Groupe:

Therapy?

Date:

10 Février 2019

Interviewer:

Deicide5000

Interview Michael Mc Keegan (face à face)

Je rencontre Michael McKeegan, le bassiste d'origine et actuel... et l'un des membres fondateurs de Therapy? dans une salle de réunion de La Maroquinerie. Le gars est super détendu, souriant, abordable et va m'accorder 30 minutes de son temps avec une grande gentillesse en répondant à toutes mes questions... et se livrer sur son amour du death metal (si, si, vraiment !!!)...

Michael, c'était intéressant j'ai essayé de chercher sur Internet mais il n'y avait pas mention de vos dates de tournée passées alors est-ce que vous voulez nous parler un peu de la tournée ?

Ce soir c'est notre dernière soirée de la tournée européenne et on a fait à peu près 15 shows et l'année précédente, on a fait environ 15 shows en Europe et 15 shows au Royaume-Uni. Ça fait environ 10 semaines de tournée. Mercredi prochain, on s'envole pour la Finlande pour aller faire trois shows supplémentaires et on fera aussi une tournée en Irlande en mars puis on a aussi huit ou neuf festivals de programmés cet été. Après, ça ne m'étonne pas avec le site Web, quand le jour du concert est passé la date est supprimée du site donc en clair on a fait avec cet album à peu près 50 shows.

Est-ce que c'est la première fois que vous venez dans cette salle à Paris ?

Non on est venu ici plein de fois. On était ici en 2006 à peu près, c'était la même salle. On a joué au Divan du Monde deux fois. On a joué aussi dans un pub irlandais pas loin de Pigalle et je crois qu'on a joué à Paris à peu près 20 fois les dernières années.

J'ai remarqué que Chris Sheldon a produit "Cleave" votre tout dernier album qu'est-ce que ça fait d'utiliser le même producteur qu’avant ?

Au début quand on a commencé à écrire des chansons on avait discuté du producteur et on pensait qu'on allait le produire nous-mêmes et engager quelqu'un pour le mixage. Ensuite on y a pensé et on a réfléchi à qui pouvait faire sonner nos chansons. Le nom de Chris Sheldon est arrivé assez rapidement sur la table. Il était d'accord pour faire le mix, il a son propre studio, il a dit que OK les gars, vous voulez m'envoyer les démos, je vous donnerai un peu de feed-back et après on peut travailler sur les détails pour que, dès que vous voudrez enregistrer je vous dirai ce dont j'ai besoin. Et après discussion, c'en est arrivé au stade où il a fini par dire de toute manière je vais tout faire donc je vais produire. C'était bon parce que la première fois qu'on a travaillé avec lui, c'était en 1993. C'était à peu près 25 ans de ça au jour près on avait gardé le contact sur les années, il a de manière évidente travaillé sur un tas de différents projets et c'était vraiment cool de revenir ensemble et de partager cette expérience. Parfois quand tu vas en studio, tu rencontres le gars et ça te prend une semaine pour être à peu près à l'aise avec lui. Avec Chris, c'était clair et direct avec lui parce qu’il te disait “c'est super”, “c'est pas super”, “refais-le” donc c'était hyper constructif et on a vraiment passé un bon moment avec lui. C'était très facile parce que, au moment où on est rentrés en studio, on connaissait les chansons très très bien et on pouvait déjà les jouer live. Le chant principal et le chant d'accompagnement étaient prêts donc il n’y avait pas la pression. La pression d'écrire des chansons quand t'es en studio aurait été terrible. Donc je pense que l'ambiance sans pression transparait assez facilement dans l'écriture des chansons.

Tu as présenté Chris comme étant un ajout de valeur au processus d’écriture des chansons mais ça sonne au final comme si les chansons étaient déjà finalisées avant que vous alliez en studio.

Parmi les modifications que Chris a ajouté, on peut mentionner des “là vous jouez trop vite cette chanson” ou “ces paroles sont trop fortes”, il disait de certaines sections “cette section, c'est trop long, on la coupe” ou il pouvait aussi dire “rejoue ça un peu plus longtemps parce que ça crée bien l’atmosphère”. On a eu des producteurs qui ne faisaient rien d'autre qu’appuyer sur le bouton d’enregistrement. D’autres pouvaient te dire de quoi les paroles devaient parler… Chris est pile poil au milieu. Au final, il n’a pas eu beaucoup besoin d’intervenir parce qu'on avait beaucoup travaillé auparavant.

Vous avez déjà un catalogue de 15 albums, le dernier… qu’a-t-il de spécial ?

Celui-ci est vraiment un produit de sincérité. On a fait une tournée spécifique pour "Troublegum" (1994) et on jouait l'album et quelques faces B. Et on a eu vraiment beaucoup de plaisir et on a aussi fait une tournée acoustique qui était à peu près l'opposé de ça… avec des guitares acoustiques et tout le tintouin. Après on a fait l'album "Disquiet" (2015) qui nous a procuré beaucoup de plaisir. J'ai vraiment le sentiment qu'on était revenu en force avec "Disquiet" et je crois qu’avec "Cleave" (2018) on a encore plus raffiné notre art. C'est un peu comme les meilleures parties, les meilleurs morceaux de Therapy? On voulait le faire sonner contemporain, de la même manière, on voulait qu'il ait un gros son, plein d'énergie et que ce soit quelque chose qu'on puisse jouer en live. Donc c'est assez direct et d'une certaine manière c'est une réaction au show acoustique parce qu'on avait réarrangé les chansons avec les différents instruments. Le show acoustique était réellement fatiguant et nous a vidés. Vous êtes nus et exposés parce qu’il n’y a pas de mur d’amplificateurs. Si tu chantes faux, tout le monde l’entend. C’était vraiment stressant et tu peux comprendre que ça fait du bien d'être de retour avec des amplificateurs et d'être “Aaaaaah” (il mime une charge de bisons). Donc "Cleave" est réellement intéressant de cette manière. C’est pas comme si on avait trouvé Dieu ou autre chose. Il n’y a pas de changement radical dans notre vie mais ça s'est réalisé simplement et le public donne l'impression de l’apprécier.

Ouais donc après 15 albums, probablement plus de 2 millions d'albums vendus, c'est quoi le prochain défi pour vous ?

Tant pis, ça va probablement sonner un peu naïf mais je crois encore que nous sommes un tout jeune groupe. Après avoir eu un grand succès dans les années 90, on sait maintenant quelles sont les choses sur lesquelles il faut se concentrer. Le reste ça va ça vient, c’est pas important. Tu sais, c'est sympa d'être sur la couverture de magazine, c’est sympa mais je préfère largement faire un bon album qu’être sur la couverture d'un magazine. On essaye de se protéger dans ce qu'on fait. Je crois que beaucoup de personnes parlent de "Troublegum" mais si tu demandes à 10 fans de Therapy? il y en a cinq qui vont t’en parler mais c’est aussi cinq autres qui vont te parler d'autres albums. En fait notre seul souci est de faire de meilleurs albums, de meilleurs shows et de ne pas tomber dans une routine, dans la facilité. Tu sais c'est comme ça, en fait il y a plusieurs groupes que j’apprécie, regarde AC/DC, Motorhead, the Ramones, Bad Religion, ils ont tous un modèle. C’est le meilleur modèle que tu puisses trouver, on peut pas faire mieux. Mais il y a les règles pour faire du Ramones, des règles pour faire du AC/DC et on n’est pas vraiment ce type de groupe. On n’a pas cette formule au point encore et c'est ce qui rend les choses passionnantes quand on va en studio. On n’est pas sûrs de la direction dans laquelle on va aller donc c'est plutôt cool.

Est-ce que ça veut dire que vous ne voulez pas être perçu comme prévisibles ?

Je ne ferai pas un album de Jazz simplement parce que je ne veux pas être prévisible. Il faut que je sois passionné et aussi tu veux que ton cœur puisse te dire ce qu'il faut faire. Mais tu ne veux pas être paresseux et faire quelque chose de complètement calculé. C'est étrange mais normalement ça s’équilibre.

Une question que j'aime poser est : y a-t-il une chanson qui vous représente actuellement complètement ?

Une chanson qui est très bien accueillie en concert, et je ne parle que de la réaction en live, c’est la chanson “Success… success is survival” ! Elle a un gros riff, un bon groove, des bonnes paroles, une bonne mélodie. Tu sais, on finit notre set avec et le public l’aime beaucoup en fait. Maintenant si vous n'aimez pas cette chanson, il est peu probable que vous aimiez le reste.

À part la sortie du disque en septembre 2018 et cette tournée, qu'est-ce qui vous occupe actuellement ?

Et bien l'année prochaine c'est 2020 et ça sera notre 30ème anniversaire. Donc le plan est de faire une tournée anniversaire, on a encore une petite dizaine de festivals qui vient cet été, il y a quelques petites choses pour la fin d’année. Mais on ne veut pas que ce soit trop proche non plus de la tournée anniversaire donc il est possible qu'on aille écrire de nouvelles chansons juste avant la tournée et après la tournée qu'on enregistre un album. On a encore quelques pays où on n’a pas encore été avec "Cleave" donc peut-être que le plan c'est d'y aller …et de toute manière on verra bien parce que ça change toujours ces choses là. Il y aura peut-être aussi une autre vidéo pour l'album d'ici la fin de l’année. Il y aura sans doute au final à peu près quatre vidéos extraites de l’album.

Avez-vous changé de label récemment ?

Il se trouve que c'est le premier sur Marshall records. Bizarrement il y a pas mal de groupes à dominante “guitares” sur ce label. La plupart de ses groupes font leur premier album. Puisque c'était Marshall, vous savez comme les amplis, j'aurais pensé qu'il y aurait plus de rock classique mais il y a un vieux groupe de filles et différents trucs. Il y a un groupe japonais qui est instrumental et qui sonne du feu de dieu. Aussi quelques groupes à tonalité Indie mais pour la plupart ce ne sont que des groupes qui débutent donc on dénote assez fortement dans leur catalogue. On bénéficie aussi du fait qu'on connaît bien l'agent recruteur qui est quelqu'un qu'on a connu à l’époque Universal il y a assez longtemps. C’est un vétéran de la scène punk rock, il est très investi et il s'est vraiment démené pour pouvoir nous signer.

Y a-t-il des groupes que tu écoutes actuellement et que tu recommanderais ou devrais-je te demander simplement ce qui est sur ta playlist ?

J'écoute actuellement le dernier At the Gates “To drink from the night itself” qui est un bon album. J’adore At the Gates. J’écoute aussi un groupe de death metal Tomb Mold, ils sont Canadiens. J’écoute aussi un groupe Norvégien qui s’appelle Obliteration qui sonne comme du Autopsy des débuts. Je suis aussi obsédé par l’album "Born again" de Black Sabbath. Ian Gillan chante sur cet album. C’est un album tellement étrange, ce n’est ni du Black Sabbath, ni du Deep Purple. Je ne m'en étais pas rendu compte que c'était prévu qu'il porte un nom différent, comme un super groupe, mais Don Arden le tout nouveau manager de Black Sabbath à l’époque avait décidé qu’ils encaisseraient plus d’argent en l’appelant Black Sabbath. L’équipe de tournée et moi nous chamaillons dessus. j’écoute aussi The Police. Parfois c'est juste préférable d'écouter des choses tranquille pas trop heavy quand vous êtes en tournée.

J'ai remarqué que vous avez une tonne de chansons pendant le set.

Tu sais, défendre 15 albums est vraiment difficile donc on assemble de 26 à 28 chansons en fonction de la date. Il y a toujours environ 10 personnes qui vont te dire “vous n’avez pas joué ci” ou “vous n’avez pas joué ça”, de toutes manières. Après, c'est quand même la tournée promotionnelle du nouvel album donc on veut pouvoir le jouer mais on n’est pas stupides et on veut jouer les chansons pour lesquelles les personnes se sont déplacées. On essaye d'équilibrer ça, on change un petit peu d’un soir à l’autre.

Est-ce que tu peux me parler de ta routine pour t’échauffer chaque soir ?

Normalement environ une heure avant le show je mets ma tenue de scène. Bon c'est facile, c'est un T-shirt noir avec un jean noir. J'espère toujours qu'ils seront secs de la veille, tu sais, on n’a pas forcément la possibilité de faire la lessive tous les jours donc parfois c'est plein de sueur et ça pue. Je joue quelques gammes et je m'étire un peu. On a toujours une impression de la setlist et on la passe en revue et on en discute. “OK on va passer de telle chanson à telle autre directement” ou “on va faire une pause, tu vas jouer cette partie deux fois”, etc... Après Andy parle bien français et allemand donc il aura un échange avec le public, donc il faut aussi qu'on réserve de la place pour ça

Tu m'as parlé de votre exposition dans les années 90, vous avez connu des grosses ventes de disques, par opposition à maintenant où les ventes de disques sont peut-être une chose du passé. Est-ce que tu penses que Internet vous a affecté particulièrement ? Quelle est ton appréciation ?

Je ne sais pas parce que les groupes font des choses pour des raisons différentes. Dans les années 90, on était trop heavy pour la scène alternative mais pas assez heavy pour la scène metal. On avait des fans des deux bords donc on était plutôt au bon endroit. En Angleterre, avec le mouvement Brit pop et bien sûr quand on a commencé, il y avait aussi le grunge, on ne trouvait pas trop de place. On ne venait pas de Seattle donc c’était évident, on n’allait pas jouer du grunge. La bonne chose c'est que quand ces scènes étaient au top, on n’a jamais vraiment été au top …mais quand ces scènes se sont cassées la gueule, on n’est pas tombé très bas non plus. Donc évidemment, après "Troublegum" (1994) et "Infernal Love" (1995) ça a été moins bien mais c'est remonté progressivement. Sur les 10 dernières années et spécialement sur les cinq dernières, c’est bien remonté. Je sais comment ça se passe. J’ai connu des groupes que j'écoutais quand j'étais plus jeune et c'était vraiment LE groupe et après tu t’en désintéresses. La vie prend le dessus, les gens ont un travail, une famille et tout d'un coup, ils ne vont plus aux concerts. Cependant sur les cinq dernières années, de nouvelles personnes sont venues. De deux choses l’une, des nouvelles personnes viennent nous voir, peut-être que leurs parents nous écoutaient, mais aussi des vieux fans, des personnes plus mûres. Chaque soir, cinq ou six personnes vont venir nous dire “je ne vous ai pas vus depuis vingt ans”. Mais on a toujours fait des disques et on était en tournée donc je ne pense pas que l'Internet nous ait frappé tant que ça, on a continué à faire ce qu'on voulait faire. On est des fans de musique et il y a toujours une façon de gagner plus d'argent de manière rapide mais tu ne seras peut-être pas là dans cinq ans pour en profiter. Alors que nous on a peut-être été sur le chemin un peu plus compliqué mais on s’est assuré qu’on serait encore là dix ans après. Nous avons une approche sur le long terme. On est dévoué à ça pour la vie, on ne s’est jamais séparés. Beaucoup d’autres groupes étaient sur des couvertures de magazines… et bam, il n’y étaient plus. Nous, on est toujours restés actifs et ça nous allait bien. Et c'est vrai que quand tu es la dernière nouveauté, ce qu'on était en 94-95, tout le monde t’aime mais soudainement tu n'es plus la dernière nouveauté. Et bientôt tu deviens légendaire… Pour moi avoir duré plusieurs années ne veut pas dire que nous sommes des légendes. La légende, c'est Motörhead ou des groupes comme ça. Donc tu deviens “dernière nouveauté” et après ça tombe et après tu passes à l'étape ou tu fais ce que t'as à faire de la manière la plus honnête possible. Parfois il se trouve que tu as des gens qui sont responsables de festival qui viennent à toi et qui te disent que quand ils avaient 14 ans, tu étais leur groupe favori. Ils insistent pour te réserver pour leur show. Ça se construit, je ne peux pas vraiment me plaindre. Les tournées ont été très bonnes, ce fut génial, et ça va être encore génial ce soir.

Jouerez-vous des reprises ce soir à part "Isolation" ?

On joue habituellement "Isolation" mais à part ça, c'est à Andy qu’il revient de décider. De toutes manières, c'est lui qui lance des chansons.

Je suis batteur et je suis encore à fond dans le style de Fyfe Evans (leur premier batteur). Un groove magique, un peu comme Stewart Copeland (batteur de The Police).

Oui Stewart est clairement une grande influence, pour sûr. Fyfe n'était pas très sociable et il n’aimait pas tourner. Ça semble s’être passé il y a une éternité. Quand il est parti, c’était fini, on ne l’a plus jamais revu. On dit toujours que si on vient à se croiser dans la rue on irait prendre une bière, ça c'est sûr. Après je comprends car il était dans le groupe pendant cinq ans et ces cinq années ont été folles. J' apprécie juste le fait qu'on ait Neil maintenant.

As-tu une question à laquelle tu aurais aimé répondre ?

Ah mon dieu, pffff. Peut-être que la seule chose que j'ajouterais parce qu'on nous demande beaucoup sur les médias sociaux : “Pourquoi ne venez-vous pas jouer dans ma ville ou mon pays ?”. La seule chose que je puisse dire c'est qu'on aimerait si on nous demandait. C'est la seule réponse honnête. Quand on monte une tournée, notre agent parle à ses contacts et s’ils ne répondent pas avec une invitation, ça ne va pas arriver. On ne peut pas se déplacer en avion et se présenter et dire “nous exigeons de jouer”. C'est simplement la vérité. Quelques fois les gens ont du mal à l'admettre mais c'est la vérité.

Merci Michael, tu as été vraiment sympa.

Je t'en prie. Merci à toi aussi.

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