Anathema

Interview date

29 Octobre 2012

Interviewer

Didier et Christian (Evanessa)

I N T E R V I E W

Interview Vincent Cavanagh (face à face)


Salut Vincent, merci de nous accorder un peu de ton temps nous sommes le webzine français AuxPortesDuMetal.com.

Bonjour.

Daniel et Vincent, voilà des prénoms bien français, as-tu une relation particulière avec la France?

Oh oui j’en ai une, mais rien à voir avec les prénoms. Notre mère m’a appelé Vincent par rapport à Vincent Van Gogh, indirectement en fait, car c’est avant tout à cause d’une chanson de Don McLean qui parle de Van Gogh. Ma mère était passionnée par la musique. Et il y avait aussi une chanson intitulée Daniel, et elle a toujours aimé ce prénom, donc… Mais tu sais, ce sont des prénoms universels. Vincent est un prénom d’origine italienne, issu du latin « vincere » qui signifie conquérir. Vincent est donc "le Conquérant". Quant à Daniel, je ne suis pas sûr de connaître l’origine de ce prénom, mais je connais un Daniel qui est portugais.

Vous donnez un grand nombre de concerts en France, nous vous en sommes très reconnaissants car la plupart des agences artistiques des autres groupes n’en prévoient pas autant. Ils se contentent de passer par Paris et c’est tout.

Au fil des années nous avons fait plusieurs grandes tournées en France. Nous avons toujours été bien accueillis, pour nous c’est un très beau pays ou nous adorons venir. Nous aimons beaucoup les gens et la nourriture, d’ailleurs j’habite aussi en France, à Paris.

En parlant de votre tournée, vous avez reçu un Prog Award pour la meilleure performance live. Quel effet cela vous fait ? Est-ce que ça a été un moment important pour vous ?

Oui tout à fait, c’est génial. En plus la compétition était rude tu sais, il y avait : Steven Wilson, Marillion, Opeth. Nous sommes très heureux d’avoir gagné. C’était sympa de recevoir cet award. Nous avions aussi été nominés pour le meilleur album avec "Weather Systems", mais nous avons terminé second après Rush [Je portais mon nouveau T-shirt de Rush - Clockwork Angels tour]. Oui voilà tout à fait ! "Clockwork Angels", c’est leur dernier album c’est cela? Il est bien? Apparemment oui parce qu’ils ont gagné ce putain de truc [rires]. Les récompenses c’est vraiment sympa. Nous avons une façon un peu philosophique de considérer ce concept des récompenses pour l’art ou pour la musique, mais en même temps, on finit par apprécier car cela nous permet toujours de passer de très bons moments.

Et lors de cette soirée, as-tu rencontré des artistes dont tu es fan ?

La soirée m’a beaucoup plu, j’ai rencontré des gens très sympas, mais personne dont je sois réellement fan. Je n’ai jamais été un grand fan de musique progressive. J’ai grandi avec les Beatles, et si il y avait eu un des membres de Pink Floyd là-bas, ou de Radiohead, alors oui j’aurais pu rencontrer une de mes idoles. Les personnes présentes sont toutes talentueuses mais leur musique n’est pas mon genre de prédilection. Je n’ai pas écouté ce genre de musique lorsque j’étais plus jeune et toujours pas à l’heure actuelle. Cela dit, ils sont tous cool. J’ai rencontré Nick Beggs, il joue de la basse avec Steven Wilson et Chapman Sticks, j’ai rencontré Fish, puis on s’est revus quelques semaines plus tard en Bulgarie, où nous donnions un concert. On a aussi rencontré d’autres personnes comme Rick Wakeman, ceux que je connais et dont je connais un peu la musique. Ca a été une très bonne soirée.

Est-ce important pour vous d’être reconnus comme un groupe meilleur en live qu’en studio ?

Les deux sont vraiment importants. En fin de compte, ce qu’on aime nous, c’est enregistrer des albums, écrire de la musique et créer des choses. Mais ensuite, lorsqu’il s’agit de jouer en live, il faut se surpasser et encore améliorer ce que l’on a pu faire en studio, et ça c’est toujours un challenge et c’est une bonne chose. Nous voulons toujours que nos performances live soient meilleures que ce que nous faisons en studio. Tu sais, on a beaucoup d’expérience en ce qui concerne la scène, nos débuts se sont faits sur scène, donc c’est extrêmement important pour nous. Et aujourd’hui, nous analysons notre son dans le moindre détail, nous sommes très professionnels et fiers de ce que nous faisons. Notre équipe aussi travaille très dur et ils sont tous là pour une bonne raison. Nous aimerions développer les aspects visuels de nos concerts à l’avenir. Mais pour cela nous aurions besoin d’un budget plus conséquent. En tout cas pour l’instant on s’amuse vraiment beaucoup à jouer en live.

Ok, à propos d’album, parlons un peu de votre dernier en date : "Weather System". Cela faisait longtemps que vous n’en aviez pas sorti, si l’on ne compte pas les deux précédents qui sont plus ou moins des covers de vos propres chansons. Que s’est-il passé pendant ces sept années de « pause ».

Cela dépend des points de vue. En fait, ça a vraiment été une suite d’échecs. Nous avons également passé beaucoup de temps en tournée. Nous avons aussi produit deux DVD. Je ne sais pas, il y a eu des tas de raisons, et ça a été une période de ma vie extrêmement frustrante. Je ne veux pas revivre ça et je suis bien content que cela soit terminé. Parce que si tu comptes "Hindsight", "We're Here Because We're Here", "Falling Deeper" et "Weather Systems", cela fait un album par an depuis 2009. Nous devons donc sortir quelque chose en 2013, et c’est ce que nous allons faire, nous préparons un film–concept en DVD et en Bluray, nous y mettons beaucoup d’énergie. Il a été enregistré au tout premier concert de cette tournée, en Bulgarie, dans un amphithéâtre romain antique, un décor magnifique, la nuit dans les ruines romaines illuminées. Nous avions joué avec un orchestre de 36 cordes. Du grand spectacle ! Et bien entendu il y aura aussi des vidéos du reste de la tournée dans un grand package deluxe, avec un livret de photos et tout. Et bien sûr, nous continuons de composer, donc on a beaucoup de nouveaux morceaux en préparation, dont on parle tous les jours. Nous n’avons pas souvent le temps d’écrire lorsque nous sommes en tournée, ou en tout cas rarement ensemble, mais nous pensons toujours au prochain album. Je pense qu’on ne s’arrête jamais de créer de la musique, ce n’est pas quelque chose que tu peux stopper ou qui suit un planning précis. En ce qui nous concerne, nous écrivons de la musique en permanence, et puis parfois nous mettons nos idées en commun. Nous avons prévu de nous réunir en janvier afin que chacun fasse part de ses idées pour voir où nous en sommes. Est-ce que l’album est prêt ? Savons-nous seulement à quoi il ressemblera du début jusqu’à la fin ? Et si c’est le cas, alors nous pourrons décider du comment, du quand, du où, du combien, etc...

C’est ce qu’il s’est passé pour "Weather Systems" ?

En fait non. Les choses se sont déroulées de manière exponentielle. Au début, nous voulions seulement enregistrer un EP, mais ça s’est tellement bien passé et nous avions tant de morceaux que nous avons décidé de faire un album. Nous l’avons enregistré en trois phases. D’abord dans un premier studio à Liverpool, puis dans un second studio à Oslo en Norvège chez notre producteur, et finalement dans un troisième studio au Nord du Pays de Galles. Nous avons aussi enregistré des morceaux supplémentaires dont nous ne nous sommes pas servi, ce sera peut être pour le prochain album, rien n’est encore sûr.

Apparemment c’est plutôt Daniel qui a pris en charge la composition ?

Plus ou moins, oui. En fait, Daniel, John et moi étions en permanence dans le studio, et surtout Daniel et moi. En général c’est à la personne qui a la première idée à qui revient tout le crédit d’une chanson mais dans notre cas, la composition d’une chanson nécessite bien plus de choses que ça. Sinon pourquoi y aurais-je passé vingt heures par jour ? Alors oui, je dirais que la plupart des compositions initiales ont été écrites par Dany. Et nous verrons si cela continue ou non. Mais ce que nous faisons donne rarement la direction de ce que nous ferons dans le futur. C’est juste ce que nous faisons au moment où nous le faisons. Nous changeons en permanence, afin de nous surprendre.

Qu’est-ce qui vous inspire en général lorsque vous composez ?

Nous sommes inspirés par la vie, par les grands évènements de la vie, par les expériences les plus marquantes et par la plus grande question que l’on peut se poser, comme tout être humain. Ce sont des thèmes à la fois personnels et universels. C’est une des raisons qui fait que les gens sont tant touchés par notre musique, parce qu’ils sentent que nos paroles sont vraies, que les évènements que nous décrivons ont vraiment eu lieu. Cela leur permet de les vivre à travers nous, mais ils peuvent également les relier à leurs propres vies. Il suffit de changer le nom du personnage dans l’histoire. Nous ne faisons pas de politique. Nous restons à l’écart des problèmes mondiaux. Nous n’essayons pas de changer la façon de penser des autres. Notre musique est très profonde et personnelle mais également émouvante. C’est ce qui me plaît aussi. C’est à double tranchant, parce qu’on s’expose beaucoup ainsi. Nous dévoilons nos sentiments au monde, ce qui est difficile pour beaucoup de gens, en particulier les hommes. C’est un cliché, mais on dit que les hommes du Nord de l’Angleterre ne parlent pas de leurs sentiments, jamais. Et mon père était comme ça. Et des tas de gens sont comme ça. Je ne sais pas comment cela se passe en France mais chez nous, c’est considéré comme un signe de faiblesse de parler de ses sentiments et de ses émotions. Mais comme nous l’avons compris à travers notre musique, il y a certains éléments de catharsis dans ce que nous faisons. Mais les choses les plus sombres ne disparaissent jamais tout à fait.

L’arrivée de Lee au sein du groupe a-t-elle modifié votre façon de procéder ?

Cela fait déjà plusieurs années qu’elle est présente au sein du groupe, mais elle l’a été encore davantage pour cet album. Elle a quitté son emploi et nous a rejoints dans le studio, à plein temps. Du coup, on a pu essayer pleins de choses différentes, par exemple : J’avais déjà chanté une chanson, je lui ai proposé d’essayer à son tour pour voir ce que cela donnerait. Elle a accepté, et elle l’a chanté et je lui ai dit : Putain mais c’est toi qui doit la chanter. Mais là, le producteur a refusé et a décidé que ce serait un duo. C’était pour "Untouchable Part 2". Il a dit : Vincent, tu chantes en premier puis après au tour de Lee. C’est ce genre de choses que nous avons eu la chance de pouvoir faire cette fois-ci parce que Lee était là.

Nous avons pu remarquer que vous avez tendance à privilégier les choses simples, et que vous avez une approche minimaliste de la musique, sans fioriture. Est-ce une bonne analyse ?

Absolument ! Je n’aime pas vraiment les musiciens qui jouent pour la frime. Les gens qui ont besoin de jouer vraiment très très vite afin de montrer leur technique, pour prouver à quel point ils sont doués. Pour moi c’est une question de mélodie, du sentiment que l’on exprime par la musique. Ce n’est pas un moyen de frimer. Nous ne sommes pas ce genre de groupe. Dany joue très bien de la guitare mais il ne ressent pas le besoin de le prouver.

Une chose qui illustre bien cette simplicité est l’absence de solos de guitare comme ceux qu’on peut entendre dans "The Beginning and the End" par exemple.

Il y en a deux. Mais c’est intéressant que tu mentionnes cette chanson car elle dure quatre minutes et demie, mais c’est un riff, juste un riff. Mais ce qui compte c’est la façon dont tu organises ton morceau avec un seul riff. Le chant permet au morceau d’atteindre le summum de l’intensité, et au maximum de cette intensité, il ne reste plus de place pour le chant, il laisse alors place à la guitare qui atteint des sommets plus intenses encore. Puis c’est le moment où tout s’apaise. La plupart de nos morceaux sont ainsi. On compose quelque chose que l’on répète jusqu’à ce qu’il en devienne hypnotique et intense, et cette intensité va crescendo jusqu’à ce que tout se calme. Certaines des meilleures chansons étaient vraiment très très simples. Tu imagines ? Comme une chanson peut être tellement simple mais tellement belle ? "With or Without You" de U2 : un riff, des plus basiques, c’est tout. La plupart des meilleures chansons de l’histoire, celles qui resteront gravées dans les mémoires sont vraiment simples. Il y a tout de même des exceptions telles que "Bohemian Rhapsody" ou "Stairway to Heaven" parce qu’elles sont plutôt longues et compliquées.

Vous avez collaboré avec Steven Wilson pour "We're Here Because We're Here", mais également avec Christer-André Cederberg cette fois, peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Steven nous a rejoints au moment du mixage pour l’album précédent, et il a fait du bon travail, mais nous gérons la production nous-mêmes. Cela fait une grande différence quand tu as un producteur dès le premier jour d’enregistrement. Nous n’avions jamais eu de contact avec quelqu’un du studio auparavant. Mais cette fois-ci, nous avons immédiatement senti, je veux dire en seulement deux jours, que cela allait être particulier. En fait, c’est une des raisons pour lesquelles nous avons enregistré un album, parce qu’on savait qu’on pourrait le faire avec Christer. Maintenant nous souhaitons travailler avec lui pour tous nos prochains albums, c’est un peu notre cinquième Beatles. [rires].

Etes-vous satisfaits de l’accueil qu’a reçu cet album, par la presse et par les fans ?

Ca a été vraiment positif, les gens ont vraiment apprécié. Cela a été universel. "Natural Disaster" n’était pas encore terminé, ce n’était pas vraiment au point. "A Fine Day To Exit" a de bonnes qualité mais manquait un peu de cohérence, "Judgement" est assez solide. "Alternative 4" est très orienté. Nous avons toujours eu des critiques féroces sur tout ce que nous avons fait. Et cela à chaque fois. Mais je ne lis pas vraiment les chroniques, car je sais si je suis satisfait d’une chose ou non et ce que les gens pensent n’a aucune importance. J’ai été très satisfait de "We're Here Because We're Here", pour la première fois, j’étais vraiment content d’un album. Je suis aussi très content de "Weather Systems". Nous sommes vraiment sur la bonne voie avec ça, et quand tu mets la barre si haute, tu sais que tu ne peux plus que te surpasser. Sinon tu ne peux plus te regarder en face et tu ne peux pas l’oublier.

Quelques fans de Metal regrettent l’époque ou la musique d’Anathema était plus Metal que progressive. Que peut-on leur répondre ?

Il y a beaucoup de gens qui aiment notre musique dans sa totalité. Les seules personnes qui n’aiment pas nos nouveaux morceaux et qui préfèrent nos anciens albums sont des gens qui aiment tant le Death Metal qu’ils ne peuvent pas écouter autre chose que ça. Lorsque nous composions nos premiers albums, nous écoutions les Beatles et Pink Floyd en permanence. Et aussi Hardfloor et Aphex Twin, ça c’était la musique que je préférais. Nous n’étions que des adolescents qui passaient leur temps à faire : grrrrrr ! Parce que c’est tout ce qu’on sait faire quand on a quinze ans. Maintenant, nous sommes plus honnêtes, notre musique est plus précise. Je ne pense pas que cela ait de l’importance d’ailleurs. Je suis très fier de tout ce que nous avons fait. C’est un peu agaçant que les gens pensent que nous avons abandonné quelque chose parce que nous en avions honte. C’est absolument faux. En fait c’est une des raisons pour lesquelles nous avons composé l’album "Falling Deeper", afin de montrer aux gens que la mélodie est l’élément central de notre musique. Même à l’époque. D’accord, nous l’avions un peu enjolivée avec une putain de grosse pédale disto et du chant guttural mais tout cela n’exprimait rien d’autre que la mélodie, l’harmonie et les sentiments. Cela a toujours été comme ça pour nous.

Personnellement je ne m’en plains pas, et aujourd’hui un titre comme "The Storm Before The Calm" décrit plutôt bien votre musique, c’est peut être une question de contraste ?

Oui c’est ce que je pense également. Il y a un certain nombre de choses que nous voulons faire à l’avenir avec ces contrastes. Les éléments électroniques sont vraiment intéressants. Je pense que nous allons composer quelques chansons dans ce style. Pas à 100% électroniques car il y aura aussi de vrais instruments. Nous nous intéressons aussi beaucoup au classique, parce qu’on adore les orchestres à cordes, tout comme les chorales. Nous aimons les différentes textures du son, ses emplacements, et les espaces tridimensionnels; Mais au cœur de tout ça il y a la mélodie, l’harmonie et le sentiment général. Pour nous, c’est l’essentiel. Mais c’est intéressants d’avoir les différents aspects de la musique dans ce que nous créons. Nous ne voulons nous limiter à aucun genre.

Beaucoup d’entre nous souhaitent savoir comment s’est décidé votre collaboration avec Anneke et si vous comptez réitérer l’expérience?

La porte est toujours ouverte, tu sais. Anneke fait partie de notre grande famille. Elle est très proche du groupe. Nous lui avons simplement demandé. Elle et Dany avait déjà donné des concerts ensemble dans le passé. Elle était avec nous pendant la tournée, nous l’aimons beaucoup.

Tu as mentionné votre projet d’enregistré un nouveau DVD, c’est exact ?

Oui une vidéo de concerts, sûrement au printemps avec K-Scope. C’est Lasse Hoile qui s’en charge. On fera un super package Deluxe pour ça.

Nous te remercions beaucoup et nous vous souhaitons un bon concert à Lyon.

Merci, oui ça va être une super soirée.


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