Mais ce n’est pas le cas dans la vraie vie, vous vous retrouvez tout à coup à l'hôpital, vous êtes allongé sur ce qui sera peut-être votre lit de mort, et vous réalisez que vous n’avez pas eu le temps de dire au revoir à vos enfants ! Après cela je n’ai plus eu peur de mourir. Après mon opération, j’ai commencé à me rétablir. Cela a été dur, mais j'ai survécu.

Tu parles de ta femme et de tes enfants, leur soutien t’a-t-il aidé à guérir ?

Oui, exactement. Ce n’est pas leur soutien qui m’a le plus aidé. Mais tout simplement le fait de les avoir près de moi et de les voir en bonne santé. C’est ce qui m’a donné envie de guérir le plus vite possible. En les voyant à l’hôpital, je me disais : «Zut, je ne peux rien faire pour eux, je passe mon temps allongé dans ce lit.» Lorsqu’on est enfant, on n’a pas la même notion du temps que les adultes. On a parfois l’impression que quelques jours durent une éternité, et bien j’ai ressenti la même chose pendant plusieurs mois. C'est la plus longue tournée que j’ai pu faire et c’était aussi la plus pourrie [rires].

Es-tu resté en contact avec le groupe pendant cette période, ou n’as-tu vu que ta famille ?

Oui j’ai pu les voir et c’était vraiment sympa. Comme je l'ai dit, on m’a transféré en chirurgie en pleine nuit et la dernière chose que j'ai pu faire à été d’envoyer un texto à ma femme pour l'avertir. Et quand je me suis réveillé le lendemain matin, elle m'a appelé et puis elle est venue, puis mes parents sont venus et tout le groupe est aussi venu me voir à l'hôpital. J’ai pu voir à quel point je comptais pour eux, ils s’inquiétaient tous beaucoup à mon sujet, cela m’a fait beaucoup de bien.

Tu as dit que tu étais complètement guéri, es-tu encore sous traitement? Y-a-t-il des choses que tu dois éviter de faire?

Non, la seule chose qui me dérange un peu est que j'adore prendre des bains chauds, et durant toute ma vie je suis toujours entré dans mon bain d'une certaine manière, et je ne peux plus le faire parce que mon dos a maintenant une forme légèrement différente [rires] et j’ai encore un peu mal dans le bas du dos. Mais à par ça, rien à signaler.

Merci d’avoir partagé ces moments douloureux avec nous. Parlons maintenant du groupe. Au cours des derniers mois, vous semblez avoir réussi à former un line-up à peu près stable,après de nombreux départs. Penses-tu qu’il y aura d’autres changements ?

Non, je ne pense pas. Lorsque le line-up d’origine, ou plutôt ce que les gens considèrent comme le line-up d’origine alors qu’il ne l’est pas, bref, lorsque le line-up d’origine s’est séparé, à partir du moment où Johan le batteur a quitté le groupe… nous savions d’ailleurs qu’il comptait partir depuis quelques temps déjà car sa femme est tombée enceinte, et il ne voulait plus partir en tournée et il voulait trouver un emploi stable afin de pouvoir prendre soin de sa famille... Cela faisait plusieurs années que nous savions que cela finirait par arriver. A partir de là nous sommes passés par un certain nombre de line-up instables, en attendant que tout s'emboite à nouveau. Et je sens que ce moment est enfin arrivé, et c’est vraiment super. Pour la première fois depuis... une éternité, nous avons finalement réussi à former un groupe stable composé de cinq membres passionnés de musique depuis l’enfance, et qui connaissent l'industrie de la musique depuis longtemps. Nous avons de l’expérience, nous connaissons les problèmes de l'industrie de la musique et nous savons que nous devons faire certains sacrifices. Nous voulons tous faire la musique et vivre de notre art. Cela n’était jamais arrive dans notre groupe auparavant.

Nous avons appris que Gustav a repris sa place au sein du groupe, à la basse, qu’est ce qui l’a décidé à revenir ?

Nous sommes restés en contact, depuis que nous avons joué ensemble. Il avait quitté le groupe à l'époque parce qu'il avait des problèmes de santé, notamment à l’une de ses mains. Et je pense qu'à ce moment-là, il a eu aussi envie de jouer d’autres genres de musique. Il a joué dans un groupe de punk pendant un certain temps, puis dans un groupe pop, et comme tout le monde le sait sans doute, il a également joué dans Meshuggah pendant plusieurs années. Ce qui est drôle, c’est que je me souviens précisément de la première fois qu'il a écouté Meshuggah. J'avais acheté l'album après les avoir vus sur scène pendant un festival, je suis allé le chercher en voiture pour aller répéter et je lui ai dit : «Tu dois absolument écouter ce groupe, tu vas adorer.» Et j’ai mis le CD en route. J’ai réalisé par la suite que si je ne lui avais pas fait écouter cet album, il n’aurait peut-être jamais entendu parler d'eux et il n’aurait jamais joué avec eux. Et nous avons dû enregistrer les albums "Road Salt", nous n’avions plus de bassiste attitré, alors j’ai décidé de jouer les parties de basse moi-même. Mais ensuite j’ai pensé à Gustav, je me suis dit que j’aimerais vraiment l’entendre jouer sur certaines chansons. Alors je lui ai proposé de le faire et voilà comment nous avons recommencé à jouer ensemble. Nous nous sommes revus, nous avons bu une tasse de thé tous les deux dans ma cuisine c’est à ce moment-là qu’il m’a dit qu’il aimerait bien rejouer avec nous pour voir si ça pouvait fonctionner. Et c’est ce que nous avons fait.

Daniel est passé de la basse au clavier. Il sait jouer de tous les instruments ! Ou bien était-il claviériste à la base ?

Il est bien claviériste à la base, mais dans le groupe nous sommes tous multi-instrumentistes et nous pouvons changer d’instrument quand c’est nécessaire.

Es-tu toujours en contact avec les anciens membres, comme Johan, Johan et Fredrik ?

Oui, avec ma femme et Fredrik, nous jouons à Diablo III ensemble tous les lundis [rires]. Et les deux Johan sont venus me voir à l’hôpital, c’était sympa. On reste en contact, on a fait une grande fête l’année dernière, pour célébrer mes quarante ans et ceux de ma femme et tout le monde était là. On a joué et jammé sur la scène installée spécialement pour l’occasion. On s’est bien amusés.

Après tes problèmes de santé, tu es remonté sur scène cet été pendant le Sweden Rock Festival, ça s’est bien passé ?

C’était la première fois que j’étais aussi nerveux avant un concert. Même après avoir joué sur scène toute ma vie, je suis toujours un peu stressé avant un concert. On ressent un peu la même chose juste avant une compétition sportive ou quand on doit parler devant du monde, ou s’exposer au regard des gens. Dans ces moments-là, on sent l’énergie grandir en nous et on se concentre sur les choses d'une manière différente. Cela m’arrive généralement une ou deux heures avant le concert. Cette fois, c’est arrivé trois jours avant le concert. Parce que j’ignorais comment cela allait se passer, de quelle façon j’allais réagir, et même dans quel état serait ma voix, après ce qu’elle avait enduré pendant ma convalescence. J'étais donc très nerveux avant le concert. Mais une fois sur scène, et même si j’avais pris la résolution de ne pas sauter partout, je n’ai pas pu m’en empêcher. Et après la première chanson, je sautais partout sur la scène [rires]. C'était génial d'être là, et quelque part, j’ai eu l’impression de rentrer à la maison, de me retrouver.

J’imagine que cela t’a fait du bien de jouer avec le groupe, car vous n’avez pas beaucoup joué tous ensemble, à part pendant votre tournée acoustique l’année dernière. N’est ce pas ?

Eh bien, c’est une des autres choses étranges qui se sont produites, nous avions prévu de participer au festival croisière de ProgNation, dans les Caraïbes, mais j’étais toujours à l’hôpital. J'aurais aimé y aller, mais nous avons parlé et nous avons décidé que les autres membres y participeraient sans moi. J'étais certain que cela se passerait bien pour eux. Ragnar et Leo ont des voix étonnantes et Ragnar est un leader naturel, il a joué ce rôle dans le passé au sein de plusieurs groupes. Clay Withrow faisait également partie du groupe, il jouait dans Vangough. Il nous avait accompagnés pendant notre tournée aux U.S.A, en tant que technicien guitare, et il connaissait déjà la plupart des parties guitare de nos morceaux. Le groupe était donc complet. Cela m’a fait plaisir. Je regrette seulement de ne pas avoir été présent pour les voir sur scène.

Ce concert a-t-il été enregistré ?

Pas que je sache.

J'ai aussi lu que vous aviez participé au ProgFest US et que vous aviez joué tous les morceaux de votre album "Remedy Lane". Comment cela s’est-il passé ?

C'était aussi très sympa. Tu sais, pendant les quatre mois que j’ai passé à l’hôpital, j'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir afin d’établir mes priorités. J’avais vraiment envie de guérir pour pouvoir jouer avec le groupe et cela m’a semblé tellement naturel de remonter sur scène et jouer ces vieux morceaux, et de voir qu’ils sonnaient vraiment bien grâce aux membres du groupes. Nous n’avions jamais pensé pouvoir jouer cet album en entier sur scène. Il n'a pas été composé dans ce but. Les morceaux sont assez difficiles à chanter et nous demandent beaucoup d’énergie. Pendant notre première répétition pour ce concert, nous avons pris conscience du grand potentiel du groupe. Les harmonies vocales étaient vraiment parfaites, tout le monde maîtrisait son instrument. Depuis le départ, j’ai pris l’habitude d’être celui qui devait penser à tout, car ils avaient tendance à oublier pas mal de choses et nous devions tous recommencer de zéro à chaque répétition.  Avec ce nouveau line-up, je n’avais plus besoin de m’inquiéter de tout ça, et c'était vraiment génial. Et comme Ragnar était un fan du groupe, il connaissait la plupart de mes parties guitare, ce qui était super, parce que quand nous avons enregistré, j'ai improvisé pour jouer un grand nombre de ces parties et nous ne les avions pas rejouées depuis. Et cela datait de douze ans. Heureusement, j'ai trouvé les premiers enregistrements bruts de l'album, et j’ai pu réécouter les différentes parties pour vérifier ce que je jouais.

Alors vous avez repris vos propres morceaux ?

Oui et cela m'a aussi donné l'occasion de redécouvrir ce qui m’avait plu dans cet album. J'ai appris à le rejouer. Nous avons joué beaucoup de ces morceaux pendant notre tournée US et nous avons joué l'album complet pour ces deux festivals. Les albums "Road Salt" m’ont permis d’exprimer mes racines musicales et de revenir aux sources musicalement parlant. Et après cela, j’ai eu l’impression de revenir aux sources du son de notre groupe en jouant les morceaux de notre album "Remedy Lane" et en commençant à les enregistrer.

Parlons un peu de ce nouvel album, "Coming Home". Le dossier de presse que nous avons reçu semblait le décrire comme une sorte de suite de "12:5", mais pour moi ce n’est pas vraiment cela, qu’en penses-tu ?

Ce n’en est pas une. Je pense que nous avons dû dire quelque chose de ce genre à un moment donné, pendant que nous discutions. Car à l'époque, nous avions prévu de donner un concert acoustique et nous devions l’enregistrer. Cela aurait un peu ressemblé à "12:5". Mais au niveau du son et des arrangements, je voulais vraiment faire quelque chose de complètement différent. Je voulais que ce soit quelque chose de plus consistant, plus chaud, plus dynamique et plus direct. Et ce n’était pas le cas pour "12:5". On peut utiliser de nombreux adjectifs pour décrire cet album, mais pas ceux-là.

J’ai plutôt l’impression qu’il s’agit de la suite logique des albums "Road Salt" ou de votre tournée acoustique de l'année dernière, j'ai d’ailleurs eu la chance d’assister à votre concert à Milan. Es-tu d’accord ?

Tout à fait.

Comment avez-vous choisi les morceaux qui ont été retravaillés ?

Je vais expliquer cela avec une métaphore. Lorsqu’on doit choisir des chansons parmi la liste de nos morceaux pour en proposer une nouvelle version, on a un peu l’impression de travailler dans un zoo. Les chansons représentent les divers animaux qui vivent dans des habitats différents. Et c’est comme si quelqu’un nous demandait de placer certains de nos animaux dans un nouvel environnement. Notre première idée est de choisir les animaux qui pourront facilement s’adapter à ce nouvel habitat. On peut alors en choisir un ou deux et ça fonctionne. Prenons par exemple "1979" et "To The Shoreline", qui sont des morceaux qui correspondent à ce type de format, faciles à adapter. La prochaine étape consiste à choisir des animaux capables de s’adapter facilement. Le genre d’animal qui n’a pas forcément l’habitude de vivre dans ce type d’habitat, mais qui pourra s’adapter n’importe où. Des sortes de prédateurs, et le morceau "Linoleum" est un bon exemple. Vous sélectionnez ce type d’animal, tout en sachant qu'il pourrait bien bouffer les autres, mais ce n’est pas grave. C’est là que l’on passe à mon étape préférée : par curiosité, j’ajouterai quelques animaux qui ne pourront vraiment pas survivre dans ce nouvel environnement [rires], juste histoire de voir ce qui se passe. Et généralement, ils évoluent et se transforment en une nouvelle espèce, et quoi qu’il arrive, le résultat est toujours très intéressant. Et c’est dans cette catégorie-là que je mettrais des titres comme "Stress" et "Spitfall", deux chansons qu’on ne pense pas trouver sur un album acoustique. Pour moi, ce sont les meilleurs moments. Ce processus nous permet d’exprimer notre créativité, et tout ce travail nous demande beaucoup de temps. Et c’est avec cette même méthode que nous avons choisi "Holy Diver".

Parlons justement des deux reprises. Comment les avez-vous choisies ?

Depuis nos débuts dans le groupe, on a une vieille habitude : à chaque fois qu’on s’ennuie ou qu’on se sent stressé, on s’amuse à jouer un de nos morceaux à une vitesse extrême. Parfois, le résultat est vraiment dingue [rires]. Au fil des années, cette tradition a changé et on s’est mis à jouer un de nos morceaux en version clean, shuffle et jazzy. C’était parfois très difficile. Nous avons donc gardé cette habitude, et il y a quelques années, nous étions invités à cette fête, un concours live y est organisé chaque année avec un thème différent. Cette année-là le thème était le Metal des années 80. Les organisateurs nous ont demandé de choisir trois morceaux dans l'album "Holy Diver" de Dio et de les jouer sur scène. Alors, j'ai proposé au groupe de jouer une version shuffle d’"Holy Diver", parce que c'était une soirée Metal des années 80 et que nous étions un groupe de Metal. Je me suis dit qu’on pourrait leur proposer une version très originale. Nous avons travaillé le morceau, puis nous sommes montés sur scène et nous avons joué avec tous les instruments qui s’y trouvaient, devant un public plutôt ivre. J’ai toujours eu envie de le rejouer, dans de meilleures conditions, pour que d’autres personnes puissent entendre cette version. Ce morceau ne pourrait pas convenir à n'importe quel album, mais il convenait parfaitement à cet album acoustique. Cela semblait logique. Pour "Perfect Day", l'histoire est différente. On m'avait demandé de le jouer au mariage de ma belle-sœur. C’est comme ça que j’ai fini par l’apprécier. Nous l'avons joué pendant le mariage, avec Fredrik, à l’époque, il était au piano et moi au chant et à la guitare acoustique. J’avais encore ce morceau en tête quand nous avons commencé à parler de l'album acoustique donc je l'ai choisi.

Alors, tous les membres du groupe étaient d’accord pour ajouter ces parties jazzy ?

Eh bien, au sein du groupe, Ragnar est probablement celui qui apprécie le moins le style. Il n’aime pas trop qu’on plaisante avec la musique [rires]. Leo a étudié la musique latine et le jazz, Gustav a joué beaucoup de jazz, et nous avons joué toutes sortes de musiques.

En parlant de Leo, cet album nous montre l’étendue de son talent. Son jeu est très subtil sur ces morceaux version shuffle.

C’est un excellent batteur. C'est pour cela que nous l’avons choisi, parmi les nombreux autres batteurs qui nous ont envoyé leur candidature et les rares que nous avons auditionnés. Il avait joué beaucoup de musique latine, groovy et très jazzy, avant de s’intéresser ensuite au metal et au metal prog. Le mélange de tous ces styles a donné un super résultat, alors oui, cet album permet de montrer aux fans ce qu’est un batteur talentueux et polyvalent.

Dans "Spitfall", ta façon de chanter est assez impressionnante, tu lui donnes un style encore plus rap que sur l'original. Ta voix me rappelle beaucoup celle d’un artiste comme Eminem. Est-ce que ça te déplaît d’être comparé à lui ?

Tu sais, je pense que ce style était déjà très présent dans la chanson originale. Je trouve qu’il a beaucoup de talent, une très bonne rythmique et il arrange vraiment très bien ses rimes. La plupart des vrais fans de metal ou de prog ne vont pas apprécier mon avis, mais je trouve que c’est un véritable génie en matière de rythme, de linguistique et de rimes.

J'ai été impressionné par toutes les émotions que vous parvenez à exprimer dans certaines chansons, comme "1979", "To The Shoreline" et "Spitfall". C’est d’autant plus étonnant que les versions originales de ces morceaux étaient déjà riches en émotions.

Merci, ça me fait vraiment plaisir d'entendre ça. C’est un peu notre but lorsqu’on réarrange un morceau, nous essayons d’en proposer une version encore plus intéressante. Sinon, il n’y a pas vraiment d’intérêt.

J'ai été un peu surpris quand j'ai écouté l'album pour la première fois, et cela ne m’a pas vraiment plu. Mais après quelques écoutes, je dois admettre que je préfère certaines de ces reprises aux versions originales, c'est incroyable.

Oui, je comprends, cela n’a pas été facile de choisir "Stress" comme premier morceau de l'album. Cela aurait été plus simple de choisir n’importe quelle autre chanson. Mais en fin de compte, après avoir essayé différentes combinaisons pendant plusieurs semaines, "Stress" était le meilleur choix. C'est comme si vous regardiez un film qui débute par une scène complètement folle, sans comprendre ce qui se passe, pourtant vous devez continuer à regarder en espérant que vous finirez par comprendre l’histoire au fil des scènes. "Stress" convenait très bien pour cela. Tu sais, dans le rock progressif et le metal prog, de nombreux musiciens et de fans accordent beaucoup d’importance à la technique, à la façon dont on joue les morceaux, aux compétences des musiciens, etc... Mais certaines des techniques ont également beaucoup d’importance dans d'autres genres de musique. Et je peux te dire qu’en fin de compte, cette version de "Stress" est beaucoup plus compliquée à jouer que l’originale.

Quel est ton morceau préféré sur l'album ?

Je choisis "Stress". On a fait pas mal de plaisanteries à ce sujet dans le groupe pendant de nombreuses années. On voulait vraiment proposer une version intéressante de ce morceau, c’était un défi pour nous. Je trouve aussi que c’est le morceau le plus original de l'album. Il est vraiment différent des morceaux que nous jouons habituellement et je trouve aussi que certains passages vocaux de ce morceau sont les plus beaux que j'ai pu chanter de toute ma carrière. J'ai senti qu’il se passait quelque chose de magique lorsque nous l'avons joué. Je suis très satisfait du résultat.

Après les deux albums "Road Salt" et celui-ci, dans mes chroniques, j’ai évoqué l’ère «bio» de Pain Of Salvation. Penses-tu que la première ère de votre groupe est finalement révolue ?

Non, et je pense que c'est même l'inverse. La plupart des morceaux sur lesquels nous travaillons actuellement sont assez semblables à ceux des albums précédents. Je pense que tout est un éternel recommencement. C'est comme ça. Je veux tout simplement suivre ma passion, même si la destination reste encore inconnue. Tout ce que vous créez provient de ce que vous essayez de laisser derrière vous, enfin je suppose. En 2005, nous avons pu constater que l’industrie de la musique était devenue vraiment importante, et que la musique avait perdu son âme. C’est pour cette raison que nous avons composé les albums "Road Salt". Les morceaux n’exprimaient plus aucune émotion. J'ai cru que j’étais devenu insensible et que je ne pourrais plus être ému par la musique. C'est la même chose lorsque vous regardez des films d'horreur. Lorsque vous en regardez un pour la première fois, vous avez peur, mais au bout d’un certain temps, vous finissez par trouver ça ennuyeux. J'ai réalisé que le problème venait de la production. Elle était trop compliquée, trop pompeuse et aseptisée. On n’entendait plus rien d’original ou d’accrocheur. Il y avait des tonnes d'aigus, de graves, des tonnes de tout. Les chansons étaient toutes trop propres, trop nettes, il n’y avait plus aucune audace dans la musique. Je peux encore comparer ça à un film. Si une scène est interprétée par deux grands acteurs dans une pièce vide, le public peut alors se concentrer sur le contenu et le jeu de scène. Mais si la même scène est interprétée dans un décor animé fantastique en 3D, comme les scènes de bataille du "Seigneur des Anneaux", le décor attirera toute l’attention du public au détriment du jeu et de l’émotion exprimée par les acteurs. On obtient alors un résultat différent, on ne perçoit plus que l’aspect impressionnant et divertissant de la scène. C’est une bonne chose, mais je ne veux pas que la musique se limite uniquement à cela.

Avez-vous trouvé une solution pour les prochains albums ?

Nous allons travailler avec le même gars qu’auparavant. J'aime beaucoup les morceaux récents qu'il a produits. C’est un excellent ingénieur son, il est également producteur. Nous allons essayer de procéder comme nous l’avons fait en 2000 et en 2002 en ajoutant une touche de modernité à nos morceaux : le même genre d’ambiance analogique punchy, combinée à une production moderne impressionnante. Donc pour changer, nous allons essayer d’attirer l’attention sur les acteurs au milieu de cette scène du "Seigneur des Anneaux" [rires].

Quels sont vos projets pour les mois à venir ? Tournée acoustique, électrique ? Autre chose ?

Nous allons proposer un mélange très intéressant de ces deux styles, mais rien n’est sûr pour le moment alors je ne peux pas vraiment répondre. Si cela se passe comme prévu, ce sera un concept très spécial. Tu peux me croire. Ragnar et moi travaillons sur de nouveaux morceaux, et nous devrions les enregistrer au cours de l'année prochaine. Cela va vraiment être intéressant, car je pense que nous réussirons à faire plaisir à tous les fans. C'est tout.

Merci beaucoup, il est maintenant très tard, je vais te laisser en famille et j'espère vous voir sur scène l'année prochaine.

Merci à toi. Bonne nuit.


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